Migrants: Macron pour des sanctions contre des Etats européens

Emmanuel Macron et le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez. Le chef de l'Etat s'est dit samedi favorable à l'idée de sanctions financières contre des Etats membres européens qui ne seraient pas solidaires dans le cadre de la répartition des demandeurs d'asile. /Photo prise le 23 juin 2018/REUTERS/Thibault Camus

PARIS (Reuters) - A la veille d'un mini-sommet européen sur les migrants, Emmanuel Macron s'est dit samedi favorable à une augmentation du nombre de "centres fermés" sur le sol européen et à l'idée de sanctions financières contre des Etats membres qui ne seraient pas solidaires dans le cadre de la répartition des demandeurs d'asile.

"Nous tenons aux règles de débarquement conformes au droit humanitaire, (c'est-à-dire) le pays le plus sûr le plus proche", a dit le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à l'Elysée après plusieurs jours de polémique autour de l'Aquarius, navire humanitaire que Rome, Malte et Paris ont refusé de laisser accoster.

"Ce que nous proposons, c'est que des centres fermés avec des moyens européens soient mis en place dans le pays le plus sûr le plus proche" où s'effectue le débarquement, a expliqué Emmanuel Macron, qui s'exprimait à l'Elysée aux côtés du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez.

Au niveau de ces centres, une organisation européenne assurerait l'instruction des dossiers des migrants et les pays européens devraient s'engager pour répartir l'accueil de ceux qui se verraient accorder l'asile, a précisé le président français.

Cette proposition prévoit aussi qu'à partir de ces centres, "il y ait ensuite des équipes qui puissent reconduire vers les pays d'origine les personnes qui n'auraient pas eu le droit d'asile", a-t-il précisé.

Egalement connus sous le nom de "hot-spots", des centres fermés existent déjà notamment en Italie, en Grèce ou en Espagne, mais en nombre insuffisant, selon une source diplomatique française. L'idée d'accroître le nombre de ces centres est soutenue par Madrid, Berlin et d'autres pays européens, a-t-on précisé.

"ÉGOÏSME NATIONAL"

Concernant la répartition des demandeurs d'asiles, Emmanuel Macon s'est dit favorable à des "mécanismes de sanctions qui existeraient en cas de non solidarité".

"C'est un débat que nous aurons dans le cadre des perspectives financières. Je suis pour ma part favorable à ce qu'il y ait des mécanismes en effet qui prennent en compte cela", a-t-il dit.

"On ne peut pas avoir des pays qui bénéficient massivement de la solidarité de l'Union européenne et qui revendiquent massivement leur égoïsme national lorsqu'il s'agit des sujets migratoires donc je suis pour ma part résolument favorable à ce qu'il y ait des conditions sur ce sujet qui soient mises au financement en particulier d'aides structurelles."

Les divergences entre pays européens sur la question migratoire ont refait surface ces dernières semaines avec le refus du nouveau gouvernement italien et de Malte de laisser accoster l'Aquarius à bord duquel se trouvaient plus de 600 migrants.

Cet épisode a creusé le fossé entre partisans d'une ligne dure - les pays de Visegrad notamment (Hongrie, République tchèque, Slovaquie, Pologne) - et défenseurs d'une solution européenne et coopérative, à l'image de la chancelière allemande Angela Merkel, d'Emmanuel Macron ou encore de Pedro Sanchez.

Les divisions ont conduit la commission européenne à organiser à la dernière minute un mini-sommet informel, dimanche à Bruxelles, afin de préparer le conseil européen de Bruxelles de fin juin qui semble voué à l'heure actuelle à l'échec.

"Ce n'est qu'en étant plus unis que nous allons pouvoir relever ces défis", a souligné Pedro Sanchez. "L'union fait la force et, si les pays sont éloignés des uns des autres, cela nous affaiblit pour pouvoir relever ces défis".

"RÉPONDRE AUX DRAMES"

Emmanuel Macron a souhaité des avancées dimanche sur la proposition du Conseil européen de "plates-formes dans les pays de transit extérieurs à l'Union européenne" et a souhaité pouvoir "acter" dans les prochains jours "une solution européenne commune pour répondre aux drames" de la migration.

"Quand on parle de solution européenne (...), ça peut être des solutions intergouvernementales, bilatérales, mais nous rejetons des solutions purement nationales qui passent par la fermeture des frontières ou par des approches non coopératives", a-t-il dit. "Les solutions nationales peuvent satisfaire des ego à court terme, peuvent faire croire à des opinions publiques qu'elles sont plus efficaces, mais les résultats ne s'obtiennent pas ainsi".

En Méditerranée, les gardes-côtes espagnoles ont porté secours samedi à près de 600 migrants, a fait savoir Madrid, et leurs collègues libyens disent en avoir récupérés 185 la veille. Cinq corps se trouvaient à bord des canots, précisent-ils. Cent treize personnes ont par ailleurs été recueillies vendredi matin à bord d'un porte-conteneurs de Maersk Line au large de la côte sud de l'Italie.

L'armée maltaise a quant à elle procédé pour des raisons médicales à l'évacuation du bateau l'ONG allemande Mission Lifeline, à bord duquel se trouvaient 234 migrants. L'Italie lui avait interdit vendredi d'accoster dans les ports de la Péninsule et avait demandé en vain à La Valette d'accueillir ses passagers.

Au risque d'aggraver la crise avec ses partenaires européens, le ministre Italien de l'Intérieur et chef de file de la Ligue (extrême droite) Matteo Salvini a confirmé jeudi que les navires d'ONG transportant des migrants ne seraient plus autorisés à accoster dans les ports de la Péninsule.

(Marine Pennetier et Myriam Rivet, édité par Jean-Philippe Lefief)