Mort d'Alain Delon: pourquoi l'acteur était si apprécié au Japon

Alain Delon aimait s'autoproclamer "un dieu vivant au Japon" et il n'avait pas vraiment tort. Grâce au succès de ses films et à son incarnation de l'idéal masculin, l'acteur, mort ce dimanche 18 août à l'âge de 88 ans, s'était assuré une popularité phénoménale dans l'archipel très tôt dans sa carrière, qu'il avait savamment réussi à entretenir sur plusieurs décennies.

Roses rouges, coupes de fruits, éventails, statuettes: les Japonais qui croisaient l'acteur lui offraient tout et n'importe quoi, et des femmes manquaient de tomber à la renverse après une accolade avec leur idole.

"On disait qu'Alain Delon était plus célèbre au Japon qu'en France", rappelle Yoshi Yatabe, ancien programmateur du Festival international du film de Tokyo dans une interview à l'AFP en 2022.

"Au Japon, je suis une sorte de divinité. Les gens ressentent un plaisir fort à me palper, à caresser ma main, à embrasser mes doigts", confiait l'acteur lui-même lors d'un entretien au Figaro Magazine en 1986.

L'histoire d'amour entre le Japon et l'acteur a commencé dans les années 1960, avec la sortie cette année-là du film Plein soleil de René Clément. Alain Delon y incarne Tom Ripley, un jeune séducteur d'une beauté magnétique, débordant de culot et assassinant de sang-froid.

"J'écoutais la bande musicale de Plein Soleil tous les jours quand j'étais jeune. Je me disais 'comment une personne aussi séduisante peut-elle exister dans ce monde?'", assure une Japonaise, interrogée par BFMTV. "Il était tellement beau. Il n'y a pas d'autres célébrités aussi belles que lui", abonde une autre.

Succès au Japon, Plein Soleil permet à l'acteur de se faire connaître du public de l'archipel, séduit par son apparence et "son côté triste, mystérieux, ambitieux mais aussi un peu 'loser', solitaire et cynique", précise à l'AFP Yoshi Yatabe.

"Ce côté sombre a vraiment plu aux spectateurs japonais, qui préfèrent encourager les perdants: au théâtre kabuki par exemple, le public sympathise avec les plus faibles", ajoute-t-il.

Alain Delon fascine également au Japon grâce à ses nombreux films noirs comme le très esthétique Le Samouraï de Jean-Pierre Melville (1967), car ses personnages épousaient un goût local associant le mystère à l'élégance, selon Kyoichiro Murayama, autre critique de films et enseignant sur le cinéma interrogé par l'AFP.

"Les Japonais s'étaient identifiés à moi. Au Japon, il y a tout de même un petit complexe d'infériorité de couleur de peau, ils envient le blanc. Et s'ils avaient eu la chance d'être blancs, ils auraient voulu ressembler à Alain Delon", assurait un Delon à l'ego surdimensionné dans une interview au JT de France 2 en 1996.

Il était aussi célèbre dans l'archipel pour sa proximité avec l’acteur Toshiro Mifune, mort en 1997, vu dans Les Sept Samouraïs et avec qui Delon avait partagé l’affiche du film Soleil Rouge en 1971.

C'est en 1963 qu'Alain Delon se rend pour la première fois au Japon dans le cadre du festival du film français de Tokyo. À 27 ans, il s'est déjà fait un nom dans le pays grâce à ses films et arrive régulièrement en tête des classement des célébrités les plus appréciées dans l'archipel entre 1961 et 1975.

Après cette première visite, l'acteur va multiplier les voyages au Japon d'abord pour promouvoir ses films mais également pour participer à des émissions de variétés à la télévision et à des événements mondains.

Sa présence récurrente à la télévision japonaise, où il a parfois battu des records d'audience, "a été très importante" pour ancrer durablement sa popularité locale, selon Kyoichiro Murayama.

Dans les années 1970, Alain Delon se transforme progressivement en une sorte d'ambassadeur du chic à la française qui fait vendre au Japon. Il devient ainsi l'égérie de D'Urban, une marque nippone de costumes pour hommes, et tourne des publicités pour les voitures Mazda.

Il lance également en 1978 sa propre marque, Alain Delon, et vise surtout le Japon et d'autres pays asiatiques, pour vendre des articles de mode et accessoires à son nom, jusqu'à des cigarettes.

Dans les années 1980 et 1990, un tour-opérateur nippon proposait même des voyages organisés en Europe dont la cerise sur le gâteau était un banquet à Paris en présence d'Alain Delon. Des options payantes étaient prévues pour avoir l'honneur de lui remettre un bouquet ou faire une photo-souvenir avec lui. Au total, plus de 50.000 Japonais y auraient pris part.

Article original publié sur BFMTV.com