Avec Michel Barnier, le MoDem rejoue la partition de la mutinerie, son classique intemporel

Bataille de postes ou de ligne ? Avec Barnier, le MoDem de Bayrou (ici en juin 2024) rejoue la mutinerie, son classique
CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP Bataille de postes ou de ligne ? Avec Barnier, le MoDem de Bayrou (ici en juin 2024) rejoue la mutinerie, son classique

POLITIQUE - En ces temps troublés, plusieurs repères restent immuables : l’automne débute le 22 septembre, et le MoDem menace de ne pas participer au gouvernement. Fidèle à lui-même, le parti centriste fait effectivement étalage de ses doutes quant à l’architecture du gouvernement de Michel Barnier, et sa composition trop à droite.

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« La photo de famille pique fort », résume le porte-parole du MoDem et ancien député Bruno Millienne au HuffPost, en référence à l’ébauche proposée au président de la République, dans laquelle la droite catholique conservatrice occupe une belle place. Ou, en d’autres termes : « Les deux flotteurs ne sont pas égaux. C’est vraiment le truc qui remue et qui empêche nos députés d’adhérer » au projet.

Résultat : selon plusieurs sources, la grande majorité du groupe à l’Assemblée rechigne à faire partie de l’aventure, aux côtés des LR Bruno Retailleau ou Patrick Hetzel. Les élus se sont réunis en visio ce vendredi après-midi, avec leur chef François Bayrou, pour arrêter une stratégie... Et finalement acter une participation au gouvernement. Une issue prévisible ?

Poil à gratter depuis 2017

Force est de constater que le MoDem est un habitué de l’exercice. Depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, avec le soutien du parti centriste, on ne compte plus les occasions où François Bayrou a tapé du poing sur la table, montré les muscles - parfois les deux en même temps - avant de rentrer dans le rang.

Dès le printemps 2017, le Béarnais s’était agacé d’être « lésé » dans la répartition des investitures aux élections législatives. Résultat : son parti avait récupéré une cinquantaine de candidatures supplémentaires, et finalement topé avec Emmanuel Macron. Même schéma répété pour les municipales 2020, les législatives 2022 (sur fond de parti unique) ou les différents remaniements successifs, en 2020 avec Jean Castex ou en 2022 avec Élisabeth Borne.

Encore récemment, en janvier 2024, François Bayrou avait provoqué un psychodrame dans la famille du centre en refusant le ministère de l’Éducation nationale sous l’égide du chef du gouvernement de l’époque Gabriel Attal, et en faisant étalage de ses rancœurs dans la presse. Sous groupe, alors échaudé par l’arrivée de plusieurs poids lourds de la droite, dont Rachida Dati, avait affiché ses divisions sur la possibilité de soutenir ou non Gabriel Attal… Avant finalement de dire « oui. »

« On a intérêt à ne pas y aller »

Bis répétita huit mois (et un nouveau tournant à droite) plus tard ? Le MoDem s’est-il aissé convaincre par davantage d’élus et de poids autour de Michel Barnier ? « On n’en est plus là », soupire Bruno Millienne, en reconnaissant l’habitude prise par son parti de jouer des coudes pour une meilleure part de gâteaux. « C’est toujours comme ça pour une formation qui veut peser. »

Aujourd’hui, la fronde semble être plus sérieuse. Le risque « sacrificiel » existe et « on n’est pas sur à 100 % de l’entrée au gouvernement de Jean-Noël Barrot (Affaires étrangères) et Geneviève Darrieussecq (Santé) », expliquait encore le porte-parole du parti centriste, avant la rencontre entre les députés.« On a intérêt à ne pas y aller, ce serait un acte fondateur posé par notre famille politique », tranchait de son côté un député dans les colonnes de Libé, à rebours de plusieurs figures historiques de son mouvement, attentifs à ne pas mettre de bâtons trop gros dans les roues de Michel Barnier.

Dans ce contexte, difficile d’imaginer comment tout cela tiendra à long terme. « Personne n’en a tenu compte à ce point, mais aujourd’hui, cela se joue au Parlement. Les députés ont leur mot à dire, alors qu’ils ne l’avaient pas avant », fait encore valoir Bruno Millienne. Et d’ajouter : « c’est fini l’époque où le président de groupe et le chef du parti arrivent et disent ’c’est comme ça, pas autrement.’ »

Finalement, le MoDem participera

Pour résumer, les élus réfractaires regrettent la place, trop large, accordée à la droite. Une droite, par ailleurs, particulièrement conservatrice derrière Bruno Retailleau, pressenti au ministère de l’Intérieur. Même grief concernant Laurence Garnier. Ancienne fidèle de la « Manif pour tous » aux positions très controversées sur les questions sociétales, la sénatrice est annoncée pour récupérer le portefeuille de la Famille. Elle succéderait ainsi à Sarah El Haïry, figure du MoDem et par ailleurs première ministre en exercice à avoir fait son coming out.

D’où ce tweet tout en sous-entendus de la députée Perrine Goulet : « Nos vies, nos quotidiens, se transforment. Nos familles - sous toutes ses formes - également. Cette réalité des familles doit être prise en compte, il en va de la cohésion nationale ».

Dès lors, comment enivsager un travail positif entre le parti de François Bayrou et Michel Barnier ? Certains imaginaient déjà réclamer des garanties, sur la justice fiscale ou sociale, avant de sceller l’entente pour de bon. Il n’en sera rien. Comme souvent, le parti de François Bayrou fini par dégonfler les muscles. En témoigne la solution trouvée ce vendredi en fin d’après-midi : le MoDem « participera au gouvernement » mais « assumera sa responsabilité politique devant le pays. »

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