Mort de Philippine: comment le juge a-t-il motivé sa décision de remise en liberté du suspect deux semaines avant le meurtre?

Dans une décision datée du 3 septembre 2024, le juge des libertés et de la détention de Metz a remis en liberté Taha O, le suspect du meurtre de Philippine, alors présent en centre de rétention administrative.

Une décision de justice qui fait débat. Taha O., un homme de nationalité marocaine, sous OQTF, déjà condamné par la justice française, est suspecté du meurtre de Philippine. Il a été arrêté mardi 24 septembre à la gare de Genève en Suisse, quatre jours après la découverte du corps de la jeune étudiante de 19 ans, dans le bois de Boulogne à Paris.

Selon nos informations, après son arrivée en France, celui-ci a violé une étudiante de 23 ans. Le 5 septembre 2019, il a été écroué et placé en détention provisoire. Puis, le 15 mars 2022, après sa condamnation, celui-ci a été transféré au centre de détention de Joux-la-Ville le 15 mars 2022.

Enfin, le 20 juin 2024, il est ressorti pour se rendre en centre de rétention administrative, alors qu'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lui avait été adressée deux jours plus tôt. Enfin, le 3 septembre dernier, il est remis en liberté par un juge des libertés et de la détention.

BFMTV a pu consulter le document émis. Dans celui-ci, le juge des libertés et de la détention (JLD) de Metz rappelle les règles autorisant la prolongation du délai de rétention maximum d'un étranger, fixé à 60 jours par l'article L742-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En l'occurrence, le juge des libertés et de la détention peut prolonger une rétention si l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement; s'il a présenté une demande de protection contre l'éloignement ou une demande d'asile. Ou si la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Les deux premiers points ont été écartés par le juge, qui explique que Taha O., ne s'est pas opposé à sa mesure d'éloignement et n'a pas sollicité l'asile.

Pour le dernier point: le juge a constaté que le suspect ne disposait d'aucun document d'identité, que les autorités marocaines n'avaient à ce jour (le 3 septembre) pas répondu aux demandes de "délivrance d'un laissez-passer" (demande formulée le 18 juin 2024 puis relancé le 16 juillet, le 27 août 2024).

Le juge en a déduit que l'administration française ne pouvait garantir "la délivrance d'un laissez-passer, a fortiori l'organisation d'un vol" dans un bref délai comme la loi l'exige. Donc que ce motif n'a pas non plus été retenu.

Il existe toutefois un dernier motif. Le juge peut "à titre exceptionnel" décider de prolonger une rétention "en cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public". Or, le juge a relevé que Taha O. a été condamné à 7 ans de réclusion criminelle pour viol le 5 octobre 2021, le juge a aussi constaté que l'homme n'avait "ni logement, ni insertion sociale ou professionnelle et n'a aucun revenu".

Le juge en a déduit que "le risque de réitération des faits délictueux, et donc la menace à l'ordre public ne peut être exclue".

Pourtant, le juge indiquait en même temps que le suspect n'avait pas eu, lors de sa 3e prolongation de rétention, un comportement "qui aurait constitué une menace ou un trouble à l'ordre public" ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 742-5 du Code de l'Entrée du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile pour autoriser la 4ème prolongation.

En définitive, le juge a conclu que les "conditions légales ne sont pas remplies" et a donc décidé de libérer le suspect, assigné à résidence dans un hôtel près d'Auxerre. Contacté par BFMTV, l'hôtel assure qu'il n'a jamais vu le suspect.

Article original publié sur BFMTV.com