Motion de censure contre Michel Barnier : quelles différences entre celle du NFP et celle du RN ?
Alors que la gauche dénonce la politique « austéritaire » d’un gouvernement illégitime, le RN pointe l’absence de mesures visant l’immigration ou l’Union européenne.
Deux textes, deux ambiances. Ce lundi 2 décembre, dans la foulée de l’annonce par Michel Barnier du recours au 49-3 sur projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), le Nouveau Front populaire (NFP) comme le Rassemblement national ont annoncé leur volonté de censurer l’exécutif. Ce qui promet au Premier ministre une fin de bail anticipée à Matignon, sauf improbable retournement de situation.
Et comme c’est habituellement le cas en de pareilles circonstances, les deux blocs motivent leur volonté de faire chuter le gouvernement avec des arguments diamétralement opposés. Du côté du NFP, l’accusation porte autant sur la légitimité du Premier ministre que sur ses plans budgétaires. « À n’en pas douter, si ce gouvernement minoritaire n’est pas censuré dès maintenant, il continuera à imposer sa politique austéritaire en usant à nouveau du 49-3 sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 et sur le projet de loi de finances pour 2025 », écrivent André Chassaigne (PCF), Cyrielle Chatelain (Les Écologistes), Boris Vallaud (Parti socialiste) et Mathilde Panot (La France insoumise).
Se distinguer du RN
Selon eux, « Michel Barnier poursuit le dogmatisme des soutiens d’Emmanuel Macron, qui refusent toute mesure de justice sociale » et fait « le choix de l’austérité, qui fait porter un risque important de récession », notamment sur le front de l’emploi. « S’il était mis en œuvre, ce budget de la sécurité sociale aggraverait les difficultés que vivent les Françaises et les Français au quotidien : fermeture des services d’urgence, pénuries de médicaments essentiels, désertification médicale, hausse du renoncement aux soins pour raisons financières, Ehpad et hôpitaux publics à bout de souffle, dérives de la marchandisation du secteur des crèches… », énumèrent-ils, jugeant que ces orientations politiques ont été « pourtant sanctionnées dans les urnes » au mois de juillet.
Plus loin, les signataires de la motion de gauche regrettent la position dans laquelle s’est placé le Premier ministre. « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique », dénonce la coalition de gauche, qui accuse l’exécutif de rechercher « un accord désormais clair avec le Rassemblement national ».
Une formulation qui vise à balayer les accusations en « collusion » déjà émises par le socle commun, qui dénonce une « alliance » entre le bloc de gauche et le Rassemblement national. Alors que le texte du NFP étrille une politique d’austérité menée par un gouvernement illégitime, celui du Rassemblement national et de son allié Éric Ciotti pointe « l’absence d’économies structurelles » et déplore (sans surprise) une inaction « sur l’immigration ou sur la contribution de la France à l’Union européenne ».
L’extrême droite cible l’ensemble du budget
Étrangement, la copie du RN ne porte pas uniquement sur le texte concerné par le 49-3 utilisé par Michel Barnier, mais sur l’ensemble des orientations budgétaires exprimées par l’exécutif. « Rien dans les textes ne renforce la souveraineté de la France, notamment dans le domaine si crucial pour notre pays de l’énergie », regrette l’alliance d’extrême droite, alors que ces sujets n’ont aucun rapport avec le PLFSS 2025. Ce qui laisse penser que les fameuses « lignes rouges » tracées (et parfois de manière mouvante) par Marine Le Pen, ne visaient qu’à placer le RN au centre du jeu et faire la démonstration de la faiblesse de l’exécutif.
Ainsi, le parti lepéniste entend censurer un gouvernement incapable à ses yeux de « rendre du pouvoir d’achat aux Français », de « défendre les entrepreneurs et la valeur travail », de « lutter contre les rentes, la spéculation et la fraude », de « dégraisser l’État » via « une débureaucratisation massive » et de « stopper les dépenses contraires à la volonté populaire ». Le texte dénonce par ailleurs des textes qui n’offrent « aucune mesure de justice fiscale notamment la taxation de la spéculation ». Une accusation qui prête à sourire au regard des positions exprimées par le parti lepéniste durant l’examen du budget, venant plusieurs fois en défense du gouvernement contre le retour de l’ISF ou contre le rehaussement de la flat tax entre autres.
Reste que le RN, qui brandit son chiffre fétiche mais trompeur des 11 millions d’électeurs au second tour des législatives, considère que la politique budgétaire du gouvernement « ne répond en rien aux enjeux de notre pays ». Raison pour laquelle il appelle à la censure du gouvernement. Et à la différence de la gauche, qui ne devrait pas apporter ses voix à la motion du RN (qui ne compte ni l’expression « justice sociale » ni « austérité » dans son texte), Marine Le Pen a fait savoir qu’elle voterait sans ciller celle du NFP. Qu’importent ces criantes différences d’approche.
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