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Menacés par la guerre en Ukraine, des chefs-d’œuvre modernistes trouvent refuge à Madrid

L'exposition "Dans l'œil du cyclone. Avant-garde en Ukraine, 1900-1930" rassemble des œuvres qui ont été sorties in extremis de Kiev, bombardée par l'armée russe.

Quelque 70 œuvres d'art ont été sorties d'Ukraine pour être exposées au musée Thyssen-Bornemisza à Madrid, en Espagne, où elles sont à l'abri d'une guerre destructrice pour le patrimoine culturel ukrainien.

Ces tableaux, dont la plupart n'avaient jamais quitté le pays, montrent la scène artistique ukrainienne de 1900 à 1930. Une période charnière pour l'Ukraine, pendant laquelle se développe son identité culturelle, aussitôt menacée par les répressions staliniennes.

Selon Francesca Thyssen-Bornesmisza, mécène du musée, cette époque fait écho à ce que vit l'Ukraine actuellement: "Poutine veut non seulement prendre le territoire ukrainien, mais aussi son histoire nationale. La culture et l'art ont un rôle très important dans ce domaine."

Les visiteurs pourront ainsi voir des tableaux comme Composition (1919-1920), une œuvre d'inspiration cubiste de Vadim Meller, Les Invalides (1924), une peinture néo-byzantine aux couleurs ocres d'Anatol Petrytsky, ou encore le Portrait réaliste d'un soldat à la fin des années 1920 de Kostiantyn Yeleva.

L'exposition est organisée chronologiquement des années 1910, quand l'Ukraine faisait partie de l'empire russe, aux années 1920, quand le pays a intégré l'Union Soviétique, jusqu'aux années 1930 au cours desquelles plusieurs artistes ont été victimes des purges staliniennes et que le réalisme soviétique est devenu le seul style autorisé.

"Poutine veut non seulement prendre le territoire ukrainien, mais aussi son histoire nationale. La culture et l'art ont un rôle très important dans ce domaine."

Une exfiltration délicate

Ces tableaux − qui vont de l'art figuratif au réalisme socialiste en passant par le cubisme et le constructivisme et ont été peints par des artistes comme Oleksandr Bohomazov, Vasyl Yermolov ou Anatol Petrytsky − ont été évacués de Kiev le 15 novembre, une opération délicate préparée durant des semaines.

Marta Ruiz del Árbol, conservatrice du musée Thyssen-Bornesmisza y voit un parallèle avec les évacuations qu'a connu l'Espagne lors de la Guerre Civile: _"on peut établir un parallèle entre ce qui s'est passé au Prado dans les années 1930, et ce que nous avons fait avec l'aide de ces musées ukrainiens, qui ont décidé que la meilleure option pour leurs œuvres d'art était de les faire sortir du pays."
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Le convoi a soigneusement évité de passer à proximité des infrastructures susceptibles d'être attaquées tout le long de son chemin vers la frontière avec la Pologne.

Tout pour préserver l'art ukrainien

Dans ce moment de grande tension, où l'origine de ce missile était inconnue, Francesca Thyssen-Bornemisza a alors fait appel à l'ambassadeur d'Ukraine à Madrid qui a joint "tous les hommes politiques qu'il connaissait en Pologne et en Ukraine" pour tenter de faire passer le convoi.

"Douze heures après, (les camions) passaient la frontière" et pouvaient poursuivre leur voyage vers l'Espagne, a expliqué la collectionneuse, qui est à l'origine de l'initiative "Museums for Ukraine" rassemblant des musées et des fondations voulant mettre en avant l'art ukrainien en pleine invasion russe.

Au-delà de la mise à l'abri des œuvres, l'exposition cherche "à montrer la diversité culturelle et artistique de l'Ukraine (...) pour laquelle les Ukrainiens luttent si courageusement en ce moment", a souligné Katia Denysova, l'une des commissaires de l'exposition, devant la presse le 28 novembre.