Mesures qui vont "dans le bon sens", manque de moyens: les réactions au plan de lutte contre le narcotrafic

Le ministre de la Justice Didier Migaud et le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau ont annoncé vendredi 8 novembre leurs principales mesures pour lutter contre le "fléau" du narcotrafic en France, lors d'un déplacement conjoint à Marseille.

Parmi les propositions évoquées, l'instauration d'une "cellule de coordination nationale", le renforcement des effectifs des équipes du parquet de Paris qui travaillent sur la lutte contre la criminalité organisée au niveau national ou encore la création d'"une infraction d'association de malfaiteurs au niveau criminel".

Si la classe politique a été peu nombreuse à réagir, le sénateur écologiste Yannick Jadot a salué ce samedi matin sur France info plusieurs des propositions faites, dont celle sur le parquet national. "C'est bien parce que ça concentre les moyens et ça donne plus de puissance", a-t-il estimé.

"Il y a un acteur qui manquait hier, c'est Bercy (le ministère de l'Économie, NDLR). Il faut taper les narcotrafiquants au portefeuille, sur leur patrimoine", a cependant regretté le sénateur.

"Encore faut-il avoir les effectifs suffisants"

Côté politique, le maire communiste de Villerupt, ville de Meurthe-et-Moselle régulièrement touchée par des faits divers liés au trafic de drogues, dont notamment une fusillade en 2023 qui avait fait 5 blessés, a lui aussi réagi sur BFMTV vendredi soir à ces annonces et se montre réservé.

"C'est bien beau d'annoncer des mesures, mais encore faut-il avoir les effectifs suffisants pour les mettre en oeuvre", a prévenu Pierrick Spizak, rappelant qu'il attend encore "19 agents" et "50.000 euros du ministère de l'Intérieur pour le déploiement de la vidéo-protection" promis depuis 2020.

L'élu s'interroge aussi sur l'effectivité de certaines mesures. "Nous sommes un territoire à la frontière, notamment avec le Luxembourg et la Belgique. Si demain, le consommateur est luxembourgeois, je me demande comment va faire la France pour aller récupérer l'argent sur les comptes au Luxembourg", grince-t-il, alors que les ministres ont promis de "taper le portefeuille" des trafiquants.

Des mesures qui vont "dans le bon sens" pour Alliance

Chez le syndicat de police Alliance, on salue des mesures qui "de manière générale" vont "dans le bon sens".

"Se calquer sur l'antiterrorisme, je crois que c'est des choses qu'il faut faire et notamment travailler de la même façon pour le crime organisé, le gel des avoirs des uns et des autres du patrimoine", souligne le président du syndicat Fabien Vanhemelryck auprès de France info.

Malgré tout, il redoute lui aussi un manque de moyens. "On fait toutes ces annonces, mais avec quoi? Les caisses de l'État sont vides et le ministère de l'Intérieur est déjà en difficulté parce qu'il cherche déjà à faire des économies", dit-il.

Les syndicats de magistrats critiques

Du côté de la section du tribunal judiciaire de Marseille au sein du Syndicat de la magistrature, on regrette dans un communiqué que le gouvernement s'inquiète de la participation des mineurs au narcotrafic, mais "ne cherche pas à entendre les professionnel.les" sur le sujet.

Peu convaincu par les diverses annonces de l'exécutif, le syndicat estime que "le sujet n'est ni l'excuse de minorité, ni les comparutions immédiates pour mineurs" et préfère rappeler certaines suppressions de postes d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, le "manque de moyens" ou encore la "misère sociale".

Le représentant d'un autre syndicat de magistrats, l’Union syndicale des magistrats (USM), a de son côté interrogé la pertinence de la création d'un parquet national spécialisé contre le trafic de drogues dont la criminalité est "beaucoup plus protéiforme" que dans le cadre du terrorisme. "Les auteurs sont multitâches, passant des stupéfiants au proxénétisme, du proxénétisme au trafic d'armes, à la contrebande de tabac", a expliqué Aurélien Martini, secrétaire général adjoint de l'Union syndicale des magistrats sur France info.

Il se dit également réservé sur la possible création de cours d'assises spéciales, composées uniquement de magistrats professionnels, proposée par les ministres. "Les réseaux criminels ont les moyens financiers, humains, d'atteindre quiconque, y compris des magistrats", prévient-il.

Article original publié sur BFMTV.com