Mort de Mahsa Amini en Iran : deux ans après, « la situation empire de jour en jour », mais l’espoir reste

La mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, tuée par la police des mœurs à cause d’un foulard mal positionné, a ravivé les braises d’une contestation qui couvaient déjà en Iran (photo d’illustration à Nantes en octobre 2022).
DAMIEN MEYER / AFP La mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, tuée par la police des mœurs à cause d’un foulard mal positionné, a ravivé les braises d’une contestation qui couvaient déjà en Iran (photo d’illustration à Nantes en octobre 2022).

IRAN - « Femme, vie, liberté. » Trois mots et un cri qui n’ont pas perdu de leur force, deux ans après leur naissance dans les rues iraniennes en réaction à la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre 2022 à Téhéran. Le décès de cette étudiante, tuée par la police des mœurs à cause d’un foulard mal positionné, a ravivé les braises d’une contestation qui couvaient déjà. Face à elle, le régime du guide suprême Ali Khamenei a déployé une féroce et effroyable répression.

Exécutions, meurtres, emprisonnements arbitraires, tortures, violences sexuelles… : le prix payé par les opposants pour leurs actes de désobéissance civile est terriblement lourd. En 2023, l’ONU et Amnesty International accusaient d’ailleurs le régime de crime contre l’humanité. Le mois dernier encore, en une seule journée, 29 personnes ont été pendues, dont 26 lors d’une exécution collective, dénonçait l’ONG Iran Human Rights (IHR), basée en Norvège.

Mais malgré les pertes, les violences et la mort, la contestation continue en Iran, et pas seulement. À Paris, l’association Femme Azadi organise un rassemblement ce dimanche 15 septembre, place Victor Hugo. Dans la foule sera présente Mahasti Majidi, 58 ans. Celle qui a quitté l’Iran pour la France il y a plusieurs décennies grâce à un visa touristique se trouvait à Téhéran au moment de la mort de Mahsa Amini.

L’électrochoc

« Lorsque j’étais en Iran en septembre 2022, j’ai appris qu’une jeune femme venait d’être arrêtée par la police des mœurs à Téhéran », raconte-t-elle au HuffPost. « Je suis passée devant l’hôpital où elle vivait ses derniers instants, j’étais très émue. Puis j’ai appris sa mort et j’ai pensé : “Elle avait 22 ans, l’âge de ma fille. Si ma fille était née en Iran, elle serait peut-être à la place de Mahsa” », se remémore-t-elle avec émotion.

Mahasti Majidi quitte l’Iran le jour de l’enterrement de l’étudiante, alors que la contestation explose face à cette violente injustice et des années de répression. « À partir de là, ma vie a encore changé, il fallait que je fasse quelque chose. » Elle décide alors de s’engager complètement dans cette « révolution », en soutien au mouvement « Femme, vie, liberté » qui a pris son essor en Iran. Un engagement qui, elle le sait, lui a complètement fermé les portes de son pays, sous peine d’être arrêtée et emprisonnée à son arrivée.

Mahasti Majidi, qui a vécu avant son émigration la montée de l’oppression et la restriction des libertés – « Pour une mèche de cheveux qui dépassait, vous étiez emmenée au poste pour être interrogée » –, s’inquiète aujourd’hui pour la jeune génération. « La situation empire de jour en jour là-bas et certains jeunes me disent qu’ils n’ont plus d’espoir, qu’ils ne peuvent rien construire et qu’ils ne veulent pas se marier ou avoir des enfants dans ce pays. Ils n’ont qu’une envie, c’est de partir d’Iran. Chaque fois que je parle avec eux, j’ai envie de pleurer », nous confie l’activiste.

Elle veut cependant s’accrocher à l’espoir du changement, au pouvoir de la mobilisation qui se poursuit. Pas dans la rue, après les milliers de morts et arrestations des deux années passées, mais via d’autres formes de protestation : enlever son voile, chanter, danser, écrire sur les murs la nuit… « C’est courageux quand on sait quels risques elles prennent », souligne-t-elle. À titre d’exemple, en 2024, plusieurs femmes ont été arrêtées pour avoir « brisé les normes sociales en dansant » en public.

« On sait que ça va s’enflammer »

Dimanche, Mahasti Majidi sera aux côtés de Mona Jafarian. Cette dernière, présidente de l’association Femme Azadi, ne peut plus, non plus, remettre les pieds en Iran et se trouve sous protection policière en France. Pour elle, « il y a toujours de l’espoir » pour le peuple iranien. « Ils sont des millions à lutter, le régime est aux abois. »

« Pour étouffer la contestation, il faudrait qu’ils tuent des Iraniens par milliers et ça, ça mènerait directement à une révolution », assure-t-elle au HuffPost, certaine que le règne d’Ali Khamenei et de la police des mœurs est voué à sa perte. Mona Jafarian compte également sur la pression de la communauté internationale. Car, selon elle la chute, du régime viendra « d’une pression maximum des Occidentaux » et de l’isolement du pays. C’est tout le cœur l’engagement des deux femmes : « À un moment, on sait que ça va s’enflammer et qu’ils vont tomber. »

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