Michel Barnier et les impôts : premier dilemme à Matignon alors que le déficit flambe (encore)

Michel Barnier (ici le 7 septembre) peut-il éviter une hausse d’impôts sur les plus aisés ?
LUDOVIC MARIN / AFP Michel Barnier (ici le 7 septembre) peut-il éviter une hausse d’impôts sur les plus aisés ?

POLITIQUE - C’est la question à 20 milliards (ou plus). Toujours en quête d’un gouvernement, le nouveau Premier ministre Michel Barnier doit également préparer un budget de l’État périlleux, dont on dit même qu’il est l’un des plus complexes de ces dernières décennies. Pour cause : les caisses sont vides, et la situation apparaît alarmante.

Que sont ces « lettres plafond » réclamées à Michel Barnier par Éric Coquerel et Charles de Courson ?

En quittant Bercy, après un pot de départ en forme de satisfecit géant, Bruno Le Maire a effectivement laissé à son successeur (encore inconnu) et au locataire de Matignon, une mission complexe. À savoir, endiguer le nouveau dérapage du déficit public (à 5,6 % du PIB cette année) et éviter une crise de la dette.

Le tout, s’est permis de conseiller le ministre démissionnaire, si possible sans augmenter les impôts… Le mantra qui guide l’action du gouvernement depuis 7 ans. Oui mais voilà. À situation exceptionnelle, réponse inhabituelle. Depuis plusieurs jours, des voix s’élèvent pour réclamer à Michel Barnier de rompre avec ce dogme macronien. Et pas uniquement à gauche.

Ode à l’impôt

Parmi les nombreux économistes favorables à une mise à contribution des « plus riches », on retrouve notamment Jean Pisani-Ferry, un ancien proche d’Emmanuel Macron, président de son groupe d’idées pour sa première élection en 2017. Pas tout à fait marxiste, donc. Selon lui, « on ne se sortira pas de cette situation budgétaire uniquement avec des mesures sur les dépenses », comme semblait pourtant le penser le gouvernement démissionnaire.

L’économiste plaide au contraire pour un « ajustement budgétaire » basé, pour un tiers, sur des recettes supplémentaires. « Sur le crédit d’impôt recherche, on peut demander aux entreprises de faire un effort. Et on peut demander qu’il y ait un effort sur les prélèvements des plus aisés », a-t-il soufflé, lundi soir sur France 5, en évoquant une question « d’équité » en ces temps difficiles.

L’analyse est similaire du côté de la Cour des comptes. Son président, Pierre Moscovici, a prévenu, avant l’examen du budget, que « le débat fiscal ne doit et ne peut pas être tabou. » Encore moins dans la situation délicate que connaît la France. « Nos concitoyens, notamment les classes populaires et moyennes, ont le sentiment que pèsent sur eux des charges fiscales lourdes, alors que d’autres y échapperaient », a-t-il ainsi assuré mi-septembre, dans les colonnes du Parisien.

Malgré une certaine réserve, inhérente à sa fonction, le discours de l’ancien ministre de François Hollande est clair : la question de la hausse des impôts, sur les plus aisés, doit se poser. Une position qui vient s’ajouter aux recommandations de nombreux responsables publics, économistes ou ONG, à l’image d’Oxfam, organisme spécialiste de la lutte contre la pauvreté... Ou du Gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau

Barnier contraint par son camp ?

Dans ce contexte, que faut-il attendre de Michel Barnier ? L’ancien « monsieur Brexit » à Bruxelles n’a sans doute pas les mêmes pudeurs que le président de la République en la matière. Mieux, selon plusieurs médias, il serait tenté d’ouvrir le débat pour se sortir d’une équation budgétaire presque impossible.

« Barnier considère que depuis Macron il y avait eu un enrichissement sans précédent des plus riches en France », croit ainsi savoir une source LR qui s’exprime dans les colonnes du Parisien. Le quotidien affirme également que le nouvel homme fort de Matignon se fait très critique sur le bilan de Bruno Le Maire à Bercy, et explique, à ses interlocuteurs « devoir augmenter les impôts » à cause de « la gestion catastrophique ». Résultat : « Michel Barnier m’a dit pendant notre entretien qu’il augmentera les impôts », a prévenu le ministre démissionnaire de l’intérieur Gérald Darmanin en s’exprimant devant ses collègues Renaissance, mardi. Un désir ou une réalité ?

De fait, l’ancien ministre de Jacques Chirac a certes évoqué son souhait de prendre des mesures de « justice fiscale » dès ses premières minutes à Matignon. Mais les partis qui le soutiennent ne sont pas franchement allants sur la question de la fiscalité. Bien au contraire. Gabriel Attal a réclamé un rendez-vous en urgence au Premier ministre (il a été annulé depuis) tandis que le ministre démissionnaire de l’Intérieur Gérald Darmanin affirme qu’il est « hors de question » de soutenir une équipe qui augmenterait les impôts. Même chose du côté des Républicains de Laurent Wauquiez, lesquels font de la stabilité fiscale une ligne rouge.

« Sur un certain nombre de domaines, on a besoin d’une politique de droite. Pour qu’il n’y ait pas de hausses d’impôts, qu’il y ait plus de sécurité, moins d’immigration », a encore plastronné le président du groupe LR à l’Assemblée, mi-septembre pour la rentrée des Républicains.

Enfin, du côté du Rassemblement national, qui prétend placer le Premier ministre « sous surveillance », toute hausse d’impôt est synonyme de censure. Si bien que ce mardi soir l’entourage de Michel Barnier a tempéré les commentaires. « Les rumeurs sur la fiscalité sont de pures spéculations. Le Premier ministre analyse la situation budgétaire et aucune option n’est aujourd’hui arrêtée », a fait savoir Matignon. Ou l’histoire d’un premier bras de fer.

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