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Maximalistes, minimalistes et "raisonnables" à la COP21

Les discours d'encouragement des chefs d'Etat et de gouvernement à la conférence sur le climat ont cédé la place mardi au travail de fourmi des négociateurs, avec pour mission de réconcilier maximalistes, minimalistes et tenants d'une ligne "raisonnable". /Photo prise le 1er décembre 2015/REUTERS/Stéphane Mahé

par Emmanuel Jarry LE BOURGET, Seine-Saint-Denis (Reuters) - Les discours d'encouragement des chefs d'Etat et de gouvernement à la conférence sur le climat ont cédé la place mardi au travail de fourmi des négociateurs, avec pour mission de réconcilier maximalistes, minimalistes et tenants d'une ligne "raisonnable". Ils doivent rendre samedi au plus tard un projet d'accord le plus abouti possible, avant les derniers arbitrages politiques. Il y a deux écueils à éviter, a confié à la presse François Hollande au Bourget, près de Paris, où les délégations de 195 pays sont réunis depuis dimanche : "Soit on charge la barque et elle coule, soit on l'allège et elle ne va nulle part." Les pays les plus exposés aux conséquences du réchauffement climatique, surtout les côtiers, sont les plus exigeants. Une coalition de pays en développement dénommée les "20 vulnérables" (V20) a demandé lundi à la COP21 d'adopter des objectifs plus ambitieux : ils estiment que la limite à ne pas dépasser pour le réchauffement de la planète est de 1,5° en 2100 et non 2°, sans quoi leur existence sera en péril. Ils souhaitent également que soit acté l'objectif d'une économie mondiale totalement "décarbonée" à l'horizon 2050. Ces objectifs paraissent aujourd'hui hors d'atteinte. La somme des engagements nationaux déposés par 184 pays avant la COP21 peuvent au mieux placer la planète sur la trajectoire d'un réchauffement de 2,7° à 3°C. "Le chiffre de 2°C est apparu comme un objectif politique raisonnable" sur lequel un accord international est possible, souligne le climatologue Serge Planton, qui dirige la recherche sur le climat à Météo France. Un représentant de l'Angola est néanmoins revenu à la charge mardi en session plénière : "Nous voulons rappeler à toutes les parties que plus de 100 d'entre nous pensent que l'objectif de 2° est inadéquat et qu'il devrait être porté à 1,5°C." CONTRAIGNANT OU PAS ? Pour bien faire, estime l'écologiste Matthieu Orphelin, porte-parole de la fondation de Nicolas Hulot, l'envoyé spécial de François Hollande pour les questions climatiques, il faudrait que les deux chiffres soient conservés dans l'accord final. De quoi faire tiquer les "minimalistes", pays pétroliers en tête, dont les plans de réduction des gaz à effet de serre (GES) affichent des ambitions elles aussi minimales. Pour Pierre Radanne, spécialiste de ces questions et conseiller officieux de l'exécutif français, la Russie et à certains égards des pays comme les Etats-Unis et la Nouvelle-Zélande peuvent aussi être rangés dans cette catégorie, même s'ils affichent leur soutien à un succès de la COP. Ce groupe est cependant très divisé et ses intérêts sont souvent contradictoires. C'est surtout l'impossibilité pour Barack Obama de faire adopter un traité juridiquement contraignant par le Congrès américain qui risque en l'occurrence de peser. Selon de hauts responsables politiques et de l'Onu, la solution est à rechercher dans un traitement différencié des différents volets du futur accord. Une piste confirmée à la veille de la COP21 par la secrétaire exécutive de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCUNCC), Christiana Figueres. "L'accord de Paris contiendra un certain nombre d'éléments contraignants de manière différente et avec des intensités différentes", a-t-elle déclaré. LE CAS DE L'INDE Selon Matthieu Orphelin, pourraient être contraignantes la révision périodique et à la hausse des programmes de réduction des émissions de GES ou l'obligation de transparence. "On sait a contrario qu'il n'y aura pas de sanction si un pays n'arrive pas à atteindre ses objectifs" et ceux-ci seront laissés à la discrétion des pays, ajoute-t-il. La date du déclenchement de la révision est un autre point en discussion. Paris pousse avec d'autres pour 2017-2018, L'Inde s'en tient à 2020, entrée en vigueur du futur accord. La position de l'Inde est à bien des égards originale et pèsera lourd dans les négociations. Elle affiche certes des projets ambitieux en matière d'énergie renouvelable et s'est ralliée à l'objectif de 2°C. Mais "la justice veut que, avec le peu de carbone que nous pouvons encore brûler, les pays en développement aient le droit de croître", dit son Premier ministre, Narendra Modi, dans une tribune publiée dimanche par le Financial Times. Une position susceptible de séduire des pays émergents ou en développement et réitérée lundi à la tribune de la COP21, où il a fait valoir que sur 1,25 milliard d'Indiens, 300 millions n'avaient pas accès à des sources modernes d'énergie. "Ça va être difficile. Il va falloir faire preuve d'esprit de compromis", confiait mardi à Reuters un négociateur fidjien. "On ne peut pas se permettre que l'Inde ne signe pas", renchérit Matthieu Orphelin. "Tout l'enjeu de la COP21 est de garder tout le monde sans trop en rabattre sur les ambitions." Une des clés sera le financement et les transferts de technologies octroyés aux pays en développement pour les aider à accélérer leur transition énergétique. (Avec Barbara Lewis et Alister Doyle, édité par Yves Clarisse)