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Maryse Condé : « Femme tombée ne désespère jamais »

L'écrivaine Maryse Condé, Prix Nobel alternatif de littérature en 2018.    - Credit:ULF ANDERSEN / Ulf Andersen / Aurimages via AFP
L'écrivaine Maryse Condé, Prix Nobel alternatif de littérature en 2018. - Credit:ULF ANDERSEN / Ulf Andersen / Aurimages via AFP

Mes parents vécurent des enfances marquées par l'indigence et les privations de toutes sortes. L'un comme l'autre ignoraient qui était leur père. La mère illettrée de ma mère se louait comme cuisinière chez des blancs-pays. La mère de mon père, lingère à domicile, s'emmêla les doigts sous son fer à repasser. Toujours est-il que mon père, revenant d'un match de football, la trouva étendue par terre morte et le visage bleui. Quand mon père et ma mère se marièrent, ils se jurèrent de donner d'autres souvenirs à leurs enfants. Ce qui me frappa chez eux, c'est leur foi en l'avenir. Ils étaient convaincus que le racisme et autres turpitudes disparaîtraient.

Je fus élevée dans cette confiance en demain. Je ne perdis espoir qu'une seule fois. En 1985, après le succès de mon livre Ségou, je décidai de retourner en Guadeloupe afin de me mettre au service de mon pays natal. Toutes les portes se fermèrent devant moi : l'université, la télévision et la radio. Je n'ai jamais compris pourquoi. Était-ce mon caractère trop assuré, trop direct, qui faisait peur ? C'est alors que j'ai reçu une lettre de l'université de Berkeley en Californie m'invitant à venir enseigner aux États-Unis. Je partis sans enthousiasme. J'ignorais que c'était le début de ma carrière américaine.

Le titre original de cette contribution est « Fam tombé pa jamais désespérée ».

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