"Mauvaise passe" pour l'ONU à la peine pour faire taire les armes

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors du "Sommet du futur" en marge de l'Assemblée générale de l'ONU au siège de l'organisation à New York, aux Etats-Unis, le 22 septembre 2024 (ANGELA WEISS)
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres lors du "Sommet du futur" en marge de l'Assemblée générale de l'ONU au siège de l'organisation à New York, aux Etats-Unis, le 22 septembre 2024 (ANGELA WEISS)

Dans un monde ravagé par les conflits et les divisions, l'ONU est bien en peine de taper du poing sur la table pour faire taire les armes, mais cet échec n'est pas seulement le sien, estiment des experts, qui évoquent un bouc émissaire irremplaçable.

Selon la Charte des Nations unies, l'un des trois "buts" de l'organisation créée sur les décombres de la Seconde guerre mondiale est de "maintenir la paix et la sécurité internationale", en prenant des mesures "efficaces" pour la paix et "réprimer tout acte d'agression".

Mais à l'aune des guerres en Ukraine, à Gaza ou au Soudan, les critiques pleuvent sur son inefficacité.

"Il est évident que nous n'avons pas la paix et la sécurité dans le monde", admet auprès de l'AFP le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. Mais "il est évident aussi que ce n'est pas à cause de l'ONU en tant qu'institution. C'est à cause des Etats membres", se défend-il.

Et en premier lieu des membres permanents d'un Conseil de sécurité largement paralysé sur l'Ukraine et Gaza en raison du veto russe et américain.

En raison des divisions entre les membres permanents (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Chine, Russie), le Conseil subit une "érosion" de sa "légitimité" et de sa "pertinence", déplore l'ambassadeur slovène Samuel Zbogar, dont le pays est membre élu de cet organe clé depuis janvier.

Il va même jusqu'à dénoncer une "atmosphère empoisonnée", pointant du doigt les invectives entre Russes et Américains.

Mais cette situation n'est pas nouvelle. "L'ONU n'a jamais été capable d'arrêter les conflits impliquant les grandes puissances", comme l'invasion américaine de l'Irak ou la guerre du Vietnam, souligne Richard Gowan, de l'International Crisis Group, accusant ces pays de "se cacher derrière l'ONU", "bouc émissaire très facile".

- "Conflits évités" -

Malgré tout, "c'est toujours mieux de voir les Etats-Unis et la Russie se battre au Conseil de sécurité sur la Syrie que de se faire la guerre sur le terrain en Syrie", fait-il remarquer.

"Ce que l'on ne voit pas ce sont les conflits évités, les guerres qui ne se produisent pas", commente de son côté Oona Hathaway, professeure de droit international à l'université de Yale, appelant aussi le reste des 193 membres à prendre leurs responsabilités au sein de l'Assemblée générale.

Même si ses résolutions sont non contraignantes, "dire ce qui est bien ou mal fait une grande différence", estime-t-elle, jugeant que l'Assemblée a plus de pouvoir qu'elle ne le croit et pourrait par exemple créer un "tribunal pour juger le crime d'agression de la Russie contre l'Ukraine".

Des études montrent également l'importance des Casques bleus -- dont plus de 70.000 sont actuellement déployés à travers le monde-- en particulier pour la protection des civils.

Ce qui n'empêche pas les campagnes de dénigrement contre ces missions de maintien de la paix parfois forcées de plier bagage, comme le départ précipité du Mali en 2023 à la demande de la junte.

- "Ni pouvoir ni argent" -

"Il y a beaucoup de haine contre l'ONU, mais c'est en fait le meilleur système multilatéral dont nous disposons", juge Gissou Nia, du centre de réflexion Atlantic Council, qui ne croit pas une seconde qu'une telle organisation aurait pu être établie dans le contexte géopolitique actuel.

"Les Nations unies sont dans une très mauvaise passe, mais on n'a pas intérêt à mettre la clé sous la porte", estime lui aussi Jean-Marie Guéhenno, ancien chef des opérations de maintien de la paix, assurant que les Etats savent bien que l'organisation n'est "pas remplaçable".

"Donc ils geignent, ils disent que l'ONU ne sert plus à rien, mais en même temps ils se disent que ça reste un forum, et une référence. Une référence violée, insultée, en crise sérieuse, mais avec l'espoir qu’il y aura des temps meilleurs", dit-il.

Quant à Antonio Guterres, il met en avant le rôle humanitaire "plus important que jamais" des agences de l'ONU qui "sauvent des gens dans des conditions dramatiques".

Selon lui, "le secrétaire général des Nations unies a un pouvoir très limité". "Pas de pouvoir et pas d'argent". Mais une "voix que personne ne fera taire".

abd/nr/aem