Le montagnard Barnier veut gouverner "pas à pas" et sans "esbroufe"

Le Premier ministre Michel Barnier (c) accuelli par le président de Horizons, Edouard Philippe (g), le 11 septembre 2024 à Reims (FRANCOIS NASCIMBENI)
Le Premier ministre Michel Barnier (c) accuelli par le président de Horizons, Edouard Philippe (g), le 11 septembre 2024 à Reims (FRANCOIS NASCIMBENI)

"Pas à pas" comme les montagnards et "à l'écoute", le Savoyard Michel Barnier veut "prendre le temps" de constituer son équipe et de gouverner sans "esbroufe", en marquant sa différence avec ses prédécesseurs à Matignon autant qu'avec Emmanuel Macron.

"Ne soyez pas impatients. (...) Je suis un paysan montagnard. Une étape après l'autre", a lancé mercredi le Premier ministre à la sortie de son déjeuner avec les parlementaires Horizons, interrogé sur la présence ou pas de personnalités de gauche dans sa future équipe.

Car la constitution du gouvernement, promis pour la semaine prochaine, vire au casse-tête face à une Assemblée nationale fracturée en trois blocs, et aux revendications de ses alliés, la droite --sa famille politique-- comprise.

"Un pas après l'autre, en faisant attention où on met les pieds", a-t-il insisté jeudi en Savoie, lucide sur les pièges qui l'attendent, avec le Rassemblement national qui l'a mis sous "surveillance" et la gauche qui veut le censurer.

Lors de son premier déplacement sur le thème de la santé samedi, il s'est dit "à l'écoute".

A 73 ans, plus vieux Premier ministre de la Ve République, il répète qu'il ne veut surtout pas "faire de l'esbroufe", quand le jeune Gabriel Attal, 35 ans, était accusé de trop communiquer, ou de seulement "lire des notes", comme le faisait souvent Elisabeth Borne.

- "Angélique" -

"Ce n'est pas quelqu'un qui est dans la sur-communication", il aime se ménager des "moments de réflexion", témoigne un proche.

Mais son défi va être, pour cet européen convaincu et ancien négociateur du Brexit qui "aime trouver des compromis", de "faire preuve d’autorité et de force pour naviguer entre les rochers" de l'Assemblée nationale, ajoute le même.

Une ancienne ministre estime que celui-ci est "un peu angélique" sur ce qui l'attend à l'Assemblée nationale devenue turbulente, théâtre de vives tensions et d'altercations dans la précédente législature sur des textes comme les réformes des retraites ou de l'immigration.

"C'est l'un des plus grands négociateurs qu'on ait en stock. Quand on négocie, on n'arrive pas brutalement. Le contexte l'oblige à avoir une forme de souplesse sur les appuis. Il marche dans la poudreuse", modère une cadre de la majorité "raisonnablement en soutien".

Mais, entrée "en Ferrari" en macronie pour la "fulgurance des idées" d'Emmanuel Macron, cette même cadre de la majorité a désormais "l'impression d'être en Renault Espace", tant ce Premier ministre de droite, qui siégea au gouvernement sous François Mitterrand (en cohabitation), Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, incarne "l'ancien monde".

Elle craint à cet égard une "revanche" de la droite, forte de seulement 47 députés devenus pivots, qui réclame déjà "plus de sécurité" et "moins d'immigration", quand Renaissance ou le MoDem voudraient "renforcer le flotteur gauche" du gouvernement.

- Maître des horloges -

Venu jeudi sur sa terre d'élection, la Savoie, qu'il a présidée pendant 17 ans et où sont enterrés ses parents et ses grands-parents, Michel Barnier a mis en avant son ancrage local. Un autre élément différenciant avec des macronistes parfois réputés "hors sol".

Conseiller du département pendant 26 ans, celui qui se définit comme un "gaulliste social" a aussi été élu député, sénateur et eurodéputé, quand Emmanuel Macron n'est jamais passé par un suffrage local.

Désireux de "gouverner" pendant que le président "préside", Michel Barnier a assuré n'avoir "jamais regardé les gens de haut, jamais", en visitant une maison France Services, alors que le chef de l'Etat est décrit par ses opposants comme "méprisant".

Dans la cour de Matignon vendredi, ce père de trois enfants très attaché à sa famille a pris le temps de saluer des lycéens en visite. "C'est une période compliquée. On a besoin de bons ministres, quelles que soient leurs idées. Chaque citoyen est important, chaque personne a une valeur ajoutée", leur a-t-il glissé.

Le prochain gouvernement "c'est lundi ou dimanche?", lui a demandé mercredi un journaliste. "Une semaine c'est 7 jours", lui a-t-il répondu, nouveau maître des horloges.

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