Michel Barnier veut faire de la santé mentale la « grande cause nationale » de 2025 : voici l’avis de ce syndicat de psychiatres
SOINS DE SANTÉ - Invité dimanche au 20 heures de France 2, Michel Barnier s’est exprimé sur les premières orientations de son gouvernement. Et a annoncé qu’il souhaitait faire de la santé mentale « la grande cause nationale en 2025 ». Affirmant qu’il s’agit pour lui d’une « cause presque familiale à l’origine » du fait de l’engagement de sa mère sur le sujet, le nouveau Premier Ministre a évoqué sa volonté de « décentraliser » la prise en charge des patients.
Pourquoi Michel Barnier veut faire de la santé mentale la « grande cause nationale » de 2025
Alors que la psychiatrie subit actuellement une crise grave et persistante en France, qu’attendent les professionnels de l’annonce de Michel Barnier ? Quels sont les principaux chantiers à poursuivre ou à mettre en œuvre ? Réponses de Maurice Bensoussan, président du Syndicat des Psychiatres Français (SPF).
Le HuffPost. Que pensez-vous de la volonté de Michel Barnier de faire de la santé mentale la « grande cause nationale » de l’année 2025 ?
Dr Maurice Bensoussan. On ne peut qu’être favorables à ce type d’annonce. Après, les professionnels commencent à être un peu épuisés par tous les assauts de communication qui ne se traduisent pas par une réelle prise en compte des besoins des acteurs du secteur. Faire de la santé mentale une grande cause nationale est nécessaire, mais il ne faudrait pas que cela n’aboutisse sur rien de concret. Aujourd’hui, la situation de l’accès aux soins de psychiatrie est particulièrement critique, tout comme celle de l’application des politiques. On ne peut donc pas se satisfaire de cette déclaration.
La dissolution de l’Assemblée nationale a mis un coup d’arrêt au Conseil national de la refondation en santé mentale qui devait s’ouvrir en juin. Faut-il le relancer selon vous ?
La question est : faut-il vraiment s’appuyer sur le Conseil national de la refondation pour avancer ? On a déjà fait beaucoup de réunions, on a mis en place pas mal de structures… Or, on est en train d’émietter ces structures, de multiplier les interlocuteurs et on ne fait pas de travail de fond. Cela nous semble parfois être un alibi pour tenter de faire passer en force des évolutions déjà tracées et sans réelle concertation des professionnels de santé, et en particulier les psychiatres. Je prends pour exemple le dispositif MonSoutienPsy (12 séances par an, accessible dès 3 ans, sans passer par un généraliste, ndlr.) que l’exécutif a décidé de généraliser et qui ne se base pas du tout sur le parcours de soins personnalisé ni sur la collaboration entre professionnels.
Quel est l’état actuel de la psychiatrie en France ? Et quelles doivent être selon vous les mesures prioritaires ?
On assiste sur le terrain à un délitement très rapide, avec des situations de détresse des usagers. En psychiatrie, il ne faut pas oublier que l’essentiel concerne la relation humaine et l’accompagnement sur de longues périodes des patients souffrant de pathologies graves et sévères. Il faut redonner aux psychiatres une position de premier plan au niveau des soins.
Et cela inclut revoir les tarifs de consultation. En refusant de revaloriser, on en arrive à des situations saugrenues, où l’acte de psychiatrie devient par exemple moins bien rémunéré que la psychologie. Je n’ai rien contre les psychologues, que cela soit bien clair, mais il faut prendre en compte les éléments de responsabilité, d’engagement et de lourdeur du travail qui incombe aux psychiatres.
Revaloriser les honoraires permettra aussi de mieux articuler psychiatrie de ville et psychiatrie d’hôpital. Nous sommes encore dans notre pays sur un modèle trop hospitalocentré et la psychiatrie en souffre beaucoup. L’hôpital a besoin d’énormément de moyens pour prendre correctement en charge les patients les plus lourds. Et pour lui donner ces moyens, il faut que la majorité de la psychiatrie s’exerce en ville. Si on intègre mieux les pratiques de ville aux pratiques hospitalières, on fera déjà un pas de géant.
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