Michel Barnier nommé Premier ministre: quels vont être ses rôles et pouvoirs?
Après avoir battu le record de longévité d'un gouvernement démissionnaire en charge des affaires courantes, Emmanuel Macron a enfin désigné un successeur à Gabriel Attal. Jeudi 5 septembre il a choisi Michel Barnier comme nouveau Premier ministre, après plusieurs jours de concertations avec tous les représentants de partis politiques et des forces parlementaires.
Michel Barnier remplace Gabriel Attal, locataire de Matignon depuis le 9 janvier dernier et deuxième occupant le plus éphémère à ce poste de la Ve République. Bernard Cazeneuve -dont le nom tenait la corde pour occuper le poste également- était, lui, resté Premier ministre cinq mois et huit jours sous la présidence de François Hollande.
Fin de l'unique gestion des affaires dites "courantes"
Depuis la démission du gouvernement Attal le 16 juillet dernier, à l'issue des résultats des législatives anticipées, les ministres sont restés en charge des affaires courantes jusqu'à la nomination de leur prédécesseur.
C'est-à-dire qu'ils s'occupaient de "la gestion quotidienne de l'État, et le prolongement des affaires en cours", détaille pour BFMTV.com Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l'université de Lille. Puis "les affaires urgentes, qui ne peuvent attendre la nomination du nouveau gouvernement", nous explique encore le constitutionnaliste.
Lors de son dernier Conseil des ministres ce même 16 juillet, Gabriel Attal avait ainsi indiqué que son gouvernement allait pouvoir "assurer la continuité" jusqu'à la fin des Jeux olympiques de Paris 2024.
Michel Barnier hérite -au contraire de son prédécesseur ces derniers mois- des pleins pouvoirs d'un Premier ministre classique en exercice. Le contexte politique particulier va toutefois l'obliger à insister sur certains aspects de son rôle.
Quels nouveaux pouvoirs pour Michel Barnier?
C'est l'article 21 de la Constitution qui fixe les missions du Premier ministre. Au locataire de Matignon revient la direction de l'action du gouvernement. Ce dernier se compose des ministres et des secrétaires d'État nommés par le Président de la République sur proposition du Premier ministre. C'est au gouvernement de déterminer et conduire la politique de la nation.
Michel Barnier est également responsable de la défense nationale en sa qualité de Premier ministre. Il assure l’exécution des lois et veille à l'application des ordonnances et décrets. Enfin, il coordonne l’action gouvernementale en arbitrant les politiques décidées dans les différents ministères et en les priorisant.
Toutefois, le Premier ministre n'est pas le supérieur hiérarchique des autres ministres. Et il ne peut pas leur imposer de prendre une décision qu’ils ne veulent pas assumer.
À contexte particulier, rôle particulier
Le résultat des élections législatives n'a pas permis de dégager une majorité à l'Assemblée nationale. Tripartite, cette dernière n'a pas non plus pour le moment de perspective de coalition. Droite républicaine et bloc central seraient prêts à travailler avec les socialistes. Mais ces derniers excluent pour l'instant toute sortie de l'alliance du Nouveau Front populaire qui l'unit à La France insoumise.
"Le nouveau Premier ministre devra donc être un chef capable de sonner le rassemblement", analyse la politologue et chercheuse au CNRS, Isabelle Veyrat Masson.
Plusieurs dans les différents camps appellent à cette capacité à construire des compromis pour réussir à faire voter les textes. Et notamment l'épineux budget pour l'année 2025, le fameux projet de loi de finances, qui sera débattu dès octobre.
La députée Ensemble pour la République (ex-Renaissance), Aurore Bergé, traçait le 4 août dernier dans le Figaro les gros traits de la mission du futur Premier ministre dans cette période particulière: il doit être capable de naviguer avec le Parlement et "avoir une solide expérience du compromis" tout en étant "respecté des députés".
Un futur Premier ministre, champion des décrets et des arrêtés?
La dernière législature qui n'avait offert qu'une majorité relative au camp présidentiel a déjà donné une illustration des possibilités de gouverner sans l'appui des parlementaires. Au-delà des textes de loi votés et approuvés par l'Assemblée nationale puis le Sénat, d'autres possibilités de faire avancer une France ingouvernable demeurent.
Il existe aussi en effet "un pouvoir réglementaire autonome, avec son propre lot de décrets, d’arrêtés, d’ordonnances, de circulaires", comme le rappelait début juillet dans Le Monde, le professeur de droit public à l’université Paris-Saclay Julien Boudon. Et ce dernier souligne le "rôle majeur" du Premier ministre, "au cœur de la machine administrative".
Beaucoup de dispositions existent qui autorisent ainsi le contournement des débats de l'Assemblée nationale pour permettre le passage de quelques réformes. Ainsi au sein de l’Éducation nationale par exemple, peu de réformes éducatives nécessitent une loi. Les changements dans l’organisation des enseignements, les évolutions des programmes scolaires ou les modifications de la formation des professeurs ne demandent qu’un texte réglementaire, arrêté ou décret.
Pour interdire l’abaya à la rentrée 2023, par exemple, Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, n’a eu besoin que d’une note de service. Elle est venue préciser le décret d’application de la loi de 2004 encadrant le port de signes religieux à l’école.