Mother Land : Alexandre Aja nous explique la fin de son film avec Halle Berry [SPOILERS]
ATTENTION : Cet article contient des spoilers sur la fin de "Mother Land", il s'adresse aux spectateurs ayant déjà vu le film.
Mother Land, dixième long métrage du cinéaste français Alexandre Aja est en salles depuis mercredi 25 septembre. Depuis la fin du monde, June protège ses fils Samuel et Nolan, en les confinant dans une maison isolée. Ils chassent et cherchent de quoi survivre dans la forêt voisine, constamment reliés à leur maison par une corde que leur mère leur demande de ne surtout « jamais lâcher. » Car, si l’on en croit June, la vieille cabane est le seul endroit où la famille est à l’abri du « Mal » qui règne sur la Terre. Mais un jour, la corde est rompue, et ils n’ont d’autre choix que de s’engager dans une lutte terrifiante pour leur propre survie…
Halle Berry tient le rôle de la mère tandis que les jeunes Percy Daggs IV et Anthony B. Jenkins incarnent ses fils Nolan et Samuel.
Vous avez vu le long métrage et n'avez pas tout compris à la fin ? Lors de notre rencontre avec Alexandre Aja pour la promotion de son film, nous lui avons demandé de nous expliquer la fin. Celui-ci nous a expliqué qu'il s'était rendu compte assez rapidement que la fin de Mother Land pouvait être interprétée de différentes manières.
"Quand je suis arrivé sur le film, j'avais une lecture très claire de ce que racontait l'histoire. Mais je me suis rendu compte que, finalement, d'autres personnes avaient une lecture très différente. Au début, cela m'a un peu déstabilisé. Pourtant, je me suis dit : peut-être que c'est une opportunité de confronter des points de vue différents, comme dans certaines histoires où il existe une explication surnaturelle et une explication réaliste.
Cela me rappelle des films comme The Shining ou Onibaba, où plusieurs interprétations sont possibles. C’est aussi le cas dans certains contes classiques d'horreur, comme "Hansel et Gretel" ou "Le Petit Poucet", où différentes explications peuvent coexister. Je trouvais intéressant de maintenir cette ambiguïté. Cependant, ma vision, elle, n'a jamais changé. Normalement, je n'aime pas la partager, car je préfère laisser chacun libre de sa propre interprétation."
La métaphore de la corde
Tout au long du film, June et ses fils sont reliés à la maison par une corde. Selon June, être attaché à la maison les protège d'une force maléfique qui a envahi le monde. Il devient vite évident que la corde est une métaphore du cordon ombilical et symbolise le lien avec leur mère, qui les maintient sous son contrôle.
Dans la scène finale, Nolan parvient à se libérer de l'emprise maternelle en coupant la corde et tente de faire comprendre à June que tout est dans son imagination, tandis que Samuel semble convaincu qu'un démon rôde. Les événements de la fin — la fillette qui grimpe à l'arbre et la main qui apparaît sur l'épaule de Samuel sur le polaroid — laissent penser aux spectateurs, alors en plein doute, que le mal existe réellement. Pourtant le monde extérieur semble aller bien... Alors qu'en est-il vraiment ?
Pour Alexandre Aja, Mother Land "raconte l'histoire d'une mère et de ses deux enfants : l'un remet en question ce qu'elle dit, tandis que l'autre croit tout ce qu'elle affirme. C'est une histoire de croyances, de folie, et de traumatismes générationnels transmis de génération en génération. À la fin du film, l’un des enfants parvient à accepter la part d'ombre de sa mère, à couper les liens et à se libérer, tandis que l'autre restera à jamais prisonnier du traumatisme transmis par la mère. La photo que l'on voit à la fin, où le mal pose sa main sur l'épaule de Samuel, symbolise pour moi le fait que Samuel ne s'en remettra jamais, qu'il sera toujours contaminé par ce mal, alors que Nolan, lui, sera libre."
C'est une histoire de traumatismes générationnels transmis de génération en génération.
La main sur la photo est donc une métaphore du traumatisme qui vivra toujours dans l'esprit de Samuel.
Un film sur ce que l'on transmet à nos enfants
Le cinéaste ajoute "C'est cet aspect qui m'a particulièrement touché dans le script. Je me suis vraiment demandé : en cherchant à protéger, est-ce que l'on ne transmet pas des peurs qui ne nous appartiennent pas ? C'est une vraie question. Aimer peut aussi être dangereux. D'un autre côté, quand on est enfant, on peut se demander : est-ce que notre mère peut nous mentir ? Peut-elle vouloir des choses négatives pour nous ? Tout cela est très complexe, mais c'est ce qui m'a le plus touché. C'était instinctif pour moi."
Mother Land propose donc une réflexion sur la parentalité et sur ce qu'on laisse en héritage à nos enfants. Les peurs, les angoisses et les traumatismes des parents peuvent avoir des effets durables sur certains tandis que d'autres parviennent à s'en affranchir. Et c'est cette réflexion profonde qui a intéressé Alexandre Aja à la première lecture du scénario.
Le metteur en scène ajoute :"J'ai l'impression que le cinéma d'horreur a une dimension qui, parfois, peut être plus riche. Parce que, au-delà du divertissement, ça devient presque un outil psychologique pour se confronter à notre part d'ombre, pour pouvoir, justement, comme dans les contes de fées les plus sombres, se confronter aux monstres qui existent d'une manière ou d'une autre.
C'est ça qui m'intéresse, c'est quand, tout d'un coup, un film de genre, en poussant des caractères humains à leur extrême, va explorer toute la complexité, va nous permettre de nous exorciser de certaines de nos terreurs."