Mise en examen de la veuve, nouveaux éléments... Ce que l'on sait de l'affaire du chasseur décapité
Le corps de Christophe Doire, chasseur amateur de 28 ans, a été découvert décapité au matin du 25 décembre 1995 dans l'Allier. Ce crime dont l'auteur n'a jamais été identifié est revenu à la surface de l'actualité avec le placement en garde à vue de sa veuve mardi, puis en détention provisoire deux jours plus tard. La justice enquête désormais sur d'éventuelles complicités.
Le cadavre décapité de Christophe Doire a été découvert il y a déjà près de 27 ans à Busset, dans l'Allier. Pour autant, les investigations n'ont pas permis à ce jour d'identifier l'assassin de ce père de famille, chasseur amateur, âgé de 28 ans au moment de sa mort. Mais la chose est peut-être sur le point de changer. Car l'enquête a marqué un virage décisif avec l'annonce jeudi de la mise en examen de sa veuve pour meurtre et son placement en détention provisoire, après une garde à vue de 48 heures.
Rappel des faits, situation de la procédure, facteurs à l'origine de sa relance, profil de la suspecte ou encore objectifs de l'enquête: BFMTV.com fait le point ce vendredi sur ce dossier hors normes.
· Que s'est-il passé en 1995?
En 1995, Christophe Doire est un jeune père de famille bourbonnais de 28 ans. Il passe la soirée du 16 décembre chez son frère, qu'il quitte en lui confiant son intention d'aller chasser le lendemain. C'est la dernière fois que le chasseur amateur est aperçu vivant.
Car après deux jours de disparition, on découvre d'abord sa voiture désertée du côté de Cusset. Sept jours de mystère encore puis l'issue sordide: un promeneur tombe sur sa dépouille, gisant dans un fossé, au détour d'une balade à Busset - près de Cusset. L'homme a été décapité, sa tête remplacée par l'une de ses bottes. Ce matin du 25 décembre marque les débuts de 27 ans d'une enquête jusqu'ici infructueuse et d'une procédure complexe.
· Où en est la procédure?
Cette longue procédure est toutefois entrée dans une nouvelle phase par le fait d'un rebondissement majeur. La veuve du chasseur vient en effet d'être mise en examen pour meurtre, déférée devant les deux juges d'instruction saisis et présentée au juge des libertés et de la détention qui a décidé de son placement en détention provisoire ce jeudi, après deux jours d'une garde à vue initiée mardi.
C'est le procureur de la République de Cusset, Éric Neveu, qui a livré ce détail au cours de la conférence de presse qu'il a tenue jeudi soir. "À l'aune des investigations, de ses déclarations initiales, très souvent incohérentes et versatiles depuis 1995, à l'aune d'éléments probants retrouvés à son domicile, et de son positionnement durant l'enquête, la veuve de Christophe Doire a été placée en garde à vue", a d'abord justifié le magistrat.
"À ce stade de l'information judiciaire, des indices graves et concordants mettent en évidence sa participation dans le meurtre de Christophe Doire", a-t-il martelé.
Si on ne connaît pas encore ces "indices graves et concordants", le rôle du magistrat nommé dans l'Allier en 2018 apparaît déterminant dans la relance d'un dossier classé à plusieurs reprises. Les enquêteurs ont mené en mai 2020 des perquisitions au domicile du couple au centre de l'affaire, mais le faisceau des présomptions s'est resserré autour de l'épouse à compter de novembre 2021, après l'exhumation du défunt.
Des soupçons que la mise en cause n'est pas parvenue à dissiper, bien qu'elle nie en bloc toute responsabilité, Éric Neveu pointant au contraire lors de sa conférence de presse le "manque d'explications crédibles" de la suspecte.
· Que sait-on de la suspecte?
Mais qui est cette femme dont la justice prend soin de préserver l'identité pour l'heure? Le procureur de la République a brossé son profil à grands traits. En marge de son point-presse, il l'a dépeinte en ces termes auprès des journalistes: "Elle a une approche que je qualifierais presque de fataliste, c'est-à-dire qu'on était assez surpris de son peu d'émotions devant sa mise en examen et son placement en détention provisoire... qui semblaient presque naturels."
Éric Neveu a évoqué une veuve dans une situation de "déni". "Durant son interrogatoire de première comparution, elle a continué à nier les évidences", a-t-il lâché au cours de sa conférence de presse, explicitant plus tard:
"Elle nie les relations conflictuelles avec son mari, pourtant mises en évidence et qui ressortent de multiples témoignages depuis 1995."
Selon nos informations, un récit troublant a notamment fait surface. Le soir de la disparition de Christophe Doire, une dispute a éclaté entre les époux, après qu'un sèche-cheveux, en marche, a chuté dans la baignoire où le jeune homme était en train de se laver.
· Qui était le principal suspect jusqu'ici ?
La veuve n'est pas la première à être soupçonnée d'avoir commis cet homicide. Auparavant toutefois, l'enquête a exploré la piste d'un litige entre chasseurs et un homme en a fait les frais: Dominique Maillet. L'entrepreneur n'a jamais été mis en examen mais son placement en garde à vue - survenu dans les premiers moments de cette enquête au long cours, au milieu des années 1990 - a suffi à le plonger dans la tourmente et sa famille dans "26 ans et demi d'enfer", d'après les mots qu'il a livrés à notre antenne jeudi.
"J'ai perdu mon gamin à cause de ça", a-t-il illustré, rappelant que son enfant, miné par l'affaire, a mis fin à ses jours en se pendant.
"Et ceux qui restent... tout le monde en souffre !" a-t-il ajouté, avant de lancer: "Donc, ceux qui m'ont accusé à tort vont devoir payer. Et ce n'est pas de l'argent que je veux mais une reconnaissance. Surtout pour mes enfants: j'ai 70 ans, j'ai fait 80% de ma vie".
Une existence défigurée et pourrie par la rumeur plus encore que par la procédure: après ses quelques heures de garde à vue, Dominique Maillet a passé les deux décennies suivantes à subir les surnoms infamants volant sur son passage, de "coupeur de tête" à "la persillade", en passant par "couic-couic". Aujourd'hui, il se dit "soulagé" mais toujours avide de justice.
"Tant qu'on ne sera pas arrivé au bout, je ne respirerai pas. J'attends que la justice aille jusqu'au bout et que ce soit vite réglé."
· Que cherchent à présent les enquêteurs?
Celle-ci n'est pas au bout de ses peines en effet. Questions et zones d'ombre demeurent nombreuses. Le procureur de la République de Cusset, Éric Neveu, a défini les nouveaux objectifs de l'enquête.
"Les investigations doivent se poursuivre pour identifier et interpeller d'autres protagonistes", a ainsi posé le magistrat.
La feuille de route des enquêteurs est donc simple dorénavant: regarder en direction de complices potentiels.
Article original publié sur BFMTV.com
VIDÉO - La veuve de Christophe Doire est "mise en examen du chef de meurtre" et "placée en détention provisoire", annonce le procureur