McKinsey : liens avec Emmanuel Macron, clients sulfureux... 6 choses à savoir sur le cabinet de conseil au coeur du prochain Cash Investigation

Le magazine Cash Investigation, diffusé sur France 2, est consacré au cabinet de conseil McKinsey et à ses liens étroits avec l'accession au pouvoir d'Emmanuel Macron.

Le cabinet de conseil McKinsey au coeur du prochain numéro de Cash Investigation (Photo by Thomas COEX / AFP)
Le cabinet de conseil McKinsey au coeur du prochain numéro de Cash Investigation (Photo by Thomas COEX / AFP)

Réforme des retraites, gestion de la campagne de vaccination contre le Covid-19, campagnes électorales... McKinsey est le fil rouge de la politique menée par Emmanuel Macron depuis son arrivée à l'Élysée, que traduit par le titre de l'enquête diffusée par France 2 dans le cadre de son magazine Cash Investigation, "McKinsey, une firme au cœur du pouvoir".

Sur le premier mandat d'Emmanuel Macron, Le Monde a dénombré près de 1 600 missions réalisées par des cabinets de conseil privés pour le compte des ministères et de leurs agences, dont une bonne partie par le cabinet Mc Kinsey.

  • Des liens étroits avec Emmanuel Macron

La première rencontre entre Emmanuel Macron et McKinsey a lieu 10 ans avant son entrée à l'Élysée en 2007, alors que le futur président est inspecteur des finances et rapporteur général adjoint de la commission Attali. Il rencontre notamment Karim Tadjeddine, alors chef des consultants de McKinsey. Trois ans plus tard, en 2010, les deux hommes intègrent le conseil d'administration du think tank "En temps réel", et y font la connaissance de Thierry Cazenave.

En 2014, Emmanuel Macron fait appel à Karim Tadjeddine comme consultant de McKinsey pour l’aider à définir les contours d’un projet de loi qu’il a baptisé NOÉ, pour "Nouvelles Opportunités économiques", qui ne verra jamais le jour.

Une fois à l'Élysée, Emmanuel Macron crée la direction interministérielle à la transformation publique (DITP) et nomme à sa direction Thierry Cazenave, qui supervise toutes les missions commandées aux cabinets de conseil privés, dont fait partie McKinsey. Karim Tadjeddine, lui, est justement chargé de ces missions pour l'Etat au sein du cabinet américain. Une proximité qui intrigue.

D'autant qu'une dizaine de consultants de McKinsey a participé à la campagne d’Emmanuel Macron de 2017 de manière "active" voire "intrusive" et surtout de manière bénévole, révèlent les "MacronLeaks", une fuite de données avant la présidentielle de 2017. En février 2021, Le Monde révèle que cette aide de McKinsey à la campagne du candidat Macron n'a laissé aucune trace de facture du cabinet dans les comptes de campagne du parti.

  • Des informations judiciaires ouvertes contre McKinsey

Des prestations qui poussent le Parquet national financier à ouvrir une information judiciaire en 2022 pour "tenue non-conforme de comptes de campagne" et "minoration d’éléments comptables". Objectif, établir si McKinsey n’a pas fourni au candidat d’En Marche des prestations qui auraient dû être comptabilisées dans les comptes de campagne.

Mais surtout, une autre information judiciaire a été ouverte pour "favoritisme" et "recel de favoritisme" pour déterminer si McKinsey n’a pas obtenu, en échange de ces prestations, des contrats publics une fois Emmanuel Macron au pouvoir.

Au coeur de cette deuxième information judiciaire, le rapport du Sénat qui qualifie de "phénomène tentaculaire" le recours aux cabinets de conseil par l'État depuis l'entrée en fonction d'Emmanuel Macron.

Dans l'enquête qu'il signe pour Cash Investigation, le journaliste Donatien Lemaitre a recensé les contrats obtenus par McKinsey durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, auprès de trois organismes d’Etat : 39 millions d'euros pour la DITP dirigée de 2017 à 2019 par Thomas Cazenave, qui a côtoyé Emmanuel Macron et Karim Tadjeddine au sein du think tank "En temps réel".

32,5 millions pour l’Union des Groupements d’Achats publics (Ugap), la plus grosse centrale d’achats de l’Etat et 1,3 million pour les marchés de la Direction des Achats de l’Etat (DAE). Soit 72,8 millions d'euros de commandes. Sur la période 2018-2021, un calcul du Monde évaluait à une quarantaine de missions pour le gouvernement ou diverses agences de l'Etat pour un total compris entre 28 millions et 50 millions.

La justice veut éclaircir si ces contrats sont la contrepartie du travail fournit par les équipes du cabinet de conseils pendant la campagne. Elle cherche désormais à établir si ces contrats sont légaux et ont fait l'objet d'une mise en concurrence, comme le prévoit la loi lors de marchés publics.

  • L'opération secrète de Mc Kinsey pour faire élire Macron

Chicxulub. C'est, selon Le Nouvel Obs, le nom de code de l'opération lancée en septembre 2015 par Karim Tadjeddine pour faire gagner la présidentielle 2017 à Emmanuel Macron. Un nom qui ne doit rien au hasard : c'est celui de l’astéroïde qui s’est écrasé sur la péninsule du Yucatán au Mexique il y a 66 millions d’années, provoquant l’extinction des dinosaures, métaphore pour illustrer la fin du "vieux monde politique" avec l'élection d'Emmanuel Macron.

