Pour Matignon, LFI s’accroche à Jean-Luc Mélenchon, coup de bluff ou projet de long terme ?
L’état-major de La France Insoumise persiste à conserver le fondateur de LFI dans l’équation, alors que les autres partis du NFP n’en veulent pas.
POLITIQUE - Les jours passent. Les négociations s’éternisent. Et le Nouveau Front populaire n’arrive toujours pas à s’entendre sur celui ou celle qui incarnera la coalition de gauche à Matignon. Malgré les impatiences formulées en interne, Manuel Bompard, Olivier Faure, Marine Tondelier et Fabien Roussel butent inlassablement sur la même question du « qui ».
En cause, une lutte de leadership entre la France insoumise et le Parti socialiste au sein du NFP, dans un contexte où la majorité (très) relative oblige la gauche à s’entendre sur un profil consensuel qui pourrait échapper à une motion de censure.
Ce qui — en dehors du monde dans lequel vit LFI- exclut de fait une personne issue de ses rangs. Or, non seulement la France insoumise continue de pousser pour que l’un de siens soit désigné, mais la formation de gauche radicale n’écarte pas (du tout) Jean-Luc Mélenchon de l’équation. Selon Le Monde, LFI a proposé quatre noms : celui de son fondateur, et trois de ses très ultra-proches, Manuel Bompard, Clémence Guetté et Mathilde Panot.
L’option Mélenchon rejetée au sein du NFP
La question du maintien du triple candidat à la présidentielle dans cette liste interroge, tant l’option Mélenchon a été rejetée publiquement par toutes les autres formations du NFP, du PS au PCF en passant par Les Écologistes. Sans parler de Raphaël Glucksmann qui multiplie les déclarations hostiles à l’encontre de l’intéressé.
L’hypothèse est d’autant plus surprenante qu’il semble acquis, au regard de ce que disent Renaissance, LR et le RN, que Jean-Luc Mélenchon n’échapperait pas à un vote de défiance après son discours de politique générale ou que son gouvernement sauterait à la première motion de censure déposée. Alors, pourquoi rester sur cette position raide, au risque de faire traîner les discussions et d’offrir à Emmanuel Macron la démonstration que la gauche n’est pas prête à gouverner ?
La réponse est peut-être à aller chercher du côté du nom mis en avant par le Parti socialiste : Olivier Faure. « Le seul qui peut apaiser », loue auprès de l’AFP Pierre Jouvet, numéro 2 du PS. Peut-être, mais surtout une solution irritante pour les insoumis, friands des hashtags #PlusJamaisPS sur les réseaux sociaux. Ce faisant, maintenir Jean-Luc Mélenchon dans l’équation pourrait agir comme un chiffon rouge afin de faire reculer les socialistes.
Car il en va de l’avenir de la gauche. On peut aisément comprendre que les huiles insoumises, qui ont vu leur ligne radicale s’imposer en 2022 en éparpillant les écolos et le PS façon puzzle, craignent de voir le retour de la social-démocratie au moment où les planètes s’alignent. Raison pour laquelle l’état-major insoumis répète qu’il restera inflexible sur le programme, là où d’autres, comme Marine Tondelier et Olivier Faure, conscients que peu de choses pourraient passer en l’état des forces à l’Assemblée, estiment que le projet du NFP est davantage une « base » qu’une fin en soi.
Alors, comme à chaque fois en pareille situation, les insoumis forcent pour tenir le front. À l’image de ces tweets aux airs d’offensive coordonnée publiés par les lieutenants de l’insoumis en chef, Antoine Léaument et Adrien Quatennens.
Dans la gauche du monde entier, la victoire du NFP suscite l'espoir de voir @JLMelenchon devenir Premier ministre et gouverner le pays.
Ici, par exemple, c'est le président de la Colombie @petrogustavo qui le fait.
🇨🇴🤝🇫🇷 https://t.co/1hru8aQ3jk— Antoine Léaument 🇫🇷 (@ALeaument) July 12, 2024
Elles étaient belles ces affiches tout de même ! 🤓 pic.twitter.com/7G8HuP220k
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) July 12, 2024
L’hypothèse d’un retour aux urnes
À moins que l’intérêt soit ailleurs. Retour au soir du 7 juillet. Après une première prise de parole juste après la proclamation des résultats, Jean-Luc Mélenchon a dit deux choses. La première : que le chef de l’État était obligé de nommer un Premier ministre du NFP. La deuxième : qu’il devrait « s’en aller » s’il refusait de le faire. Or, dans une situation où Emmanuel Macron exclut lui-même LFI, et qu’il est (théoriquement) dans l’obligation de nommer une figure du NFP, proposer le leader de LFI comme candidat à Matignon placerait donc le président face une situation insoluble
Ce qui pourrait déboucher sur un blocage et, pourquoi pas, une démission du chef de l’État (comme anticipé par ailleurs par Dominique de Villepin). Et en cas de présidentielle anticipée, le leader insoumis à une longueur d’avance sur les autres. D’où la volonté pour les socialistes, soucieux de démontrer leur capacité à gouverner, de lui opposer Olivier Faure.
Avec l’espoir que les conclaves du NFP se réduisent à cette question binaire : veut-on, ou non, gouverner ? Et ainsi placer, comme le confie un cadre socialiste au HuffPost, Marine Tondelier et Fabien Roussel face à un dilemme : « le choix est simple pour les autres partenaires, c’est soit Faure, soit Mélenchon ». Pour l’instant, c’est personne.
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