Milo Rau, le Gand manitou

Trublion du théâtre européen, le jeune metteur en scène suisse prend la direction du NTGent en lançant un «Manifeste» radical. Avec sa nouvelle pièce, jouée à Avignon cet été, il poursuit sa réflexion sur la représentation de la violence sur scène, et ses limites.

C’est facile de ne rien voir. D’être citoyen, de vivre maintenant et, pourtant, de n’avoir aucune prise sur la réalité. Notre temps de réaction est trop long. Pour éviter de traverser l’époque en aveugles, il faudrait revoir, ré-assister, être témoin à nouveau, réinventer du temps, rembobiner : alors on a besoin du théâtre et de la reconstitution. Milo Rau aime revenir à l’origine. Ce n’est pas forcément d’avoir été l’élève de Pierre Bourdieu et de Tzvetan Todorov, d’avoir lu Trotski à 13 ans, de s’opposer à un père ultra-conservateur ou d’être le petit-fils d’un ami de Heidegger qui le fait s’engager. C’est un rapport physique au présent. Et c’est ce que l’on comprend à le voir arriver ici, face à nous, à Gand, à vélo, à toute allure : la vie, c’est un corps-à-corps. Les choses, on les attrape, on les serre au cou jusqu’à faire couler le sang, comme il a mis sur scène l’affaire Dutroux, les Ceausescu ou la radio rwandaise et sa propagande génocidaire. Si la réalité est scandaleuse et radicale, selon Milo Rau, 41 ans, tout juste nommé à la direction du NTGent, le Théâtre national de la ville flamande, le théâtre aussi doit l’être. Au moins on aura vu, on aura été témoins. A voir si on sera restés à nos places.

Milo Rau questionne depuis toujours la représentation de la violence sur scène. Sa nouvelle création, la Reprise - Histoire(s) du théâtre (I), reconstitue un fait divers : une nuit d’avril 2012, Ihsane Jarfi, homosexuel, est torturé et assassiné par un groupe de jeunes hommes à Liège. Sur scène, six comédiens, dont deux non professionnels liégeois : Suzy Cocco, gardienne de chiens, et Fabian Leenders, magasinier. Peu d’entre eux ont échappé à la figuration dans un film des frères Dardenne (Suzy y (...)

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