Minée par le syndrome Sarkozy, l'UMP veut renaître en 2014

par Sophie Louet PARIS (Reuters) - L'UMP ambitionne de poser en 2014 le premier jalon de la "reconquête" mais c'est une opposition en jachère idéologique, déchirée par les rivalités, qui mesurera ses forces lors des élections du printemps dans l'ombre de Nicolas Sarkozy. "Qu'on nous foute la paix avec 2017!", lançait Alain Juppé le 3 décembre sur Twitter, alors même que l'ancien Premier ministre apporte sa touche pointilliste à la fresque des présidentiables qui s'ébauche au fronton de l'UMP. L'année 2013 fut celle de l'émancipation pour les rivaux putatifs ou déclarés de Nicolas Sarkozy: déclaration de guerre pour François Fillon, distante loyauté pour Jean-François Copé et concurrence cordiale pour Alain Juppé. "Nous avons un carré d'as à l'UMP: Nicolas Sarkozy, François Fillon, Jean-François Copé, Alain Juppé. Personne ne peut dire aujourd'hui qui sera le mieux placé pour porter nos chances pour l'alternance en 2017", résume l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. "On verra quel est le talent dont on aura besoin le moment venu mais aujourd'hui, il nous faut cesser les règlements de compte et essayer de vivre ensemble". Vaste programme. Hérissé par les "traîtres", qui ont tenté pour certains de solder son quinquennat sous l'artifice de "l'inventaire", Nicolas Sarkozy a vu sa soif de retour décuplée par l'adversité. La fiction de son retrait de la vie politique n'aura pas résisté longtemps à l'impatience de l'ancien président, qui laisse le soin à ses fidèles, Brice Hortefeux au premier chef, de le dépeindre en "homme providentiel" auprès d'électeurs UMP toujours orphelins et foncièrement bonapartistes. Sa popularité est écrasante parmi les sympathisants, qui ont accordé pour plus de 11 millions de dons sur son nom afin de renflouer les comptes du parti, au bord du naufrage financier. L'UMP comptera à la fin de l'année quelque 250.000 adhérents, du jamais vu depuis 2008, selon la direction du parti. Selon un récent sondage Ifop, 46% des Français préfèreraient voir Nicolas Sarkozy à l'Elysée plutôt que François Hollande (27%), et 71% des sympathisants UMP souhaitent qu'il porte les couleurs de la droite en 2017. "CONGELÉE" "La reconquête ne se décrète pas. (...) Il ne peut plus y avoir de chef naturel, la démocratie ne fonctionne pas comme ça", déplore un cacique de l'UMP. En juillet dernier, François Fillon s'était affranchi avec fracas du perdant de 2012, libérant une catharsis au sein du parti où l'on s'agace désormais de la stratégie du "mari de la chanteuse": "L'UMP ne peut vivre immobile, congelée, au garde-à-vous, dans l'attente d'un homme providentiel", avait-il dit. Le scénario d'un duel entre l'ex-président et son ancien "collaborateur" s'est un temps imposé à la déconvenue des "quadras" de l'UMP, comme Xavier Bertrand, Bruno Le Maire, Laurent Wauquiez ou Nathalie Kosciusko-Morizet, prompts à mesurer leurs chances dans un exercice inédit à droite: des primaires d'investiture ouvertes décrétées pour 2016. La guerre fratricide de l'automne 2012 entre Jean-François Copé et François Fillon pour la présidence de l'UMP aura eu au moins une vertu: celle de dépoussiérer les statuts de la machine électorale créée en 2002 par Jacques Chirac et d'opposer à la tentation putschiste héritée de l'UDR et du RPR l'épreuve démocratique de la primaire. Pas de "clause Sarkozy" pour l'ancien président, qui devra aussi se soumettre au suffrage populaire. Théoriquement. "Je n'imagine pas Nicolas Sarkozy s'enfermer dans son camp pour ensuite revenir devant tous les Français. Le problème des primaires, c'est qu'elles sélectionnent le candidat d'un camp", estime son ancien conseiller spécial Henri Guaino. "S'il revient, c'est parce que les circonstances l'appelleront, parce que le pays l'appellera, parce que la situation l'exigera", souligne-t-il. L'argument fait son chemin: Nicolas Sarkozy, qui a échoué en 2012 par excès de "droitisation", entendrait élargir le socle électoral de la droite, du centre-gauche à l'extrême droite, en proposant une nouvelle "rupture", celle d'une union nationale, d'une opposition rassembleuse et non plus "étriquée". "EN ATTENDANT GODOT" Face à la menace du Front national, adversaire numéro un de l'UMP pour les prochaines échéances électorales, les classes moyennes, tentées par le vote FN contre le "harcèlement" socialiste, selon les termes de Jean-François Copé, sont le coeur de cible d'un parti en quête d'une nouvelle crédibilité. "Le projet doit être au coeur de la reconquête, il faut nous doter d'un programme de gouvernement crédible sans pour autant nous autoflageller", analyse l'ancien ministre Eric Woerth. Entre la "droite décomplexée" qui emprunte aux thématiques du FN et le "courant humaniste libéral centriste", l'UMP n'a toujours pas trouvé de ligne claire, laissant un espace à l'Alternative, un pôle centriste né en novembre de l'alliance instable entre Jean-Louis Borloo et François Bayrou. "Si l'UMP cesse d'être elle-même, si on commence à vouloir placer notre boussole à notre droite, c'est fini, nous ne gagnerons pas", juge Xavier Bertrand. François Fillon a payé d'une maladresse médiatique sa volonté de "parler" aux électeurs de Marine Le Pen en suggérant de voter pour "le moins sectaire" des candidats en cas de duel PS-FN au second tour des élections municipales. Une transgression désastreuse pour le député de Paris, qui, après ses critiques contre Nicolas Sarkozy, a brouillé son image de gaulliste rassembleur et stoppé net son embellie dans les sondages. Alain Juppé a ravi sa place sur la liste des favoris. "Il n'y a qu'une seule personnalité qui a réussi à faire reculer le Front national, c'est Nicolas Sarkozy", rappelle Brice Hortefeux. L'issue des municipales, mais surtout des européennes pour lesquelles les instituts de sondages prédisent une percée du FN, sera déterminante pour la suite du "feuilleton" à droite. Des sarkozystes laissent entendre que Nicolas Sarkozy, rompu à la "fatalité", se plierait à son "devoir" si l'UMP sortait fragilisée des élections. Les circonstances exceptionnelles qu'évoque Henri Guaino. "Nous ne sommes pas dans la situation des spectateurs d'en attendant Godot", avertit l'ancien ministre de la Défense Gérard Longuet. Edité par Yves Clarisse