Michel Barnier, Premier ministre et « ex-Monsieur Brexit », ravive au Royaume-Uni de mauvais souvenirs
ROYAUME-UNI - « Barnier is back ». En annonçant la nomination du nouveau Premier ministre français, jeudi 5 septembre, le chaîne d’information britannique Sky News ne s’embarrasse pas d’écrire son prénom. Il faut dire que l’ancien commissaire européen est bien connu outre-Manche pour avoir été le négociateur en chef de l’UE sur le Brexit. Une mission qui lui vaut le respect des partisans du « Remain », mais aussi les critiques des plus farouches défenseurs du Brexit.
Michel Barnier Premier ministre, une nomination qui ne résout pas (encore) la crise politique
« Un fanatique de l’UE qui ira très bien avec ce vendu de [Keir] Starmer [le Premier ministre britanniques, ndlr] », enrage Nigel Farage dans un message posté sur X après la nomination de Michel Barnier. L’actuel chef du parti nationaliste et anti-immigration Reform UK était une figure emblématique de la campagne pour le Brexit.
Michel Barnier becomes the new French Prime Minister. An EU fanatic that will suit sell-out Starmer.
— Nigel Farage MP (@Nigel_Farage) September 5, 2024
« Michel Barnier est parachuté Premier ministre en France […] Le système n’essaie même plus de cacher le fait qu’au lieu de truquer des élections, il les ignore tout simplement », s’étrangle de son côté Alex Phillips, ancienne députée européenne du Parti du Brexit.
Michel Barnier parachuted in as PM of France
The magic "recount" in Germany stopping AfD by changing a single seat due to a 'system anomale'
Before that, let's not forget the antics in Italy and Greece where democratically elected leaders were replaced with EU technocrats
The… pic.twitter.com/Y7rrSgoJ7k— Alex Phillips (@ThatAlexWoman) September 5, 2024
Pas plus d’enthousiasme dans les mots de John Hayes, député de South Holland et The Deepings, l’une des circonscriptions où le vote en faveur du Brexit a été le plus élevé lors du référendum de 2016. « On pensait ne plus jamais revoir “Monsieur Barnier” [en français dans le texte, ndlr] après les négociations sur le Brexit, l’époque où il était déterminé à offrir au Royaume-Uni le pire accord possible », regrette-t-il auprès de la chaîne conservatrice GB News.
Un intraitable négociateur, même face à un panier garni
Si Michel Barnier est volontiers qualifié d’homme « discret » dans les portraits dressés dans la presse depuis sa nomination, les eurosceptiques ne semblent pas avoir oublié celui qui comparait Boris Johnson, Premier ministre pendant les négociations, à un « bulldozer ». Et le changement de ton du Français avant la présidentielle de 2022, où il a semblé revenir sur ses convictions européennes, n’efface pas le souvenir du « Monsieur Brexit » qu’il était.
Entre 2016 et 2021, Michel Barnier est l’incarnation d’une ligne dure européenne face au Brexit, un âpre négociateur qui ne cède pas aux volontés des Britanniques au sujet de l’accord de sortie de l’UE. « Lors de briefings réguliers à la télévision, Michel Barnier a défendu l’intégrité du marché unique européen, de la libre circulation et des institutions européennes avec une logique inébranlable, et la détermination sans concession d’un technocrate chevronné », écrivait le Guardian quelques mois après la fin de la mission de Michel Barnier. Il était alors « probablement plus célèbre au Royaume-Uni qu’en France, où les négociations sur le Brexit ont rarement fait la Une des journaux ».
Dans son livre La grande illusion : journal secret du Brexit – un titre résumant efficacement son opinion sur le sujet –, Michel Barnier décrivait comment les eurosceptiques ont tenté de le séduire pour le faire lâcher sur certains points. Parfois en le soudoyant à coups de paniers garnis. Le cheddar et le thé bien emballés ? Ils ont été transformés à partir de produits européens, leur répond-il. Les œuvres de Shakespeare, livrées avec ? L’Anglais était un « dramaturge continental », rétorque-t-il.
Un profil « Starmer-compatible » ?
Michel Barnier devait aussi convaincre les 27, sujet après sujet, de la nécessité de parler d’une seule voix. En 2019, ce Savoyard aujourd’hui âgé de 73 ans comparait le processus du Brexit à « escalader une montagne » : « vous avez besoin de vigilance, de détermination et de patience », glissait-il à la BBC alors que les négociations patinaient.
Interrogé ce vendredi au sujet du nouveau Premier ministre, David Davis, secrétaire d’État à la sortie de l’Union européenne dans le gouvernement de Theresa May et partisan d’un Brexit dur, le qualifie de « Français très solide », « bien ancré dans la vraie France ». C’est en effet l’autre Michel Barnier dont la presse britannique dresse le portrait : un montagnard connu pour ses « parkas » et sa passion pour les « tableurs », écrit le Guardian.
Un profil « Starmer-compatible » ? Oui pour Sky News, qui voit dans son expérience sur le Brexit, ainsi que ses positions dures sur l’immigration, des avantages qui ont pu « le préparer à travailler avec le Royaume-Uni sur la crise migratoire dans la Manche ». Un sujet brûlant alors que 12 personnes sont mortes dans un nouveau naufrage cette semaine.
Dans son livre publié en 2021, Michel Barnier ne cachait pas son admiration pour Keir Starmer. Il est l’homme politique britannique « qui m’impressionne le plus, pour sa capacité à saisir dans le détail ce qui est en jeu dans les négociations sur le Brexit », écrivait-il. Et de prédire : « j’ai le sentiment que Keir Starmer sera un jour le Premier ministre britannique ».
Ce dernier, qui souhaite un « reset » des relations entre Londres et Bruxelles après les turbulences liées au Brexit, a félicité son homologue français jeudi, par l’intermédiaire de son porte-parole. « La France est depuis longtemps l’un de nos plus proches alliés. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux et cela va continuer », a-t-il sobrement commenté. Comme le note Politico, le test de compatibilité devrait intervenir rapidement : le prochain sommet franco-britannique est prévu à Londres en 2025.
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