Merkel entame des négociations périlleuses en Allemagne

par Paul Carrel

BERLIN (Reuters) - Angela Merkel a entamé vendredi en Allemagne les premières discussions formelles pour former une coalition tripartite avec les libéraux du FDP et les Verts, alliance que des commentateurs voient comme un pari à quitte ou double pour la chancelière.

Ces entretiens, qualifiés d'"exploratoires", ont débuté en milieu d'après-midi, au retour à Berlin de la dirigeante allemande qui se trouvait à Bruxelles pour le Conseil européen.

"Il y aura de nombreuses divergences mais nous sommes prêts de mon côté à réfléchir à cela de manière créative", a dit la chancelière à son arrivée dans un bâtiment annexe du Bundestag où se déroulent les discussions.

Les négociations visent à la constitution d'une coalition surnommée "Jamaïque", aux couleurs du drapeau jamaïcain: noir pour la CDU-CSU de Merkel, jaune pour le FDP de Christian Lindner, vert pour les Grünen conduits par Cem Ozdemir et Katrin Göring-Eckardt.

Expérimentée dans le Land du Schleswig-Holstein, l'alliance de ces trois partis aux vues divergentes sur un grand nombre de sujets n'a encore jamais été testée au niveau fédéral.

Mais un sondage Dimap pour la chaîne de télévision ARD indique que cette coalition est plébiscitée par 83% des Allemands interrogés.

Angela Merkel est sortie affaiblie des élections législatives du 24 septembre, marquées par le pire score du bloc CDU-CSU depuis 1949 et la percée du parti d'extrême droite AfD (Alternative pour l'Allemagne), entré pour la première fois au Bundestag.

"La chancelière sait qu'elle doit faire réussir cette coalition Jamaïque. Sinon, les forces centrifuges au sein de la CDU vont devenir incontrôlables", souligne le quotidien des affaires Handelsblatt dans un éditorial intitulé: "Jamaïque, dernière chance pour Merkel".

Certains conservateurs commencent déjà à songer à l'ère post-Merkel. Daniel Günther, ministre-président du Land de Schleswig-Holstein, a déclaré au magazine Focus que les Allemands avaient un "grand intérêt" à voir Merkel, 63 ans, diriger leur pays pendant quatre années supplémentaires. "Mais ils veulent aussi voir comment les choses vont avancer ensuite", a-t-il ajouté.

NOUVELLE GÉNÉRATION

La chancelière a dû encaisser deux nouveaux revers politiques depuis les législatives - une défaite de la CDU-CSU contre les sociaux-démocrates dans le Land de Basse-Saxe dimanche dernier, et la démission du ministre-président du Land de Saxe mercredi.

Stanislaw Tillich a déclaré qu'il préférait laisser la place à une nouvelle génération de responsables face à la montée en puissance de l'AfD dans son Land d'Allemagne orientale, où la formation a réalisé son plus gros score le 24 septembre.

Si CDU-CSU, FDP et Grünen parviennent à s'entendre, ce qui prendra des semaines selon tous les observateurs, des conservateurs redoutent que cette alliance alimente un désenchantement de l'opinion et favorise encore l'AfD.

En l'absence de coalition "Jamaïque", Angela Merkel pourrait tenter de former un gouvernement minoritaire ou convoquer de nouvelles élections, du jamais vu en Allemagne.

Elle pourrait encore refaire alliance avec les sociaux-démocrates du SPD, sortis laminés de quatre nouvelles années de partenariat avec les conservateurs au gouvernement, et qui ont décidé de se reconstruire dans l'opposition.

Le SPD exclut donc une nouvelle alliance. Thomas Oppermann, un de ses dirigeants, a déclaré que le parti de centre gauche ne pourrait revoir sa position qu'à une condition: que Merkel démissionne.

(Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Henri-Pierre André)