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France: Après Conflans, l'Etat cible associations extrémistes et haine en ligne

FRANCE: APRÈS CONFLANS, L'ETAT CIBLE ASSOCIATIONS EXTRÉMISTES ET HAINE EN LIGNE

PARIS (Reuters) - Une trentaine d'opérations de police ont été menées lundi en France contre des individus soupçonnés d’islamisme radical après l'assassinat du professeur Samuel Paty, décapité vendredi près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine, au nord-ouest de Paris, a annoncé lundi le ministre de l'Intérieur.

"Ces opérations de police ont pour but premier de faire que la sidération change de camp", a dit Gérald Darmanin sur TF1. "Le but de ces opérations, sous couvert du juge (...), c'est d'intimider ceux qui essaient de nous intimider."

Invité au Journal de 20-Heures de TF1, le ministre de l'Intérieur a précisé qu'il avait demandé au préfet de Seine-Saint-Denis de faire fermer une mosquée de Pantin dont l'imam a relayé sur les réseaux sociaux le message visant le professeur d'histoire et donnant l'adresse du collège du Bois d'Aulne, à Conflans.

Gérald Darmanin avait souhaité plus tôt dans la journée la dissolution de plusieurs associations, comme le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et l'organisation Barakacity, qui se présente comme une ONG humanitaire islamique.

"LA PEUR VA CHANGER DE CAMP"

L'enseignant tué, loué pour son engagement et sa bienveillance par ses élèves, avait montré des dessins de Mahomet lors d'un cours d'éducation morale et civique, un fait à l'origine d'une campagne de haine sur les réseaux sociaux.

"Depuis l'assassinat de ce professeur, plus de 80 enquêtes pour la haine en ligne de ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont expliqué que ce professeur l'avait bien cherché, ont été ouvertes", avait déclaré Gérald Darmanin lundi matin sur Europe 1, au lendemain d'un conseil de défense présidé par Emmanuel Macron.

"La peur va changer de camp", a déclaré lors de cette réunion le chef de l’Etat, selon des propos rapportés par son entourage et cités par Le Monde. "Les islamistes ne doivent pas pouvoir dormir tranquilles dans notre pays."

Du fait d'une "judiciarisation" de certaines de ces 34 opérations, son ministre de l'Intérieur a indiqué qu'il ne pouvait pas en dire beaucoup plus. "Mais elles concernent des dizaines d'individus, pas forcément en lien avec l'enquête" sur le meurtre de Samuel Paty, avait-il noté sur Europe 1.

Sur TF1, Gérald Darmanin a souligné que l'auteur présumé de l'attaque de Conflans, abattu par la suite par des policiers, n'était pas fiché par les services de renseignements et a dit voir dans l'assassinat une "nouvelle forme de djihadisme" mené par "des gens qui ont décidé de répondre à une fatwa".

Aussi, a-t-il ajouté, "tous ceux qui l'ont poussé, toux ceux qui ont mis en pâture cet enseignant doivent être fortement poursuivis et condamnés"

Ces opérations visent, selon une source sécuritaire interrogée par Reuters, certains groupes soupçonnés d'incitation à la haine ainsi que des ressortissants étrangers en France connus pour leur extrémisme.

Le gouvernement compte ordonner l'expulsion de 231 personnes fichées pour radicalisation, a-t-on appris dimanche de source policière, dont 180 sont actuellement en prison.

"IL FAUT MUSCLER L'ETAT DE DROIT"

"Nous avons décidé aussi qu'une cinquantaine de structures associatives - 51 exactement - verront toute la semaine un certain nombre de visites des services de l'Etat et plusieurs d'entre elles, à ma proposition (...), se verront dissoudre en conseil des ministres", a ajouté Gérald Darmanin sur Europe 1.

Prié de dire s'il souhaitait la dissolution du CCIF, Gérald Darmanin a répondu par l'affirmative : "Je le souhaite parce que voilà une association qui a été manifestement impliquée, puisque le père qui a mis en ligne une vidéo (ciblant le professeur) fait référence à cette association (...), parce que nous avons un certain nombre d'éléments qui nous permettent de penser qu'effectivement c'est un(e) ennemi(e) de la République."

L'assassin présumé de Samuel Paty est un réfugié russe d'origine tchétchène âgé de 18 ans. Il a été tué peu de temps après l'agression par des policiers.

Une dizaine de personnes ont été placées en garde à vue. Parmi elles figurent des membres de sa famille et de son entourage, mais aussi le père de l'élève évoqué par Gérald Darmanin, qui a accusé sur les réseaux sociaux Samuel Paty d'avoir "insulté" l'islam et son prophète, ainsi que le militant islamiste franco-marocain Abdelhakim Sefrioui.

Agé de 61 ans, très actif sur les réseaux sociaux, Sefrioui est membre fondateur du "collectif Cheikh Yassine", du nom d'un des fondateurs du Hamas palestinien. Il est surveillé depuis une quinzaine d'années par les services de renseignement, précise-t-on de sources sécuritaires.

Les autorités ont déjà tenté en vain de le priver de sa nationalité française, qu'il a obtenue par mariage.

L'assassinat de Samuel Paty a suscité une très forte émotion en France, où de vastes rassemblements ont été organisés dimanche pour honorer sa mémoire et défendre la liberté d'expression.

Un hommage national lui sera rendu mercredi en fin d'après-midi dans la cour de la Sorbonne.

(Jean-Philippe Lefief, Jean-Stéphane Brosse, avec Tangi Salaün, édité par Henri-Pierre André)