L'UE ouvre la deuxième phase de négociations sur le Brexit

par Philip Blenkinsop et Robin Emmott

BRUXELLES (Reuters) - L'Union européenne a accepté vendredi d'ouvrir la deuxième phase des négociations sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE tout en mettant en garde contre la difficulté des discussions à venir.

Au deuxième jour du Conseil européen de Bruxelles, les vingt-sept chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, hors Royaume-Uni, ont confirmé que des progrès suffisants avaient été accomplis sur les modalités du divorce (frontière irlando-britannique, facture du Brexit, droits des expatriés) pour lancer cette nouvelle étape des discussions.

"Les dirigeants de l'UE acceptent de passer à la seconde phase des discussions sur le Brexit. Félicitations PM Theresa May", a tweeté le président du Conseil européen Donald Tusk.

Cette seconde phase, consacrée aux relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni après son départ le 29 mars 2019, ne s'ouvrira réellement qu'une fois des précisions apportées par les Britanniques sur leurs intentions.

Les discussions sur une période de transition post-Brexit, destinée à réduire l'incertitude et à calmer notamment les milieux économiques, devraient démarrer dès janvier mais les négociations sur un futur traité commercial entre l'UE et le Royaume-Uni ne commenceront pas avant mars, montre un projet de directives de négociations.

Theresa May, rentrée jeudi soir à Londres après avoir été brièvement applaudie par ses pairs pour les progrès réalisés jusqu'ici, s'est félicitée sur Twitter d'une "étape importante pour réussir un Brexit en douceur et ordonné et bâtir notre futur partenariat spécial et approfondi".

"Nous respecterons la volonté du peuple britannique et parviendrons au meilleur accord de Brexit pour notre pays, en garantissant le plus large accès possible aux marchés européens, en renforçant le libre échange avec tous les pays du monde et en assurant le contrôle de nos frontières, de nos lois et de notre monnaie", a-t-elle ajouté.

La sortie du Royaume-Uni de l'UE a été approuvée par 52% des Britanniques lors d'un référendum en juin 2016.

UN PROBLÈME D'ÉCOLE PRIMAIRE

Les négociations sur l'avenir des relations entre Londres et l'UE s'annoncent difficiles, ont prévenu de nombreux responsables européens, dont le président de la Commission Jean-Claude Juncker.

Le chancelier autrichien Christian Kern est même allé plus loin en prédisant que l'arrangement conclu sur la frontière irlando-britannique dans le cadre de l'accord sur la première phase des pourparlers reviendra hanter les discussions.

Il sera en effet impossible pour la Grande-Bretagne de quitter le marché unique communautaire sans dresser de frontière physique sur l'île d'Irlande, a estimé le chef du gouvernement autrichien.

"Il ne peut pas y avoir de contrôles frontaliers entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord, il ne peut pas y avoir de contrôles frontaliers entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni, mais il peut y en avoir entre le Royaume-Uni et l'UE", a souligné Christian Kern. "Donc nos élèves d'école primaire peuvent voir qu'il y a un problème à résoudre."

Le projet de directives sur les négociations à venir, qui comprend neuf points, reprend l'idée d'une période de transition de deux ans, à laquelle Theresa May s'est ralliée lors de son discours de Florence en septembre dernier.

Les Vingt-Sept réaffirment également que la Grande-Bretagne ne pourra pas conclure d'accord de libre-échange avec l'UE tant qu'elle n'aura pas quitté le bloc et ne sera pas devenue un "pays tiers".

"AMBITION ET CRÉATIVITÉ"

Les dirigeants européens conviennent en outre d'assurer un "équilibre entre droits et obligations" durant la période de transition post-Brexit, ce qui en langage codé vise à garantir l'unité du bloc en évitant que le départ des Britanniques ne donne des idées à d'autres pays membres.

Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a toutefois relevé qu'il existait des "opinions plutôt divergentes" sur les modalités de la transition et de la relation future entre les deux parties.

Les responsables européens ne sont pas encore en mesure de dire si les Britanniques continueront de profiter pleinement des avantages économiques de l'UE pendant la transition, même s'ils perdent toute représentation politique à Bruxelles.

Un responsable gouvernemental britannique a dit jeudi soir que Theresa May abordait la prochaine phase des discussions "avec ambition et créativité".

Angela Merkel a salué les progrès accomplis tout en soulignant que le temps était compté. "Il y a encore beaucoup de problèmes à résoudre. Et le temps compte", a dit la chancelière allemande.

Theresa May est parvenue jusqu'à présent à maintenir une cohésion au moins de façade au sein de son gouvernement et de son Parti conservateur pour faire aboutir la première phase des négociations.

Mais son autorité risque d'être mise à l'épreuve au cours de la prochaine phase, qui devrait exposer les profondes divisions au sein de son équipe sur ce que doit devenir la Grande-Bretagne après le Brexit.

(Avec William James à Londres et Jean-Baptiste Vey, Luke Baker, Alastair Macdonald et Liz Piper à Bruxelles; Bertrand Boucey et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Tangi Salaün)