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"Montre jamais ça à personne": pourquoi le docu sur Orelsan n'intéressera pas que ses fans

Clément Cotentin et son frère le rappeur Orelsan à Cannes, le 10 octobre 2021. (Photo: Arnold Jerocki via Getty Images)
Clément Cotentin et son frère le rappeur Orelsan à Cannes, le 10 octobre 2021. (Photo: Arnold Jerocki via Getty Images)

MUSIQUE - “Montre jamais ça à personne”, faisait promettre Aurélien Cotentin à son frère Clément, cameraman amateur. Vingt ans d’images plus tard, le documentaire “Montre jamais ça à personne”, découpé en six parties d’une quarantaine de minutes chacune, raconte comment Aurélien Cotentin a percé dans le rap sous le pseudonyme Orelsan.

Le film n’est cependant pas réservé aux fans qui connaissent par coeur les punchlines du rappeur. Ce documentaire sur Orelsan dépeint aussi justement une certaine jeunesse française empêtrée dans l’ennui, et le monde de la musique, cet univers impitoyable.

  • L’histoire de la jeunesse de “province”

Un appartement enfumé, mal rangé, plusieurs gars désœuvrés assis sur un canapé, certains tiennent des consoles dans les mains, des ordinateurs mais pas d’Internet. “Montre jamais ça à personne”, c’est d’abord l’histoire de l’ennui et la solitude de jeunes adultes à Caen au début des années 2000.

Les protagonistes du film n’hésitent pas à montrer leurs occupations de l’époque. En voiture avec Gringe, un de ses meilleurs potes, Orelsan s’amuse à “shooter” des objets dans la rue. Ils s’essayent aussi au “street golf”, un sport sauvage où tout est bon à dégommer avec un club et une balle de golf comme les vitrines de magasins ou les voitures...

Le rappeur décrira cette lassitude en 2017 avec la chanson “Dans ma ville on traîne”: “Criminelle, la façon dont j’tuais l’temps / Après vingt-deux heures, tu croises plus d’gens / Comme si on était encore sous les bombardements / T’entendras qu’les flics et l’bruit du vent.”

Orelsan raconte aussi dans le documentaire la détresse de ses parents. “Arrête de traîner”, répétaient-ils, le qualifiant de “mou”. Mais lui “ne sait absolument pas quoi faire de sa vie” et percer dans la musique n’est pas une option. Personne n’est connu à Caen. Se faire remarquer? En dehors de la capitale la mission est quasi impossible, les réseaux sociaux n’existent pas encore.

Quand deux autres amis, Skread et Ablaye, commencent à trouver leur place dans le monde de la musique, Orelsan met les bouchées doubles et parvient petit à petit à se faire remarquer. Son ascension passe notamment par la création de son MySpace sur lequel il va communiquer avec des fans des quatre coins de la France: de quoi briser les frontières de Caen et le sortir de sa torpeur.

  • L’histoire de la place des femmes dans la musique

“Où sont les femmes?”, chantait Patrick Juvet. Question légitime dans ce documentaire où elles sont peu nombreuses à s’illustrer. C’est le deuxième enseignement du film.

La maison de disque Wagram: deux hommes, Alex Nebout et Stéphane Espinosa. Le directeur général des programmes de la radio Skyrock, la seule à diffuser du rap sur ses ondes: un homme, Laurent Bouneau. Dans la bande d’amis d’Orelsan, encore que des mecs. Musiciens, rappeurs stars, équipes techniques... vous avez compris.

La journaliste Léa Salamé sur France Inter a d’ailleurs pointé cette absence lundi 18 octobre lors de l’interview des deux frères, Orelsan et Clément Cotentin. Eux assurent qu’elles sont présentes. Ils citent les courtes apparitions d’Olivia Ruiz, la chanteuse qui a apporté son soutien à l’artiste, et Diam’s, figure rap des années 2000 qui apparaît dans les archives. Ce sont les seules à appartenir au monde de la musique.

Les autres figures féminines mises en avant sont celles de la famille Cotentin. En particulier mamie Janine, la grand-mère d’Orelsan, qui participe à des clips et chante même en duo avec son petit-fils dans “J’essaye, j’essaye”.

La place des femmes dans le rap tend toutefois à changer. La série dédiée au rap “Validé”, de retour sur Canal+ depuis le 11 octobre, a placé Laetitia Kerfa en tête d’affiche. Un choix fort dans ce milieu où les hommes sont encore nettement majoritaires, mais où les rappeuses comme Shay et Chilla ont réussi à s’imposer.

  • L’histoire d’un collectif

Un documentaire sur Orelsan, oui. Mais Orelsan n’est pas uniquement Aurélien Cotentin. Derrière lui, ses amis ont eu un rôle fondamental. Ils l’ont aidé à croire en son concept de rap parfois fantaisiste basé sur l’autodérision mais aussi sensible. Gringe, Skread et Ablaye sont indissociables de l’artiste.

Gringe, c’est le pote “pique-assiette” (adjectif donné par les parents Cotentin), “génie” mais “fainéant” selon Ablaye, avec qui Orelsan commence à rapper puis crée le groupe des “Casseurs Flowters”. Un mec “en dilettante” (il le dit lui-même) qui rejoint parfois son pote pour des morceaux ou pendant sa tournée, puis repart à la fac ou déchirer des tickets dans une salle de cinéma. Orelsan le prend pour modèle avant de devenir une star. Il aura fallu attendre le succès de deux albums des “Casseurs Flowters” et du film Comment c’est loin réalisé par Orelsan pour que Gringe trouve sa voie entre comédie, rap et écriture.

Il y a aussi Skread, le “cyborg” comme le qualifie Gringe. Le plus carré, ancien danseur, musicien hors pair et producteur du rappeur. Lui a très vite connu le succès dans le monde de la musique. Dès 2004, il participe à l’album “Panthéon” de Booba, puis il produit des titres pour Diam’s dont “La Boulette”. Il tente par tout les moyens de faire décoller la carrière d’Orelsan, l’envoie dans des battles de rap où ce dernier se fait démolir, mais ne lâche jamais.

Enfin, Ablaye, originaire de banlieue parisienne qui a rencontré la bande à Caen. “Il s’occupe de tout et de tout le monde”, décrit Clément Cotentin dès le début de la série. Il a aussi fondé, avec Skread, le label 7th Magnitude qui a permis à Orelsan de percer dans le monde de la musique.

À voir également sur le HuffPost: La saison 2 de “Validé” ne fait pas l’impasse sur cette réalité du marché du rap

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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