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Mise à l'écart du Quai d'Orsay requise pour Boillon

Le ministère public à requis mardi la mise à l'écart du Quai d'Orsay de Boris Boillon (ici à gauche, aux côtés de Christian Estrosi), ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, qui répondait de blanchiment de fraude fiscale, faux et usage de faux et abus de bien sociaux. /Photo d'archives/REUTERS/Eric Gaillard

PARIS (Reuters) - Le ministère public à requis mardi la mise à l'écart du Quai d'Orsay de Boris Boillon, ancien conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, qui répondait de blanchiment de fraude fiscale, faux et usage de faux et abus de bien sociaux. "Ce que demande le tribunal, c'est de lui faire barrage et de lui interdire de reprendre ses activités diplomatiques", a déclaré le procureur à l'issue d'une journée et demie de débats. Le magistrat a requis 18 mois d'emprisonnement avec sursis, l'interdiction d'exercer toute fonction publique pendant cinq ans en raison "de son inaptitude manifeste" à faire preuve de la probité requise, ainsi qu'une interdiction de gestion d'une société commerciale pendant la même durée. A cela s'ajoute la confiscation des sommes saisies par les douanes lors de l'interpellation de Boris Boillon le 31 juillet 2013 à la Gare du Nord, à Paris, alors qu'il était en partance pour Bruxelles avec 350.000 euros et 40.000 dollars en liquide. Le procureur a également demandé au tribunal de faire droit aux demandes de sanctions de l'administration fiscale et des douanes (50.000 euros pour fraude au titre de l'impôt sur le revenu et 95.000 euros pour non déclaration). Les avocats de l'ancien ambassadeur de France en Irak et en Tunisie ont demandé la relaxe pour tout, sauf pour l'amende de 95.000 euros réclamée par les douanes pour non déclaration des sommes en cause. Le jugement a été mis en délibéré au 7 juillet. Boris Boillon, qui fit un temps figure d'étoile montante de la diplomatie française sous la présidence de Nicolas Sarkozy, s'était lancé dans les affaires en 2012 après avoir été ambassadeur de France en Irak puis en Tunisie. Ce "Sarko boy" de 47 ans à l'allure sportive et juvénile avait créé une société de conseil en affaires, Spartago, opérant essentiellement en Irak. Il a réaffirmé au tribunal que les sommes retrouvées sur lui le 31 juillet 2013 provenaient de ses activités en Irak, où il ne pouvait, selon lui, être rémunéré qu'en liquide. Il a reconnu qu'avoir voulu transférer cet argent en Belgique, où vivaient son épouse et ses enfants, avait été un "mouvement impulsif et globalement stupide". Mais il a nié toute intention de s'approprier cet argent à titre personnel ou avoir voulu délibérément frauder le fisc. DOUTES ET "ARROGANCE" Son seul souci, a-t-il expliqué, était à l'époque de "sécuriser" un argent qui lui "brûlait les doigts", tout "en gardant à l'esprit (qu'il devait) régulariser ces sommes". "En conscience, les yeux dans les yeux, mon objectif était d'intégrer ces sommes dans ma comptabilité", a-t-il dit. Une version rejetée par le procureur, qui a dénoncé l'"arrogance" de son système de défense et a également émis des doutes sur l'origine des sommes retrouvées dans les bagages de Boris Boillon lors de son interpellation. "Cet argent ne peut pas provenir d'une activité telle que celle décrite par M. Boillon", a-t-il dit. "C'était des billets jamais mis en circulation. C'est forcément de l'argent d'une personne très proche du pouvoir ou d'une banque centrale." La veille, le président du tribunal avait déjà évoqué un "parfum lancinant de corruption". Après l'échec de ses entreprises privées en Irak et en Algérie, en raison notamment de la dégradation de la situation au Moyen-Orient et de la baisse du prix du pétrole, Boris Boillon avait réintégré le ministère des affaires étrangères durant l'été 2016. Le Quai d'Orsay l'avait alors envoyé en mission auprès de la représentation française à l'Onu. Compte tenu des suites judiciaires de cette affaire, le ministère l'avait rappelé en France fin 2016 et suspendu. Il est revenu au Quai d'Orsay il y a quelques semaines. C'est à cette réintégration que le procureur veut faire obstacle. L'un de ses avocats, Jean Reinhart, dénonce une enquête menée uniquement à charge et des "réquisitions embarrassées". Dans sa plaidoirie, l'avocat s'est notamment dit "outré" par la volonté du procureur d'écarter Boris Boillon de la diplomatie française. Evoquant l'attentat de Manchester, il a estimé que la connaissance du monde arabo-musulman de son client serait "mieux utilisée (...) pour combattre un monstre qui n'a pas de nom". (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)