Mathilde Cabanis : “J'avais 21 ans. J'étais à 1000 lieues d’imaginer que j'étais en train de faire un AVC, pour moi c'était impossible, j'étais trop jeune"
Victime d'un AVC pendant ses études, à l’âge de 21 ans, Mathilde Cabanis est aujourd’hui partiellement paralysée. Malgré ce coup du sort, cette mère de famille s’est battue pendant des années pour retrouver un maximum d’autonomie. En cette journée mondiale de lutte contre l’AVC, elle s’est confiée au micro de Yahoo sur cette douloureuse épreuve, revenant sur ses doutes, sur sa manière d’appréhender le quotidien mais aussi sur son envie de prendre toujours la vie du bon côté. Un témoignage inspirant.
Elle n’est pas du genre à se morfondre. Et pourtant, sa jeunesse n’a pas été de tout repos. Mathilde Cabanis avait 21 ans lorsque sa vie a basculé. Étudiante à l’École Supérieure de Commerce de La Rochelle, cette étudiante pleine de vie, marquée par une enfance heureuse, a toujours eu une ambition à toute épreuve. Seulement voilà : du jour au lendemain, son quotidien vire au cauchemar. Alors qu’elle se trouve à Katmandou au Népal dans le cadre d’une mission humanitaire, la jeune femme est victime d’un AVC, une attaque cérébrale qu’elle ne voit pas venir. “Un matin, je me lève avec le bras gauche un peu engourdi mais je ne m’inquiète pas spécialement”, se remémore-t-elle tout en expliquant avoir déchanté au fur et à mesure de la journée. Alors qu’elle se trouve à l’école où elle travaille avec les enfants, Mathilde n’arrive plus du tout à écrire au tableau. Mais une fois encore, elle ne s’alarme pas. Le soir, son “pied trébuche” lorsqu’elle marche. Se pensant “très fatiguée”, Mathilde pense alors qu’il est grand temps d’aller dormir.
Mais la nuit n’améliore en rien sa situation. Bien au contraire. “Le lendemain matin, je me réveille, je me lève pour aller aux toilettes et je m’écroule, je tombe de mon lit. Je n’arrive pas à me relever. J’ai tout le côté gauche qui ne répond plus”, explique-t-elle tout en se rappelant de son désarroi face à cette situation. “Quand je m’écroule, je suis à 1000 lieues d’imaginer que je suis en train de faire un AVC. Pour moi, j’ai un nerf coincé”.
À l’hôpital de Katmandou, Mathilde passe un scanner et commence à prendre peur. Les médecins lui annoncent une hémorragie interne et la possible présence d’une tumeur dans son cerveau. De là, un choix s’impose à elle. Celui de réaliser, sur place, des examens supplémentaires ou bien celui d’être rapatriée en France. Sans grande surprise, la jeune femme, déboussolée par toute cette situation, choisit de rejoindre les siens et de continuer sa prise en charge en France.
“J'avais peur pour ma vie”
Rapatriée d’urgence fin juin 2011, Mathilde passe alors un IRM, un examen qui permet aux médecins de comprendre l’origine de ses maux… un AVC. “On m’explique qu’il n’y a pas d’âge pour faire un AVC. Que même des foetus font des AVC dans le ventre de leur mère et qu’on est potentiellement tous à risque”. À ce moment précis, tout son côté gauche ne répond plus, un véritable coup dur pour cette gauchère qui va devoir apprendre à vivre complètement différemment. Elle craint alors une vie de dépendance. “Je ne sais pas si je vais réussir à finir mes études, à retrouver un appartement, à pouvoir vivre toute seule, je me projette tout de suite en vivant aux crochets de mes parents”, une idée qui lui déplait fortement.
Concrètement, son AVC a pour origine une malformation du cerveau, une malformation inopérable. Face à cette nouvelle, Mathilde imagine donc le pire. Mais les médecins la rassurent et l’informent des conséquences concrètes de cette attaque sur son quotidien. Sa vie va alors prendre l’un des deux chemins possibles : comme lui expliquent les médecins, sa malformation peut devenir très active et être à l’origine d’AVC à répétition ou bien, par chance, elle peut ne plus donner suite et la laisser libre pendant quelques années. “Je vis avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête et cette menace, elle est assez insupportable à vivre au quotidien parce que je commence à avoir peur de tout”.
Malheureusement, pendant l’année qui suit, Mathilde enchaîne AVC sur AVC, un phénomène qui ne la rassure pas. “Ça me fait craindre pour ma vie”, explique-t-elle tout en partageant son état de détresse. Finalement, les médecins décident de l’opérer du cerveau au laser pour essayer de détruire cette malformation mais à son grand désarroi, l’opération n’a pas l’effet escompté, et la tumeur finit par grossir. “C’est rageant parce que ça ne fonctionne pas” mais chose positive, la tumeur devient tellement grosse dans son cerveau qu’elle peut être retirée beaucoup plus facilement.
Opérée à nouveau en décembre 2012, elle passe ensuite six mois dans un centre de rééducation où elle tente de récupérer toute la mobilité du bras et de la jambe gauche. “Mon objectif, c’était d’être autonome le plus rapidement possible”. Aujourd’hui, Mathilde marche et a même monté récemment le mont Fuji. “J’estime que j’ai réussi à récupérer le maximum que je pouvais”, explique-t-elle tout en rappelant avoir encore une boiterie et un releveur en carbone pour marcher. La mère de famille de 34 ans a également perdu l’usage de sa main gauche qui n’a “jamais réussi à refonctionner”.
“Je ne me suis jamais autant affirmée”
Toutefois, Mathilde relativise. “Vivre après un AVC, c’est pas ce qu’il y a de plus simple. La convalescence est assez primordiale et assez difficile mais par contre, ce n’est pas une fin en soi”. Mariée et mère de deux enfants, la trentenaire mène aujourd'hui une vie professionnelle “épanouissante”. Pour elle, rien n’est impossible après une attaque. Il suffit juste, selon son expérience, de repérer “ce qui n’allait pas dans la vie d’avant pour l’adapter dans la vie d’après” et bien entendu, d’éliminer tout stress, “gros facteur de risque d’AVC”.
Quant au mental, il s’est renforcé dans son cas. “On associe toujours le handicap à de la faiblesse et pour moi c’est tout le contraire. Lorsque l’on traverse des éléments de vie qui sont très difficiles, pour certains, et j’ai eu la chance d’en faire partie, cela va renforcer le caractère et je ne me suis jamais autant affirmé”, a-t-elle confié, précisant n’avoir jamais été aussi sûre d’elle qu’aujourd’hui. “Il peut m’arriver n’importe quoi, je pourrais tout traverser”.
À LIRE AUSSI >> "Je me suis réveillée avec un accent suédois après avoir subi un accident vasculaire cérébral"
En cette journée mondiale de lutte contre l’AVC, Mathilde a tenu à rappeler les signes avant-coureurs d'une attaque cérébrale, des signes que l’on peut détecter facilement grâce à la technique FAST (l’acronyme anglais pour Face, Arm, Speech et Time). Ainsi, si le visage de la personne en question paraît inhabituel, si l’un de ses deux bras reste pendant ou bien si elle parle bizarrement, appelez les secours immédiatement pour permettre une prise en charge efficiente et rapide.