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Avec MonParcoursPsy, ces psychologues dénoncent « un fast-food de la psychothérapie »

Le dispositif MonParcoursPsy n’est pas adapté aux besoins des patients, selon ces syndicats de psychologues.
Le dispositif MonParcoursPsy n’est pas adapté aux besoins des patients, selon ces syndicats de psychologues.

SANTÉ MENTALE - Un an après le lancement du dispositif MonPsy, c’est l’heure du bilan. Et pour Florent Simon, psychologue libéral et secrétaire général du Syndicat National des Psychologues (SNP), « c’est un véritable échec ». Voulu par le gouvernement pour faire face au besoin croissant en matière de santé mentale de la population française, ce système permet à toute personne âgée de plus de trois ans d’accéder à huit séances, entièrement remboursées par l’assurance maladie et la complémentaire santé, chez un psychologue libéral volontaire.

Mais les choses ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air. Pour Florent Simon, le dispositif MonPsy, ou MonParcoursPsy, n’est pas efficace et inadapté aux besoins des patients : « La prescription, les critères pour intégrer le dispositif, le nombre de séances, leur durée et leur tarification… Tout est problématique. » Selon les chiffres du ministère de la Santé, environ 2 200 psychologues libéraux sont conventionnés. Soit seulement 7 % d’entre eux.

Si tous les psychologues ne sont pas aussi catégoriques que le président du SNP, l’ensemble de la profession semble s’accorder pour dire que le système est largement perfectible. Jean-Pierre Zobel, le président du Syndicat National des Praticiens en Psychothérapie relationnelle et psychanalyse (SNPpsy) dénonce « un effet d’annonce qui a eu beaucoup d’effets délétères ».

La présidente de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP), Gladys Mondière, se montre plus nuancée : « Ce n’est pas une réussite. Mais il n’y a pas un boycott absolu de la part des psychologues. Certains l’ont adopté et des patients ont eu des réponses. C’est mieux que rien. »

Un dispositif pas adapté

Tous les psychologues que nous avons contactés dénoncent une tarification des séances pas adaptée à la réalité du métier. Le SNP rappelle, dans un dossier de presse, que la moyenne du prix d’une consultation chez un psychologue libéral oscille entre 50 et 70 € pour une durée allant de 45 minutes à 1 h 15. Dans le cadre de MonParcoursPsy, « la première séance est remboursée à hauteur de 40 €, les suivantes à hauteur de 30 € », rappelle Gladys Mondière.

« Pour que ça soit vivable, les consultations doivent être réduites en temps. Les psys gagnent moins d’argent et c’est l’une des raisons pour lesquelles ils ne sont pas dans le dispositif », pointe la présidente de la FFPP. Jean-Pierre Zobel dénonce, quant à lui, un « mépris absolu » : « Une séance de thérapie est un travail important d’écoute et de suivi. Personne ne veut travailler pour 30 euros. »

Autre point de crispation pour certains professionnels : le futur patient doit d’abord passer par un médecin – généraliste, gynécologue, scolaire… Le but ? Que ce dernier évalue si MonPsy est adapté au patient ou s’il est préférable de l’orienter vers des soins plus spécialisés. Mais Florent Simon dénonce : « Les médecins ne sont pas vraiment formés à la psychopathologie. Nous sommes en capacité d’évaluer la situation des patients et de les réorienter si cela nécessite un avis ou une prise en charge médicale. Personne n’a jamais eu besoin de prescription pour venir en consultation. C’est une étape supplémentaire pas nécessaire dans un parcours déjà difficile pour les patients. »

Sur ce point, Gladys Mondière n’est pas aussi catégorique. « Ce n’est pas un vrai problème. Les médecins sont nos partenaires. Ce sont eux qui adressent un psychologue dans les structures hospitalières », rappelle la présidente de la FFPP. Mais elle reconnaît qu’il « faudrait à la fois la possibilité de passer par un médecin et un accès direct. Cela permettrait aux psychologues de se sentir reconnus. »

« On fait quoi après les huit séances ? »

Tous estiment également que les huit séances remboursées ne sont pas suffisantes. Jean-Pierre Zobel dénonce « un fast-food de la psychothérapie. On fait quoi après les huit séances ? Les patients qui ne peuvent pas payer sont laissés dans la nature. On ne leur permet pas d’entreprendre un vrai travail de thérapie. »

Antoine Blandino est psychologue clinicien en Haute-Garonne. Il a rejoint le dispositif dès la phase de test. Mais malgré sa participation « par conviction », il reste mitigé quant au fonctionnement de MonPsy : « Certains patients sortent ravis de leurs huit séances et arrivent au bout de leur objectif. Mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Pour certains, on a besoin de plus de huit séances, de 20, voire de 30. Et on ne peut pas moduler le dispositif en fonction de leurs besoins », déplore-t-il. « Souvent les patients continuent et payent. Mais ce ne sont pas des personnes précaires », continue celui qui adapte ses tarifs selon la situation financière.

Selon le ministère de la Santé, seulement 10 % des personnes qui ont eu recours au dispositif font partie du « public précaire ». Le HuffPost a sollicité le gouvernement mais ce dernier n’a pas donné suite.

Pour Antoine Blandino, tout n’est pas à jeter dans le dispositif MonPsy. « Pour les patients, c’est un moyen de mettre un pied à l’étrier dans une psychothérapie qui ne va pas forcément durer huit séances. Cela permet d’accueillir gratuitement des patients qui sont en grande précarité financière et de commencer le travail. » Le psychologue clinicien constate par ailleurs une forte demande : « Je ne peux pas répondre à toutes les personnes, je fonctionne avec une liste d’attente. »

Des « motifs d’exclusions »

Dans une fiche mémo transmise par le gouvernement aux psychologues, le SNP a relevé une « liste longue comme le bras de motifs d’exclusion » : « Un adulte en arrêt de travail depuis plus de six mois pour un motif psychiatrique, comme une dépression, ne pourra accéder à MonParcoursPsy et devra être suivi soit par un psychiatre, soit en CMP (centres médico-psychologiques, NLDR), les assurant de longues listes d’attente insupportables en pareil cas. (...) Un enfant présentant un trouble comme le TDAH, ne pourra pas non plus être reçu dans le cadre de MonParcoursPsy. »

Le gouvernement précise dans ce même mémo que « le dispositif s’adresse à tous les patients dès l’âge de trois ans en souffrance psychique d’intensité légère à modérée ». Des critères inadaptés pour son secrétaire général : « Des personnes peuvent venir nous consulter à cause d’un petit symptôme… et on se rend compte au bout d’un grand nombre de séances qu’il y a un problème enfoui beaucoup plus grave. »

Alors que faire pour améliorer le dispositif ? Tous s’accordent sur plusieurs points : ne pas rendre le passage par la case médecin obligatoire, augmenter le nombre de séances à l’année et le tarif des remboursements. « Il faut recréer un nouveau dispositif co-construit avec les professionnels de terrain. Quand vous devez aller à Bruxelles et que vous êtes en direction de Marseille, il faut changer de direction », tacle Florent Simon.

Selon les chiffres du ministère de la Santé, au 31 janvier, 90 642 personnes avaient eu recours au dispositif. « C’est assez peu quand on prend l’échelle de la population Française, commente Florent Simon On estime qu’il y a chaque année une personne sur cinq qui peut être touchée par un trouble psychique. On parle de millions de personnes. »

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