Michel Barnier : comment le nouveau Premier ministre peut-il être (déjà) renversé ?
La nomination de Michel Barnier à Matignon est, sans surprise, loin de faire l'unanimité. De quoi déjà faire planer des doutes sur son avenir dans la durée.
Après 51 jours sans Premier ministre et des concertations sans fin, Emmanuel Macron a donc fini par trancher, en nommant Michel Barnier au poste de Premier ministre après des rumeurs incessantes de la droite à la gauche durant cette période de transition.
Mais avec une Assemblée si morcelée entre trois blocs et des menaces de censure, son avenir semble déjà menacé à Matignon, à plus ou moins long terme. Alors que la France insoumise a d'ores et déjà annoncé le dépot d'une motion de censure, le Rassemblement national a annoncé attendre la déclaration de politique générale de Michel Barnier avant de se prononcer. Mais quels sont les moyens de faire tomber de le Premier ministre ?
La motion de censure
La manière la plus fréquente pour tenter de faire chuter un Premier ministre et son gouvernement, c'est la motion de censure. Gabriel Attal a été visé par plusieurs d'entre elles, qui ont toutes échoué faute de voix suffisantes à l'Assemblée. Sa prédécesseure, Élisabeth Borne, a elle affronté 27 motions de censure, là encore sans chuter.
Pour être jugée recevable, une motion de censure doit être signée par un dixième des membres de l’Assemblée nationale soit 58 députés. Le RN (126 députés), LFI (72) et le PS et apparentés (66) sont les trois groupes d'opposition qui disposent du nombre suffisant de députés pour déposer une motion de censure. Les autres groupes devront compter sur des soutiens venant d'autres partis politiques.
Une fois déposée, la motion de censure doit être votée par une majorité des membres composant l’Assemblée nationale pour être adoptée. C'est là toute la difficulté rencontrée par les motions de censure depuis 1958. Seule une a été adoptée. Par ailleurs, les abstentions ne sont pas comptabilisées, ce qui établit un seuil à 289 votes (sur 577) en faveur de la motion pour faire tomber le gouvernement. Un délai de 48h doit être observé entre le dépôt de la motion de censure et son vote éventuel.
Toutes les motions de censure déposées ont échoué faute d'un nombre de voix suffisant. La plus proche d'aboutir avait été déposée en mars 2023 par le groupe LIOT. Elle avait échoué à neuf voix près. Mais c'était avant la dissolution de l'Assemblée, et sa nouvelle composition, qui rebattent les cartes des équilibres.
Le simulateur du Monde permet par exemple de se rendre compte qu'une motion de censure votée par l'ensemble des députés RN et leurs alliés et des députés du Nouveau Front Populaire serait adoptée avec 335 voix, de quoi laisser une marge suffisante pour la défection de certains députés.
Le recours au 49-3 de la part du gouvernement
L'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution prévoit que le gouvernement peut faire adopter un texte sans vote, arme qui pourrait être utilisée par le gouvernement au vu de la composition de l'Assemblée.
En contrepartie de ce passage en force de plus en plus décrié par les oppositions, les députés peuvent essayer de faire chuter le gouvernement, comme ce fût le cas du gouvernement d'Élisabeth Borne. Mais aucune motion de censure déposée après l’utilisation du 49-3 n’a jamais été adoptée sous la cinquième République. Une motion de censure qui répond aux critères précédents.
Le vote de confiance lors de la déclaration de politique générale
Dernière possibilité pour les députés de faire chuter le Premier ministre et son gouvernement, dans le cas où le locataire de Matignon demande la confiance aux députés à l'issue de sa déclaration de politique générale. Dans les jours suivant sa nomination, la tradition veut que le Premier ministre présente les grands axes de sa politique à venir et demande la confiance aux députés. ceux-ci peuvent ne pas la voter, faisant ainsi chuter le Premier ministre et son gouvernement, un scénario qui n'a encore jamais eu lieu.
Mais ce vote de confiance n'est pas un passage obligé, Gabriel Attal et Élisabeth Borne n'ont ainsi pas demandé la confiance. En réaction, les oppositions avaient déposé une motion de censure qui avait échoué.