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Menacée par la CSU, Merkel veut croire à un accord européen sur les migrants

Angela Merkel a accepté lundi un compromis avec ses alliés de l'Union chrétienne-sociale (CSU) bavaroise sur un durcissement de la politique migratoire. /Photo prise le 18 juin 2018/REUTERS/Hannibal Hanschke

par Thomas Escritt et Jörn Poltz

BERLIN/MUNICH (Reuters) - Menacée par la CSU qui exige un durcissement de la politique migratoire allemande, Angela Merkel place ses espoirs dans un accord européen lors du sommet des 28 et 29 juin à Bruxelles pour éviter une crise ouverte avec ses alliés bavarois.

La chancelière, soucieuse d'éviter un éclatement du bloc conservateur, a accepté lundi un compromis qui écarte au moins pour une dizaine de jours une confrontation directe entre son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), et l'Union chrétienne-sociale (CSU) du ministre de l'Intérieur Horst Seehofer.

Ce compromis prévoit que les migrants déjà enregistrés dans un pays de l'UE soient refoulés aux frontières allemandes à compter de juillet si aucun accord n'est conclu d'ici là au niveau européen. Les chrétiens-sociaux ont fait un geste: ils demandaient au départ que cette mesure soit prise sans délai.

Pour ce qui est des migrants dont la demande d'asile a déjà été rejetée une première fois en Allemagne et qui se présenteraient de nouveau à la frontière, ils pourront être immédiatement refoulés, comme l'exigeait la CSU.

La frange la plus droitière du gouvernement de coalition veut durcir la politique migratoire allemande, en vue notamment des élections régionales bavaroises d'octobre où elle craint une percée du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD).

Lors d'une conférence de presse après l'annonce du compromis avec la CSU, Angela Merkel a toutefois mis en garde contre un "effet domino" à travers l'Europe si l'Allemagne refoulait de manière injustifiée des migrants à ses frontières.

Elle a souligné la nécessité pour son parti, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), et pour la CSU d'agir ensemble pour tenter de parvenir à un accord lors du sommet européen de la fin juin.

"Après le Conseil européen, la présidence de la CDU décidera ce qu'il conviendra de faire", a-t-elle dit, ajoutant toutefois: "il n'y a rien d'automatique".

"SIGNAL CLAIR"

Les deux partis du bloc conservateur, a-t-elle souligné, ont le même objectif: mieux organiser l'immigration et réduire de manière significative le nombre de migrants qui entrent en Allemagne.

Lors d'une conférence de presse à Munich, Horst Seehofer a dit espérer que Merkel parviendra à un accord avec ses partenaires lors du sommet européen.

Si ce n'est pas le cas, a-t-il poursuivi, "nous devrons être en mesure de refouler" les migrants aux frontières dès le mois de juillet.

"Nous souhaitons vraiment bonne chance à la chancelière (à Bruxelles)", a ajouté Horst Seehofer. "Il ne s'agit pas de gagner du temps ou quoi que ce soit de ce genre mais s'il n'y a aucun résultat au niveau européen, nous devrons prendre des mesures en juillet."

Le ministre-président CSU de l'Etat libre de Bavière, Markus Söder, avait dans la matinée déclaré que son parti allait envoyer un "signal clair" à Merkel.

Sans l'apport des députés CSU, la CDU et les sociaux-démocrates du SPD, alliés de la chancelière au sein de la "grande coalition", n'ont pas de majorité au Bundestag.

La présidente du SPD, Andrea Nahles, a en outre souligné lundi que le soutien de son parti au compromis sur les migrants conclu par ses partenaires conservateurs n'avait évidemment rien d'"automatique". Elle a ajouté que les trois partis de la coalition gouvernementale devaient discuter du plan de la CSU avant le Conseil européen.

La CSU s'étant opposée en 2015 à la décision de la chancelière de laisser entrer des centaines de milliers de migrants sur le territoire allemand.

Horst Seehofer a estimé mercredi dernier que l'Allemagne devait s'allier avec l'Autriche et l'Italie sur les politiques à mener en matière de migration et de sécurité, des dossiers désormais pilotés à Vienne et à Rome par des partis d'extrême droite.

L'Allemagne a accueilli plus de 1,6 million de migrants depuis 2014.

(Avec Paul Carrel, Tom Koerkemeier, Madeline Chambers, Joseph Nasr et Michelle Martin; Nicolas Delame et Guy Kerivel pour le service français)