Merkel veut réduire les fonds pour l'adhésion turque à l'UE

Angela Merkel a appelé jeudi ses partenaires européens à réduire le soutien financier accordé à la Turquie dans le cadre de sa procédure d'adhésion à l'Union européenne en raison de la dérive autoritaire du président Recep Tayyip Erdogan. /Photo prise le 19 octobre 2017/REUTERS/François Lenoir

par Robin Emmott et Noah Barkin

BRUXELLES (Reuters) - Angela Merkel a appelé jeudi ses partenaires européens à réduire le soutien financier accordé à la Turquie dans le cadre de sa procédure d'adhésion à l'Union européenne en raison de la dérive autoritaire du président Recep Tayyip Erdogan.

La chancelière allemande a certes salué la contribution des autorités turques dans la gestion de la crise des migrants mais elle s'est surtout inquiétée des entorses faites aux principes démocratiques depuis le coup d'Etat manqué de juillet 2016.

"Les changements en Turquie sont très négatifs du point de vue des valeurs démocratiques", a estimé Angela Merkel.

"Non seulement des Allemands sont arrêtés mais tout l'Etat de droit en Turquie avance dans la mauvaise direction. Cela nous inquiète beaucoup. Je vais soutenir une réduction des fonds de pré-adhésion", a-t-elle annoncé.

La Belgique et les Pays-Bas l'ont immédiatement soutenue dans cette démarche.

"Tout le monde sait que ces négociations sont de fait gelées et donc de fait pratiquement mortes", a déclaré le Premier ministre belge, Charles Michel.

Son homologue néerlandais, Mark Rutte, a abondé dans le même sens en admettant que les discussions étaient dans un état cataleptique "et ne vont pas être relancées pour le moment".

AIDE FINANCIÈRE

Ouverte en 2005, la procédure d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne demeure un sujet politiquement délicat en France et en Allemagne, parce qu'il s'agit d'un pays majoritairement musulman.

Les tensions entre Ankara et les Européens se sont exacerbées depuis le putsch manqué de l'an dernier, à mesure aussi que se multipliaient les arrestations de ressortissants étrangers soupçonnés de complicité avec les putschistes.

Outre l'aide financière de trois milliards d'euros que l'UE a accordée à la Turquie dans la gestion de la crise des migrants clandestins, Ankara doit recevoir 4,4 milliards d'euros entre 2014 et 2020.

Certains pays d'Europe du Nord, comme les Pays-Bas, estiment que ce soutien doit aider le pays à se réformer politiquement pour répondre aux critères d'adhésion au bloc communautaire. Mais cette aide devient à leurs yeux inutile en raison de la répression qui est menée depuis plus d'un an.

Les Européens rappellent également que le président Erdogan a réussi à élargir ses attributions à la tête de l'exécutif grâce à un référendum organisé en avril dernier, remettant selon eux en cause l'équilibre des pouvoirs.

"Pourquoi financer une réforme politique quand le pays s'éloigne de la démocratie d'une manière aussi spectaculaire ?" s'est interrogé un responsable européen.

La Turquie doit recevoir environ 500 millions d'euros du budget européen l'an prochain et les gouvernements de l'UE discutent de la manière de réduire ce soutien sans pénaliser des projets d'infrastructure ou dans l'agriculture.

De son côté, le jeune chef de file des conservateurs autrichiens, Sebastian Kurz, dont le parti a remporté les élections législatives dimanche dernier, est allé plus loin et a plaidé pour un arrêt des pourparlers sur l'adhésion turque.

"Les négociations d'adhésion avec la Turquie doivent être rompues", a-t-il dit à son arrivée au Conseil européen.

(Pierre Sérisier et Gilles Trequesser pour le service français)