Mort de Mélinda, ébouillantée à 19 mois: son beau-père condamné à 25 ans de réclusion, sa mère à 18 ans de prison

(Photo d'illustration) - Philippe HUGUEN © 2019 AFP
(Photo d'illustration) - Philippe HUGUEN © 2019 AFP

Ébouillantée par son beau-père, Mélinda avait agonisé toute une nuit: la cour d'assises du Nord a condamné ce lundi le jeune homme à 25 ans de réclusion criminelle pour "actes de barbarie" et la mère à 18 ans d'emprisonnement pour avoir laissé souffrir et mourir la fillette de 19 mois.

L'homme qui hébergeait le couple a écopé de quatre ans de prison pour n'avoir pas porté assistance à l'enfant, morte à l'issue d'une agonie de plus de 17h. Avant que la Cour ne se retire, tous avaient demandé "pardon" pour leurs actes.

Une semaine d'audience "insoutenable"

À l'issue d'une semaine d'audience "insoutenable" pour les parties civiles, contraintes de revivre le calvaire de la petite fille, la Cour a estimé que les "actes de torture et de barbarie" imputés au beau-père étaient caractérisés, sans toutefois suivre totalement l'avocat général, qui avait requis 28 ans.

Jason Odin, 25 ans, est condamné à 25 ans de réclusion assortis de 10 ans de suivi socio-judiciaire pour avoir, dans la soirée du 17 mai 2016 à Neuf-Mesnil, aspergé la fillette avec de l'eau brûlante avant de l'enduire de crème et de la coucher.

Il est également reconnu coupable de l'avoir maltraitée pendant des mois (coups, bains d'eau glacée, heures "au coin"), lui jetant même des excréments.

La mère Ana Maria Barbosa de Sousa, 35 ans, est condamnée pour n'avoir pas empêché le crime de son compagnon, n'avoir rien fait pour secourir son enfant et l'avoir privée de soins.

"Colère" contre la mère

"Pour M. Odin, c'est difficile, (...) mais la Cour semble avoir entendu son message, reconnu qu'il était perdu, plein de fragilités et de contradictions et qu'il regrette", a commenté son avocat Me Jean-Baptiste Henniaux, qui "déconseille" à son client d'interjeter appel.

Ana Maria Barbosa de Sousa va elle "réfléchir", car "c'est une peine très lourde", a estimé son avocat Me Jean-Raphaël Doyer. "Pendant le procès, c'était elle qui concentrait la colère dans les yeux des jurés. Pourtant ce n'est pas elle qui a commis les faits".

"On est déçu, on ne comprend pas" le verdict de la Cour, a réagi l'avocat du père de Mélinda, Me Hugo Van Cauwenberge, qui "repart avec beaucoup de questions".

"Soulagée" que la cour ait reconnu les actes de barbarie, l'avocate de l'association Innocence en Danger, Me Nathalie Bucquet, "retiendra les derniers mots de la présidente, qui a souligné la dignité des parties civiles, les appelant à se souvenir de Mélinda en vie". "Cela a rendu beaucoup d'humanité à un procès qui en manquait cruellement".

Pendant cinq jours, magistrats, avocats et experts ont tenté de saisir les contours d'un "huis clos sordide" dans lequel "chacun a continué sa vie, indifférent aux souffrances endurées" par Mélinda, selon Me Van Cauwenberge.

Une enquête sociale ouverte

Mélinda vivait "dans un taudis", entourée "de drogue, d'alcool et de crasse", a lâché un témoin en larmes, le médecin du couple relatant la "maigreur" de l'enfant et sa "solitude".

"Je suis responsable", mais "jamais j'ai voulu sa mort !", s'est défendu Jason Odin, niant le caractère intentionnel des blessures et assurant "aimer" Mélinda.

"Cette mère est-elle capable d'aimer ?", a demandé mercredi la présidente Anne Cochaud-Doutreuwe. "Comme une enfant", a répondu l'experte psychologue, la jugeant "incapable d'investir une fonction maternelle", car concentrée sur ses démêlés amoureux.

Elle avait déjà perdu sa fille Joulia, décédée en 2013 quand son parrain l'avait laissée tomber. À la mort de Mélinda, elle était poursuivie pour des maltraitances, avec ses deux autres enfants placés. Les services sociaux "auraient pu éviter ça", ont estimé Me Bucquet et Jean-Philippe Broyart, l'avocat de l'association Enfance et partage.

Car "dès la fin janvier" - cinq mois environ avant les faits - le juge des enfants avait été alerté par un courrier du père de Mélinda: il avait alors saisi l'AGSS (Association de gestion des services sociaux) de Maubeuge, déclenchant une enquête sociale.

"Que s'est-il passé (jusqu'à) la première visite de l'éducatrice en avril", puis "entre l'achèvement le 3 mai de son rapport - inquiétant - et sa réception par le juge mi-mai?", se sont interrogés ces avocats, pointant une "lourdeur administrative" et des "délais trop longs". Ils entendent engager une action en responsabilité à l'encontre de ces service

Article original publié sur BFMTV.com