Menace sur la démocratie en Pologne selon le Conseil de l’Europe

Selon le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, les réformes menées par le gouvernement polonais de droite eurosceptique Droit et Justice (PiS) constituent une menace pour les droits de l’homme et l’Etat de droit. /Photo prise le 15 juin 2016/REUTERS/Kacper Pempel

STRASBOURG (Reuters) - Les réformes menées par le gouvernement polonais de droite eurosceptique Droit et Justice (PiS) constituent une menace pour les droits de l’homme et l’Etat de droit, a estimé mercredi le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Présentant à Varsovie un rapport sur la situation du pays, Nils Muiznieks s’est dit préoccupé par la paralysie du Tribunal constitutionnel, les pouvoirs de surveillance accrus accordés à la police sans contrepartie judiciaire et le contrôle exercé par le pouvoir sur l’audiovisuel public. Ces inquiétudes rejoignent celles exprimées par la Commission européenne qui menace de sanctions le gouvernement issu des élections parlementaires d’octobre 2015 s’il ne revient pas sur certaines des réformes engagées. "Les changements importants apportés récemment au cadre juridique et institutionnel de la Pologne menacent les droits de l'homme et fragilisent l’Etat de droit, dont la protection des droits de l'homme dépend en définitive", a dit Nils Muiznieks lors d’une conférence de presse qui a fait l’objet d’un communiqué publié à Strasbourg. Dans son rapport, il appelle le gouvernement polonais "à trouver d’urgence une issue à l’impasse" qui bloque l’activité du Tribunal constitutionnel depuis une réforme lui imposant de statuer à la majorité des deux tiers. DROITS DES FEMMES Il voit des risques pour la démocratie dans le pouvoir donné au ministre du Trésor de nommer les directeurs des radios et télévisions publiques comme dans la fusion entre les fonctions de ministre de la Justice et de procureur général du pays. "Le fait d’attribuer des pouvoirs aussi étendus à une personnalité nommée en fonction de considérations politiques sans établir les garanties nécessaires pour éviter les abus de pouvoir représente une menace considérable pour les droits de l'homme", affirme Nils Muiznieks. Quant aux pouvoirs de surveillance des données personnelles, notamment téléphoniques et sur internet, dont bénéficie la police, ils doivent être précisés quant à leurs limites et soumis au contrôle d’une autorité indépendante, dit-il. L’ancien ministre letton à l’Intégration et aux droits des minorités s’attarde également sur les droits des femmes, concernant notamment la législation sur l’avortement, l’une des plus restrictives en Europe. Bien que l’interruption de grossesse ne soit autorisée qu’en cas de viol, de risque pour la santé de la mère ou de malformation du fœtus, le droit d’objection des médecins rend la demande des femmes très aléatoire. Nils Muiznieks invite les autorités "à supprimer tous les obstacles qui continuent d’empêcher des femmes de bénéficier de méthodes d’avortement légales et sûres, prévues par la législation polonaise" et à envisager une "dépénalisation". Dans une longue réponse, les autorités polonaises n’apparaissent pas plus sensibles aux critiques du Conseil de l’Europe qu’à celles de l’Union européenne. "Il est difficile de percevoir l’attitude du commissaire comme impartiale et apolitique", estime le gouvernement. (Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)