Mineurs poursuivis pour terrorisme: les juges pour enfants formés pour traiter ces affaires en hausse

(Photo d'illustration) Tribunal pour enfants de Paris. - GEOFFROY VAN DER HASSELT
(Photo d'illustration) Tribunal pour enfants de Paris. - GEOFFROY VAN DER HASSELT

L’enquête autour de l’attentat commis vendredi dernier contre le professeur Samuel Paty se poursuit. Si l’auteur principal de l’assassinat a été abattu par les forces de l’ordre peu après son acte, les enquêteurs se concentrent désormais sur son entourage. Une information judiciaire a été ouverte mercredi pour "complicité d’assassinat terroriste", "complicité de tentative d’assassinat sur personnes dépositaires de l’autorité publique" et "association de malfaiteurs terroriste criminelle".

Sept personnes ont été mises en examen dans la nuit de mercredi à jeudi, dont deux mineurs laissés en liberté. Âgés de 14 et 15 ans, il leur est reproché "de s'être maintenus en présence directe et prolongée d'Abdoullakh Anzorov l'après-midi du 16 octobre" et de lui avoir désigné Samuel Paty au sortir du collège, en échange de quelques centaines d’euros.

De plus amples investigations doivent encore avoir lieu mais, au terme de l’enquête, les deux adolescents pourraient être jugés pour complicité d’assassinat si leur implication est avérée. Ils comparaîtront alors devant le Tribunal pour enfants (TPE) de Paris.

De plus en plus de mineurs liés à des affaires terroristes

Face à l’augmentation du nombre de mineurs impliqués dans des affaires de terrorisme, huit juges pour enfants sur 15 au TPE de Paris (seul compétent en la matière) ont suivi une formation pour traiter spécifiquement ce contentieux aux multiples particularités, nous informe l’Ecole nationale de la magistrature (ENM). L’établissement bordelais s’est emparé de cette question en 2016, peu de temps après les attentats du 13 novembre 2015.

"Jusqu’alors, les mineurs mis en examen sous une qualification terroriste représentaient un fait rare et isolé. Les juges du TPE de Paris y étaient confrontés une ou deux fois au cours de leur carrière", explique l’ENM sur son site internet.

"Mais il y a eu beaucoup de retours de mineurs de zone irako-syrienne qui ont dû être judiciarisés, et le nombre de dossiers s’est donc fortement accru", précise l’établissement contacté par BFMTV.com.

Prêter attention à la personnalité des auteurs

En 2017, le nombre de mineurs mis en examen dans des dossiers terroristes en France est passé de 13 à 51, indiquait à l’époque l’ancien procureur de la République de Paris, François Molins. En avril 2018, les chiffres ont encore augmenté avec 60 mineurs poursuivis pour association de malfaiteurs terroristes, 31 pour apologie du terrorisme et 3 pour consultation habituelle de sites jihadistes, selon la mission nationale de veille et d'information. Entre 2012 et 2019, 52 mineurs ont été jugés pour association de malfaiteurs terroriste.

Alors, en 2016, l’ENM a organisé une formation d’une journée "pour une dizaine de magistrats, assesseurs et greffiers du TPE de Paris ainsi que pour des éducateurs de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. Le but était de leur donner des éléments afin de les aider à préparer les procès", détaille l’école.

Et d’ajouter: "Les audiences en matière de terrorisme comportent de nombreuses particularités liées à la qualification des faits, aux mesures de détention, à la recherche des causes de la radicalisation ou encore à la place qu’il faut accorder à la personnalité des auteurs qui est d’autant plus importante quand il s’agit de mineurs."

Comprendre le contexte de la mouvance islamiste

Des magistrats de la chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, en charge des affaires de terrorisme, sont venus partager leur expérience de ces dossiers sensibles. Des sociologues ont également participé à la séance afin d’apporter des précisions sur la mouvance islamiste.

Cette formation ponctuelle est complétée par des sessions intégrées à l’enseignement général dispensé à l’Ecole nationale de la magistrature. "Nous avons des modules sur la radicalisation, sur la question dite des 'enjeux et perspectives du terrorisme' sur la prise en charge des mineurs revenant de zone irako-syrienne où tous les magistrats - pas uniquement les juges pour enfants - peuvent s’inscrire", nous précise-t-on.

Autant de formations qui aident les juges - pour mineurs et pour adultes - à appréhender les procès pour terrorisme à venir comme celui de l'attaque ratée du Thalys qui s'ouvre le 16 novemvre à Paris ou encore celui des attentats du Stade de France, du Bataclan et des terrasses parisiennes qui doit se dérouler en 2021.

Article original publié sur BFMTV.com