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Mein Kampf : un historien répond à Mélenchon

Jean-Luc Mélenchon à Villejuif, le 5 juillet 2015.

Après le courrier de Jean-Luc Mélenchon demandant aux éditions Fayard de ne pas republier l'ouvrage d'Adolf Hitler, Libération publie la réponse de Christian Ingrao, historien du nazisme et chercheur au CNRS.

Monsieur,

Je viens de prendre connaissance de votre courrier à l’éditrice de la maison Fayard, Sophie Hogg, lui demandant de renoncer à l’édition de Mein Kampf et en tant qu’historien du nazisme, je voudrais vous apporter quelques éléments de réflexion.

Votre description du livre d’Adolf Hitler m’a tout d’abord paru pour le moins problématique : «une condamnation de six millions de personnes à mort», vraiment ? Les cinquante dernières années de labeur acharné des historiens, illustrée par l’avènement de l’école fonctionnaliste opposée à cette école intentionnaliste que vous représentez ici involontairement, a montré que le Troisième Reich ne fut pas la réalisation d’un programme écrit dans l’ennuyeux livre du futur dictateur, mais bien que le génocide constitua l’aboutissement de politiques incohérentes, obsessionnelles, portées à l’incandescence homicide par un mélange de considérations idéologiques, logistiques, économiques et guerrières. Ni les usines de mort ni les groupes mobiles de tuerie ne sont annoncés dans Mein Kampf et il est tout simplement faux de penser accéder à la réalité du nazisme et du Génocide par la seule lecture du piètre pamphlet du prisonnier autrichien.

Vous me direz : «Raison de plus pour ne pas le publier !», et je n’en aurais pas disconvenu avant de vous lire. Mais votre argumentation m’a au fond convaincu du contraire. Il est nécessaire de re-publier ce livre harnaché de ce discours historien dont vous faites peu de cas pour pallier la pathologisation du dictateur et la surestimation de sa lourde prose. Il faut montrer en pleine lumière qu’Hitler fut le révélateur d’une immense crise politique non seulement allemande mais européenne. Ni psychopathe halluciné, ni magicien manipulant les foules, Hitler dicta un essai besogneux (...)

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