Pour arriver à cet objectif, plusieurs réunions se succèdent de septembre 2015 à février 2016, qui se déroulent parfois à Bercy parfois dans les locaux de McKinsey, avec à la manoeuvre Karim Tadjeddine , poursuit le magazine. En tout 25 réunions se tiennent dans le but d’élaborer un site internet pour lancer la candidature Macron.

  • Au coeur d'un scandale fiscal ?

McKinsey connaît un succès grandissant en France. Mais pourtant, entre 2011 et 2020, malgré un chiffre d'affaires de plusieurs centaines de millions d'euros, l'entreprise ne paie aucun impôt sur les sociétés, révèle la commission d’enquête sénatoriale sur les cabinets de conseil.

Face aux accusations, McKinsey affirme ne pas avoir généré de rentabilité en France, une première sur cette période pour un cabinet de conseil, puis explique avoir payé "422 millions d’euros d’impôts et de charges sociales", sans distinguer impôt sur les sociétés et les cotisations sociales versées sur les rémunérations de ses salariés. McKinsey explique également qu’une de ses filiales avait effectivement payé pendant six ans l’impôt sur les sociétés, sans davantage de précisions sur les montants

Selon les sénateurs, McKinsey a déduit de ses bénéfices imposables en France de nombreux frais facturés à d’autres entités du groupe situées à l’étranger, comme s’il s’agissait de prestataires. Un mécanisme baptisé "prix de transfert", qui est légal dans la mesure où le groupe n’en abuse pas.

Des soupçons qui ont entrainé l'ouverture d'une enquête par le Parquet national financier pour blanchiment aggravé de fraude fiscale.

  • APL, réforme des retraites... les contrats de McKinsey avec l'État

Depuis l'élection d'Emmanuel Macron, McKinsey est donc au coeur des décisions prises à la tête de l'État. Dans une liste non exhaustive établie par Le Monde, et basée sur les données publiques, on y découvre les contrats qui ont été confiés à la société de conseils.

Plusieurs missions durant la crise du Covid leur ont ainsi été demandées pour un montant supérieur à 12 millions d'euros : accélération de la stratégie vaccinale contre le Covid-19 pour 2,9 millions, accompagnement sur la vaccination contre le Covid pour 2,6 millions, mais aussi la logistique de la vaccination pour 1,2 millions.

D'autres missions concernent la réforme des retraites et ses Implications sur la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), ou encore l'évolution du métier d'enseignant, une mission donc le contenu a été rendu public qui a couté près de 500 000 euros, soit 3 312 euros par jour de consultant mobilisé, et dont le recours à "McKinsey ne présentait pas d'intérêt démontré", critique le Sénat dans un rapport.

  • Des clients parfois sulfureux

Avec un chiffre d'affaires de plusieurs milliards d'euros, McKinsey multiplie les contrats à travers le monde, au point de voir sa réputation entachée de plusieurs polémiques. La firme est même l'objet d'un livre de deux journalistes du New York Times, "McKinsey, pour le meilleur et pour le pire". Elle "travaille de plus en plus pour des gouvernements autoritaires partout dans le monde ou pour des entreprises publiques qui contribuent à consolider le pouvoir de ces derniers", écrivent les auteurs du live, rapporte Le Monde.

Aux États-Unis, au début du siècle, McKinsey conseille l'entreprise Enron, dont le PDG a passé plus de 20 ans chez McKinsey. Sauf que l'entreprise gonflait artificiellement ses profits et masquait ses pertes en utilisant des sociétés écrans pour gonfler sa valeur en bourse. Le stratagème est dévoilé, l'entreprise s'effondre. La responsabilité de McKinsey est soulignée par la presse financière.

Le rôle de la société de conseil dans le scandale des opioïdes aux Etats-Unis est aussi pointé du doigt. Selon des documents fourni par les plaignants, le cabinet de conseil a recommandé aux groupes pharmaceutiques de concentrer leurs produits avec des dosages les plus addictifs car ils sont plus lucratifs. Entre 1999 et 2018, 500 000 Américains sont morts des suites d'un usage abusif des opioïdes. En février 2021, McKinsey accepte de verser 573 millions de dollars pour clore les poursuites judiciaires engagées par 49 États américains.

En 2023, une enquête de l'AFP révèle comment le cabinet de conseil McKinsey a influencé les organisateurs du sommet de la COP28 pour une poursuite des énergies fossiles, pétrole et gaz en tête, des préconisations contraire à celles de l’Agence internationale de l’énergie

En Afrique du Sud, McKinsey a été impliqué en 2018 dans un scandale de corruption et de blanchiment d'argent, et a accepté deux ans plus tard de rembourser des sommes perçues via les contrats liés à la corruption.

Une telle multiplicité de clients qui parfois amène à des conflits d’intérêts. McKinsey a pu avoir simultanément comme clientes des entreprises pharmaceutiques américaines et l’agence fédérale qui veille à l’innocuité des médicaments autorisés à la vente dans le pays, illustrent les journalistes auteurs de l'enquête sur McKinsey.