Michel Barnier sous une triple pression avant sa déclaration de politique générale à l’Assemblée
POLITIQUE - Quand c’est flou, Barnier ménage la chèvre et le chou. Le nouveau Premier ministre continue de plancher sur sa déclaration de politique générale, vingt-quatre heures avant de passer sa grande épreuve du feu à l’Assemblée nationale. Dans l’arène, ce mardi 1er octobre, il devra dévoiler les grandes lignes de sa feuille de route.
Pour l’instant, rien, ou si peu, ne filtre des nombreuses consultations menées à Matignon avec les syndicats ou les dirigeants des partis du « socle commun. » Tout juste l’entourage de Michel Barnier fait-il savoir qu’il ne faut pas attendre « un catalogue de mesures », mais plutôt de grandes orientations et des propositions phares sur quelques priorités.
Il faut dire que la tâche est particulièrement complexe. « Je suis là depuis 20 jours, je ne sais pas pour combien de temps », a-t-il fait remarquer samedi, lors de sa « première sortie officielle » hors de Paris, en l’occurrence à Mâcon, au congrès des sapeurs-pompiers. Complexe, à cause de la situation budgétaire, mais pas seulement.
Situation « extrêmement grave »
Le Premier ministre doit effectivement préparer le « budget le plus difficile à élaborer depuis des décennies », selon le diagnostic du président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, et ceci dans un temps record. « Ce que je trouve, je le dis sans polémique, est extrêmement grave », a de nouveau soufflé le chef du gouvernement, samedi, en référence notamment au dérapage du déficit public, lequel pourrait atteindre cette année 6 % du PIB, contre les 5,1 % prévus par le gouvernement précédent.
En clair : Michel Barnier est contraint de trouver des moyens de renflouer les caisses, un aspect qui marquera sans nul doute son grand oral mardi. Pour assainir les finances de l’État, le gouvernement compte « prioritairement » sur une baisse des dépenses : le nouveau ministre des Comptes publics Laurent Saint-Martin ne s’interdit pas de couper dans les 492 milliards d’euros mentionnés dans l’ébauche du précédent gouvernement et, pour 2024, d’annuler tout ou partie des 16,5 milliards de crédits gelés.
Mais l’exécutif compte également rompre avec le tabou macroniste des impôts, en faisant « appel, de manière exceptionnelle et temporaire, à ceux qui peuvent contribuer » à l’effort, selon les mots de Michel Barnier. Le Monde a révélé dimanche que plusieurs mesures sont à l’étude, comme le prélèvement de 8 milliards d’euros sur les grands groupes, ou la création d’une taxe sur les rachats d’actions. Un projet acceptable pour son « socle commun » ?
Les lignes rouges du socle commun
C’est là, l’autre contrainte majeure pour Michel Barnier. Le Premier ministre, qui fera face à une Assemblée divisée en trois blocs (auxquels il est d’ailleurs étranger) loin de la majorité absolue, ne peut compter que sur un alliage fragile, mais exigeant, fait de « chapelles et de sous-chapelles », selon l’expression de son entourage dans Le Parisien.
Du côté de Renaissance, par exemple, son prédécesseur à Matignon Gabriel Attal ne manque pas une occasion de rappeler que le soutien de son groupe est indispensable au chef du gouvernement. « Le Premier ministre doit tenir compte de ce que le premier groupe de son socle de parlementaires a à dire », insistait-il de nouveau, samedi, dans un entretien à La Dépêche. Or, parmi les « lignes rouges » érigées par une partie des macronistes, on retrouve justement la fiscalité.
« Nous serons nombreux à ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts », a encore assuré Gérald Darmanin dimanche, lors de sa rentrée politique à Tourcoing, comme une mise en garde deux jours avant le discours de Michel Barnier à l’Assemblée. Quelques heures plus tôt, une trentaine de députés de l’aile droite préparait le terrain en s’opposant dans une tribune à cette orientation fiscale « impensable. » Pas de quoi, en somme, faciliter la tâche du locataire de Matignon.
La « surveillance » de Marine Le Pen
D’autant que dans cette équation, le chef du gouvernement doit également composer avec la pression de Marine Le Pen. Sinon, veiller à ne pas trop la contrarier. La première semaine de cette nouvelle équipe a été marquée par le recadrage en règle du jeune ministre (Renaissance/EPR) de l’Économie Antoine Armand, contraint de rétropédaler après avoir expliqué qu’il n’entendait pas travailler avec les députés du Rassemblement national.
Un épisode vu par beaucoup comme le signe du pouvoir de nuisance du parti d’extrême droite, Michel Barnier se fendant d’un coup de téléphone rassurant à Marine Le Pen. De fait, le parti a promis de ne pas censurer le gouvernement par principe, mais affirme le placer « sous surveillance » et entretient le mystère quant à son attitude sur les futures motions de censure déposées par la gauche.
« Le fait de ne pas avoir posé de censure préalable ne nous prive pas de la possibilité, en fonction du budget, de voter une censure si nous considérons que le peuple français est bafoué dans ses intérêts supérieurs », expliquait à ce propos Marine Le Pen mi-septembre, dans Le Parisien. Difficile, dans ce contexte, d’imaginer Michel Barnier aller à l’encontre de ces préceptes, aussi flous soient-ils. On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, selon l’adage. Le Premier ministre risque d’en faire l’expérience.
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