"Motion de destitution": comment fonctionne l'article 68 invoqué par LFI contre Emmanuel Macron?
Près d'un mois et demi après les élections législatives, Emmanuel Macron n'a toujours pas choisi son Premier ministre. L'accusant d'abus de pouvoir, La France insoumise menace d'utiliser l'article 68 de la Constitution pour destituer le président de la République.
Toujours en quête d’un Premier ministre et d'un gouvernement, Emmanuel Macron a ouvert ce mardi 27 août de nouvelles consultations. Les discussions se poursuivent en effet après la décision, la veille, du chef de l'État d'écarter l'option Lucie Castets, candidate du Nouveau Front populaire à Matignon.
Une décision qui a été évidemment aussitôt dénoncée par les insoumis. Dans un communiqué publié le lundi 26 août sur X par Manuel Bompard, LFI a confirmé qu'une motion de destitution serait présentée par ses députés au bureau de l'Assemblée nationale "conformément à l'article 68 de la Constitution", qui prévoit la possibilité de démettre le président de la République en cas de "manquements à ses devoirs". Le parti de gauche a notamment reproché au chef de l'État d'avoir pris "une décision d'une exceptionnelle gravité" en écartant l'option d'un Premier ministre du Nouveau Front populaire.
"Il ne reconnaît pas le résultat du suffrage universel qui a placé le Nouveau Front Populaire en tête des suffrages. Il refuse de nommer Lucie Castets Première ministre", a ajouté le parti.
Ce n'est pas la première fois que les députés insoumis menacent Emmanuel Macron d'une motion de destitution. Le 18 août, dans un texte publié dans la Tribune du dimanche, LFI avait déjà sommé le président de la République de nommer la candidate du Nouveau Front populaire à Matignon, sans quoi ils déclencheraient l’article 68 de la Constitution.
Une menace qui n'a visiblement pas fait sourciller Emmanuel Macron, puisqu'il a officiellement écarté ce lundi la candidature de Lucie Castets au poste de Premier ministre au nom de la "stabilité institutionnelle". Selon lui, la candidate NFP serait "immédiatement censurée" à l'Assemblée nationale.
Une destitution peu probable
Si LFI appelle à la destitution du président de la République, l'application de cette motion n'est pourtant pas si simple. Pour aboutir, le texte devra être approuvé par le bureau de l'Assemblée nationale, où le NFP détient la majorité. Mais le soutien d'EELV, du PCF et du PS à la démarche des insoumis n'est absolument pas garanti.
Une fois cette étape passée, la motion devra être adoptée en commission des Lois, et dans l'hémicycle à une majorité des deux tiers. Un parcours similaire doit ensuite être effectué au Sénat, avant que la Haute cour ne se réunisse pour statuer. Cette dernière dispose d'un mois pour se prononcer, à bulletins secrets, sur la destitution, là encore à une majorité des deux tiers.
Si LFI, avec 72 députés, peut théoriquement déposer seul sa proposition de résolution (il faut un dixième des 577 députés pour le faire, soit plus de 57 élus), le parti dit vouloir agir sur une "base aussi collective que possible".
"La gravité du moment appelle une réplique ferme de la société française contre l’incroyable abus de pouvoir autocratique dont elle est la victime", a affirmé LFI sur X ce lundi.
À défaut de voir Lucie Castets Première ministre, les insoumis ont également assuré qu'ils déposeraient une motion de censure contre tout autre candidat. Au micro de France Inter ce mardi matin, la candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon a promis "à titre personnel de continuer à (s)e mobiliser".
"Aujourd'hui, on leur (les électeurs) dit votre vote ne sert à rien", a fustigé Lucie Castets sur France Inter.
Désaccord sur ce point au sein du NFP
Au-delà de la faisabilité de la procédure, l'initiative des insoumis est loin de faire l'unanimité au sein du NFP. Invité sur Franceinfo ce mardi en début d'après-midi, le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet a affirmé que son parti était opposé à une procédure de destitution contre Emmanuel Macron, soutenant que "l'urgence, à ce stade, est dans le débat, dans la discussion politique".
Après la publication par les insoumis du premier texte faisant mention de la destitution du président, le 18 août, les autres forces politiques du NFP avaient déjà fait entendre leur désaccord. "Cette tribune n’est signée que par les dirigeants de LFI. Elle n’engage que leur mouvement. La réponse à une nomination d’un Premier ministre qui ne serait pas conforme à la tradition républicaine, est la censure", avait balayé le patron des socialistes Olivier Faure sur son compte X le 18 août.
Ce n'est "ni la ligne, ni la priorité" des Écologistes, avait affirmé de son côté Marine Tondelier le 19 août sur BFMTV. Même prise de distance du côté du Parti communiste. "LFI choisit de se lancer dans la présidentielle dès maintenant. C'est leur choix", indiquait le PCF à l'AFP. "Pour nous, ce n'est pas la priorité".
Si toutes les forces politiques du NFP ne s'entendent pas sur cette motion, elles sont cependant d'accord pour qualifier d'"antidémocratique" la décision du chef de l'État de ne pas choisir leur candidate à Matignon.
Avant Emmanuel Macron, la menace de destitution n'avait été brandie qu'une seule fois, sous François Hollande, au moment de la parution de son livre d'échanges avec des journalistes Un président ne devrait pas dire ça… en 2016. À l'époque, le bureau de l'Assemblée nationale, aux mains des socialistes, avait jugé la proposition de résolution des députés Les Républicains irrecevable.
Au-delà de la motion de destitution, La France insoumise espère faire pression sur Emmanuel Macron en appelant à "une grande manifestation contre le coup de force" d'Emmanuel Macron le 7 septembre prochain.