Mohammad al-Bachir, Abou Mohammad al-Jolani... Qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie?
Depuis la chute de Bachar al-Assad, les figures des rebelles qui ont renversé le pouvoir dimanche s'imposent dans le paysage syrien. À l'issue d'une offensive fulgurante de onze jours, une coalition de groupe rebelles dominée par le groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a promis calme et stabilité aux Syriens.
Elle a nommé dès mardi un Premier ministre chargé de diriger un gouvernement transitoire jusqu'au 1er mars, Mohammad al-Bachir. Et le chef de HTS, Abou Mohammad al-Jolani a affirmé à Sky News depuis Damas que "les gens sont épuisés par la guerre. Le pays n'est pas prêt pour une autre, et ne va pas se retrouver dans une autre (guerre)". Qui sont ces deux hommes qui se trouvent désormais au sommet du pouvoir en Syrie?
Le chef de HTS, Abou Mohammad al-Jolani
Abou Mohammad al-Jolani, le chef islamiste de la coalition rebelle Hayat Tahrir al-Sham (HTS), ex-branche d'al-Qaïda en Syrie, s'était fixé comme objectif de renverser le président Assad, au pouvoir depuis 2000. Né en Arabie saoudite 1982, Ahmed al-Chareh, vrai nom de Jolani, a grandi à Mazzé, un quartier cossu de Damas, dans une famille aisée. Et il a commencé des études de médecine.
Après l'invasion américaine de l'Irak en 2003, il part combattre dans ce pays voisin de la Syrie, où il rejoint le groupe al-Qaïda en Irak d'Abou Moussab al-Zarqawi avant d'être emprisonné durant cinq ans. Après le début de la révolte contre Bachar al-Assad en 2011, il rejoint son pays natal pour y fonder le Front al-Nosra, qui deviendra HTS. En 2013, il refuse d'être adoubé par Abou Bakr al Baghdadi, futur chef de Daesh, et lui préfère l'émir d'al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri.
Puis il rompt avec al-Qaïda en 2016, disant le faire pour "ôter les prétextes avancés par la communauté internationale" d'attaquer son organisation. Depuis, il poursuit "sur une ligne de crête son chemin d'homme d'État en devenir", a expliqué à l'AFP Thomas Pierret, un spécialiste de l'islamisme en Syrie.
En 2017, il impose aux rebelles radicaux du nord de la Syrie une fusion au sein de HTS. Il met en place une administration civile et multiplie les gestes envers les chrétiens dans la province d'Idleb (nord-ouest) que son groupe contrôle depuis deux ans. C'est là où HTS avait été accusé par des habitants, des proches de détenus et des défenseurs des droits humains, d'exactions qui s'apparentent selon l'ONU à des crimes de guerre, provoquant des manifestations il y a quelques mois.
Abou Mohammad al-Jolani est "un radical pragmatique", estime Thomas Pierret. "En 2014, il a été au sommet de sa radicalité pour s'imposer face à la frange radicale de la rébellion et de l'organisation (jihadiste) État islamique, pour ensuite modérer ses propos", explique ce chercheur au CNRS.
Mohammad al-Bachir, le nouveau Premier ministre syrien
Alors que des pays occidentaux s'inquiètent de la façon dont le nouveau pouvoir va traiter les nombreuses minorités en Syrie, le Premier ministre, Mohammad al-Bachir, a voulu rassurer. "C'est précisément parce que nous sommes musulmans que nous garantirons les droits de tous (...) et de toutes les confessions en Syrie", a-t-il affirmé dans une interview au quotidien italien Corriere della Sera, au lendemain de sa nomination pour
Né en 1983 dans la province d'Idleb (nord-ouest) et diplômé en génie électrique et droit islamique et civil selon sa biographie, Mohammad al-Bachir a travaillé pour la compagnie nationale de gaz avant de diriger l'administration rebelle à Idleb ces dernières années.
Créé en 2017 dans l'enclave d'Idleb pour fournir des services aux populations coupées des infrastructures étatiques, ce gouvernement autoproclamé possède ses propres ministères, départements administratif, autorités judiciaires et de sécurité. Récemment, il a commencé à s'étendre à Alep, deuxième ville de Syrie et première grande agglomération à être tombée aux mains des rebelles après leur offensive éclair.
Radwan Ziadeh, spécialiste de la Syrie auprès du Centre arabe de Washington aux États-Unis, décrit Mohammad al-Bachir comme "le plus proche" de Jolani et de la chambre d'opérations conjointe des factions rebelles. "Mais les défis qu'il doit relever sont vraiment immenses", dit-il à l'AFP. Avant de se voir confier un rôle national à la faveur de la prise du pouvoir par HTS, il était une figure relativement méconnue des Syriens, en dehors de sa région natale d'Idleb.
Mais sa nomination "a suscité des réactions négatives parmi les Syriens, car ils craignent qu'un groupe puisse ainsi monopoliser le pouvoir", a indiqué mercredi l'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, à l'AFP. Il a estimé "extrêmement important que les nouvelles autorités de Damas indiquent clairement ce qu'elles veulent réaliser au cours de ces trois mois", les appelant à mettre en place un "processus plus inclusif".