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Martine Aubry aggrave la fracture au Parti socialiste

La virulente charge de Martine Aubry publiée mercredi par Le Monde contre la politique du gouvernement aggrave la fracture entre deux lignes diamétralement opposées au Parti socialiste, difficiles voire impossibles à réconcilier à un an de l'élection présidentielle. /Photo d'archives/REUTERS/Régis Duvignau

par Elizabeth Pineau et Emmanuel Jarry PARIS (Reuters) - La virulente charge de Martine Aubry contre la politique du gouvernement aggrave la fracture entre deux lignes diamétralement opposées au Parti socialiste, difficiles voire impossibles à réconcilier à un an de l'élection présidentielle. Le risque d'une scission du PS est réel, alors que perdurent les crispations liées à l'inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution et à la loi sur le Travail. Face à une majorité en lambeaux, le risque existe pour François Hollande de voir émerger une candidature socialiste dissidente à la présidentielle. Tout comme se pose la question du maintien à son poste de Manuel Valls, principale cible des tenants de la "gauche progressiste" décrite par Martine Aubry dans la tribune publiée mercredi par Le Monde. "Là, c'est une vraie crise ouverte qui est le résultat de très longues années d'incompréhension", analyse Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'Ifop. "Ce texte, qui ramasse toutes les critiques des frondeurs entendues depuis 2012, est incarné par Martine Aubry, finaliste de la primaire socialiste, une femme appréciée des Français. La publication dans Le Monde lui donne un caractère officiel." Pour le conseiller régional Julien Dray, un proche de François Hollande, "l'autorité du président n'est pas en jeu, mais on ne peut pas demander à celui qui a gagné d'appliquer la ligne de celui qui a été battu". AUBRY VEUT "AIDER LA GAUCHE À RÉUSSIR" Que cherche Martine Aubry ? Jeudi sur RTL, l'ancienne candidate à la primaire de la gauche en 2011 a expliqué vouloir contribuer au débat "de fond" en vue de la présidentielle de 2017, sans pour autant se placer dans la course à l'Elysée. "Ce n'est pas du tout mon projet, mon projet c'est d'aider la gauche à réussir", a déclaré la mère des 35 heures, qui avait pourtant fait motion commune avec la ligne majoritaire lors du congrès du PS de juin 2015 à Poitiers. "Mais pour réussir demain (...) il faut régler le présent (...) pour pouvoir présenter aux Français un projet de gauche", a ajouté celle qui juge inutile d'organiser une primaire si François Hollande est candidat à un deuxième mandat. Truffée de formules assassines - "Trop, c'est trop", "Pas nous, pas la gauche !", "L'échec du quinquennat qui se profile" - sa tribune cible avant tout Manuel Valls, critiqué sur ses choix économiques et son attitude dans la crise des migrants. "C'est nettement Valls qu'elle vise", confirme un autre proche de François Hollande, qui n'est "pas loin de penser" qu'elle cherche son départ de Matignon. "Elle doit penser que si on veut sauver les meubles en 2017 il faut se séparer de Valls, je pense qu'elle a ça en tête parce qu'à ses yeux il n'est pas l'homme qui rassemble la gauche, il est l'homme qui la clive", explique-t-il. L'HYPOTHÈSE D'UN DÉPART DE MANUEL VALLS Un député socialiste envisage lui aussi un changement de Premier ministre après le vote de la loi Travail de Myriam El Khomri décriée à gauche mais saluée par une bonne partie de la droite, qui se dit prête à la voter. "Manuel Valls peut faire le choix de partir : soit la loi El Khomri est adoptée, avec ou sans recours à l'article 49-3 (qui permet une adoption sans vote-NDLR) et il part en homme fort. Soit ça ne passe pas et il part en se posant en 'réformiste qu'on empêche d'aller jusqu'au bout'", dit-il. A Matignon, on temporise face à une tribune "qui ne propose rien" dont "le mérite est de clarifier les camps, avec d'un côté une gauche aux responsabilités et de l'autre la tradition d'une gauche incantatoire, de l'indignation". L'hypothèse d'un départ du Premier ministre était exclue lors du remaniement opéré il y a seulement 14 jours, qui a vu le retour au gouvernement de l'ancien Premier ministre Jean-Marc Ayrault et l'entrée du président du Parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, et de trois écologistes. Ce rapiéçage n'a servi à rien face à la tempête déclenchée depuis par le texte sur la réforme du Code du travail, fustigé à gauche comme un cadeau au patronat et un détricotage des acquis sociaux avant même son examen par le Conseil d'Etat. "Il est clair que c'est mal parti en termes de communication. Beaucoup de choses qui sont dites sont fausses et discutables", dit un ministre, semblant reprocher à Matignon d'avoir d'emblée envisagé l'utilisation de l'article 49-3 sur un texte 'qui n'existe pas encore". Pour les frondeurs comme pour une partie des syndicats, la loi sur le Travail est une source potentielle de casus belli. Une pétition en ligne opposée au projet avait recueilli jeudi quelque 528.000 signatures. "Si le texte arrive au Parlement il est évident qu'il faut que le débat ait lieu", a dit Christian Paul, un proche de Marine Aubry, jeudi sur France Info. Si le 49-3 est utilisé, "la question de la motion de censure se posera", a-t-il estimé. Cette bourrasque politique survient alors que François Hollande est en tournée en Polynésie et en Amérique du Sud depuis une semaine. Le chef de l'Etat, qui répétait avant de partir qu'il réformerait "jusqu'au bout" de son quinquennat, est resté pour l'instant silencieux sur cet épisode. (Edité par Yves Clarisse)