Marlène Schiappa : "Une femme présidente de la République en France, je pense que ce n'est pas pour maintenant"
Quelques semaines après la sortie de son dernier livre “Nos si petites ambitions”, Marlène Schiappa s’est exprimée sur les freins rencontrés par les femmes lors de leur parcours professionnel et sur les manières de s’affranchir de ces obstacles. Au micro de Yahoo, l’ancienne ministre a appelé à un changement de mentalité afin de valoriser et d’encourager la réussite des femmes.
Elle en a marre et le fait savoir. À travers son ouvrage “Nos si petites ambitions” (ed. l’aube), Marlène Schiappa a souhaité mettre en lumière les obstacles sociaux, culturels et structurels que rencontrent les femmes dans leur carrière professionnelle et dans l’affirmation de leur réussite. Pour Yahoo, la mère de famille, ancienne ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, est revenue sur certains points fondamentaux que certains et certaines ont tendance à reléguer au second plan.
“Je ne crois pas que les codes du pouvoir, qu’ils soient politiques ou économiques, soient aujourd’hui adaptés à la vie des femmes”, fait-elle savoir tout en soulignant le rôle de l’autocensure, souvent alimentée par des stéréotypes intériorisés depuis l’enfance. Un phénomène qui pousse de nombreuses femmes à minimiser leur succès pour ne pas paraître prétentieuses ou pour éviter de heurter les normes sociales. “Les femmes ont tendance à parler d’elles-mêmes de manière négative, à commencer par se présenter en disant les diplômes qu’elles n’ont pas, les études qu’elles n’ont pas faites ou à utiliser le mot petit (d’où le titre du livre, NDLR)”, regrette-t-elle, expliquant vouloir lutter contre cela en créant, par exemple, des environnements où la confiance en soi serait encouragée.
Comme elle l’explique, les stéréotypes de genre, encore très ancrés, doivent à tout prix être déconstruits car aujourd’hui, une femme n'a pas à avoir honte d’être mieux rémunérée qu’un homme. Dans un tel cas de figure, Marlène Schiappa souligne l’importance d’encourager les hommes à soutenir leur partenaire, à valoriser les ambitions féminines et à assurer un partage équitable des responsabilités familiales. Des éléments cruciaux pour avancer. “Messieurs, sachez que vous avez un rôle positif à jouer dans la société pour faire en sorte que le cliché de l’homme qui gagne plus d’argent et qui réussit mieux socialement ne soit plus forcément le seul imaginaire pour un couple”.
"Ce jour-là, à l’Assemblée nationale, j’ai ressenti une profonde injustice"
“Quant à vous Madame, qui venez d’être promue, ne vous excusez pas, ne minimisez pas votre réussite, ne minimisez pas votre promotion, ne minimisez pas votre augmentation, ne faites pas comme si vous deviez vous sentir coupable de réussir professionnellement”.
Mais ces stéréotypes ne sont pas les seuls éléments à agacer Marlène Schiappa. La fondatrice de l’ONG coalition Actives, s’est offusquée de la “présomption d’incompétence” dont sont victimes les femmes alors que les hommes bénéficient souvent d’une présomption de compétence. Une situation compliquée à vivre, notamment pour celles qui occupent des postes à haute responsabilité ou dans des secteurs historiquement masculins. Elle a également regretté la répartition genrée des sphères de pouvoir, un phénomène qui renforce l’idée selon laquelle certaines responsabilités “ne sont pas faites pour elles”. En effet, en France, les ministères régaliens, comme la Défense ou l’Intérieur, sont rarement dirigés par des femmes, une dynamique qui contribue à maintenir un plafond de verre difficile à briser et qui, réduit donc, les opportunités de voir émerger une femme présidente. Pour illustrer ses propos, Marlène Schiappa prend l’exemple des femmes patronnes du CAC 40. “C’est bien mais on en a combien ? On en a trois sur 40. C’est pour cela qu’avec mon ONG, on a créé le Next woman 40 pour trouver les 40 prochaines femmes patronnes du CAC 40”, une initiative qui permettra, elle l’espère, de changer cet état de fait et d’offrir de nouveaux modèles aux générations futures.
Enfin, l’ancienne ministre pointe du doigt la difficulté de concilier vie professionnelle et vie personnelle, notamment en politique. “Moi, je l’ai vécu quand j’étais au gouvernement. Un matin je suis arrivée avec 6 minutes de retard à l’Assemblée nationale et pendant une demi-heure, on me l’a reproché et ce, car je m’occupais de ma fille malade”. Un cas qui illustre une hypocrisie structurelle : celle de valoriser la vie de famille mais de pénaliser les femmes lorsqu’elles mettent en avant ces priorités. “Moi ce jour-là, à l’Assemblée nationale, j’ai ressenti une profonde injustice parce qu’en réalité, on passe notre temps dans la vie politique à faire des discours sur l’empathie, sur les nouvelles générations, sur les enfants, sur l’importance de la vie de famille mais le jour où on est confronté dans la réalité au fait de devoir s’occuper de son enfant malade, ce qui est quand même le b.a.-ba du rôle de parent, on vous le reproche”.
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Face à ce constat, Marlène Schiappa rappelle donc la nécessité de réduire ces inégalités en instaurant des politiques qui favorisent l'équilibre vie professionnelle/vie personnelle comme le congé parental équitable ou les horaires flexibles et en valorisant les parcours féminins. Pour elle, il n’y a aucun doute : le combat doit continuer pour parvenir à une société plus égalitaire, un combat qui passe par la sensibilisation, par l’éducation, le soutien et les initiatives concrètes.