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Masque obligatoire à l'extérieur : "attention au ras-le-bol général", alertent des médecins

Le port du masque est obligatoire dans toutes les rues de Paris et de la petite couronne.

Plusieurs médecins craignent que des mesures trop restrictives n’entraînent un rejet de la part de la population, et appellent les autorités à fonder leurs décisions sur des bases scientifiques.

Masque obligatoire dans les rues de Paris et de la petite couronne, de Nice, Marseille, ou encore de Strasbourg et Montpellier, masque obligatoire à vélo et à trottinette à Lille, fermeture des bars et restaurants à Marseille dès 23 heures...

Les autorités renforcent depuis plusieurs jours les mesures pour faire face à la remontée des cas de Covid-19. Des décisions qui ne font pas toujours l’unanimité, et qui pourraient même s’avérer contre-productives, s’alarment plusieurs médecins.

La crainte d’un “rejet massif des mesures”

“Le virus va nous accompagner durant des mois, il faut laisser des soupapes aux gens, sinon il va y avoir un ras-le-bol général”, plaide le docteur Jérôme Marty, qui craint un rejet massif des mesures sanitaires.

”Les décisions prises n’ont plus rien de rationnel, elles deviennent politiques. Le débat est en train de se polariser entre ‘pro-masques’ et ‘anti-masques’. Il faut des mesures raisonnables pour qu’elles soient durables et tenables. Sinon, on s’expose à un ras-le-bol de la population”, redoute de son côté Gérald Kierzek, médecin urgentiste. Dans le viseur des deux médecins, le port du masque obligatoire en extérieur dans toutes les rues de Paris, Strasbourg ou encore Toulouse, ou la fermeture des bars et restaurants à 23h à Marseille. “C’est débile comme décision. À la fermeture, les clients vont aller se regrouper ailleurs, sans aucun contrôle, alors que les restaurateurs jouaient le jeu et faisaient respecter les mesures barrières”, s’indigne l’urgentiste.

“Il faut baser les décisions sur des éléments scientifiques”

“Dans les lieux clos, dans les transports, le port du masque est respecté car basé sur des éléments scientifiques. Mais dire ‘il faut le porter en tout lieu y compris dehors’, ça n’est basé sur rien, c’est incompréhensible comme décision. Il faut baser les décisions sur des éléments scientifiques”, ajoute le médecin généraliste et président de l'Union française pour une médecine libre, Jérôme Marty.

Jusqu’à présent, aucune étude n’a mis en avant des contaminations en extérieur. L’ARS d’Île-de-France confirmait même au Monde n’avoir recensé aucun cluster en extérieur. “Le pire reste l’intérieur, les endroits fermés, d’où les préconisations de port du masque et d’aération régulière des espaces. On sait aussi que le virus se transmet mieux en espace confiné qu’en plein air, donc peut-être que la situation est moins problématique qu’envisagé”, explique à 20 Minutes le docteur Pascal Crépey, enseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l’Ecole des hautes études en santé publique.

“C’est prendre les gens pour des c***”

Plutôt que d’imposer le masque en extérieur dans toutes les conditions, plusieurs médecins misent sur la responsabilité collective. “Arrêtons le paternalisme, faisons confiance aux Français, les gens ont un cerveau, ils sont à même de comprendre quand c’est utile de mettre le masque à l’extérieur, et quand ca ne l’est pas”, plaide le docteur Marty, qui dénonce l’infantilisation de la population.

Un argument que partage Gérald Kierzek, qui dénonce une décision de “servitude” vis-à-vis de la population. “Rendre le masque obligatoire partout en extérieur, c’est prendre les gens pour des c***. Il faut arrêter d’infantiliser la population et lui faire confiance”, soupire le docteur Gérald Kierzek, qui mise lui aussi sur le bon sens général.

“Nous sommes en train d’épuiser psychologiquement les Français” alerte de son côté le docteur Jimmy Mohamed, dans sa chronique sur Europe 1, qui souligne que “c’est inutile de porter un masque en extérieur”.

“Une grande partie de population est exaspérée des contradictions”

En ligne de mire, le discours politique tenu depuis le début de la crise du Covid-19, en mars dernier. Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS et au laboratoire méditerranéen de sociologie s’inquiète des effets des revirements incessants des consignes des autorités : “Le masque était inutile en mars, et maintenant il est imposé presque partout. Une grande partie de population est exaspérée des revirements et des contradictions depuis le mois de mars. A force de dire tout et son contraire, le risque est qu’à un moment, le message des élites ne passe plus du tout auprès de la population” nous éclaire le sociologue.

Un discours contradictoire et anxiogène qui pourrait se retourner contre les autorités. “Les politiques jouent sur la peur des gens avec le Covid-19. La peur entraîne l’agressivité. On est dans une société déjà clivée, agressive, pas besoin de monter davantage les gens les uns contre les autres”, redoute Gérald Kierzek.

“Le risque, c’est que les gens disent ‘maintenant ça suffit !’”

De son côté, Jérôme Marty craint que la multiplication des restrictions, comme le port du masque à l’extérieur dans toutes circonstances, ne servent les ‘anti-masques’. “Le risque c’est que les gens disent ‘maintenant ca suffit, on veut retrouver nos vies’. Les ‘anti-masques’ font leur beurre là-dessus en disant ‘le gouvernement veut restreindre nos libertés’. Et si quelqu’un se prend une amende de 135 euros alors qu’il marche tout seul dans la rue sans masque, donc sans aucun risque, alors ça leur donnera du grain à moudre”, redoute le docteur Marty.

Pour Laurent Mucchielli, ces mesures de restrictions sont de plus en plus dénoncées dans la population. Une défiance qui va au-delà des groupes ‘anti-masques’ : “La population est prise entre la communication de la peur, du virus relayée par les politiques et les médias, et la défiance vis-à-vis des mesures sanitaires qui ne sont pas forcément toutes expliquées. De plus en plus de personnes considèrent insupportables ces règles, et dénoncent une restriction de nos libertés, qu’elles soient anti-masques ou non”, nous éclaire Laurent Mucchielli.

Une défiance exacerbée “contre les élites”

Une défiance exacerbée à l’encontre des politiques, mais plus globalement “contre les élites, dont les médias, qui ont largement relayé le discours de peur sans l’interroger suffisamment”, ajoute le sociologue.

Une première mobilisation des ‘anti-masques’ est prévue ce samedi dans plusieurs villes dont Caen et Paris. Dans ces groupes Facebook, les mesures d’obligation du port du masque en extérieur sont largement commentées.