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Marine Le Pen dénonce une "fatwa bancaire" contre le FN

Marine Le Pen a dénoncé mercredi "une tentative d'étouffement" du Front national après la décision de la Société générale de clôturer les comptes du parti d'extrême droite, une mesure prise également à l'encontre de la présidente du FN par la banque HSBC. /Photo prise le 3 octobre 2017/REUTERS/Benoit Tessier

par Simon Carraud

NANTERRE, Hauts-de-Seine (Reuters) - Marine Le Pen a dénoncé mercredi "une tentative d'étouffement" du Front national après la décision de la Société générale de clôturer des comptes du parti d'extrême droite, une mesure prise également à l'encontre de la présidente du FN par la banque HSBC.

Lors d'une conférence de presse, la dirigeante du Front national s'est alarmée du risque de "fatwas bancaires" qui mettraient en péril la démocratie française.

"Nous sommes en présence d'une tentative d'étouffement d'un mouvement d'opposition et il est du devoir de tous les démocrates de ne pas l'accepter", a-t-elle déclaré au siège de son parti, à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Selon les dirigeants frontistes, la SocGen les a prévenus par une lettre datée du 27 juillet dernier et le compte du parti a été fermé le 10 novembre. Une quinzaine de fédérations ont subi la même contrariété.

Le parti a alors activé un compte en sommeil domicilié au Crédit du Nord mais cet établissement, filiale de la Société générale, lui refuse l'usage de chèques, les encaissements par carte bleue ainsi que les prélèvements, a dit Marine Le Pen.

"Privé de ces recettes, cette situation met le Front national face à une difficulté majeure et empêche tout fonctionnement normal du parti", a-t-elle ajouté.

"Il semble que les oligarchies financières qui se sentent protégées, voire encouragées par une sorte d'impunité, soient donc tentées d'intervenir de plus en plus dans le cours de la démocratie en France", a-t-elle poursuivi.

La Société générale a réfuté dans un communiqué les accusations du parti d'extrême droite.

"Les décisions du groupe Société Générale en matière d'ouverture et fermeture de compte sont de nature exclusivement bancaire dans le respect des exigences réglementaires, et donc sans aucune considération politique", peut-on lire dans ce communiqué.

"EXIL JUDICIAIRE ?"

En France, les banques sont tenues de déclarer les mouvements financiers suspects via des déclarations de soupçons à Tracfin, la cellule de lutte contre les circuits financiers clandestins.

"Il n'y a aucune raison qu'on soit poursuivi par Tracfin", a répondu le trésorier frontiste, Wallerand de Saint Just, interrogé par des journalistes.

A l'appui de sa démonstration sur le pouvoir occulte des "oligarchies financières", Marine Le Pen a notamment cité le cas de Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, qui, selon Le Canard enchaîné, aurait sanctionné Le Monde pour ses publications sur les "Paradise papers", données sur les pratiques d'évasion fiscale dans le monde, en retirant du quotidien les publicités du groupe jusqu'à fin 2017.

"La vraie question, c'est : est-ce que les opposants vont être réduits à un exil bancaire?", s'est interrogée Marine Le Pen. "Est-il acceptable qu'une banque puisse décider qui a le droit d'exercer sa liberté d'expression en France?"

PLAINTES

La députée du Pas-de-Calais a précisé que la banque HSBC, "sans aucune justification", lui avait annoncé par ailleurs mercredi matin la fermeture d'un compte personnel en invoquant "le manque d'informations sur l'origine des fonds".

Sollicitée par Reuters, la banque a dit par la voie d'une porte-parole ne pas souhaiter faire état "publiquement" des rapports entretenus avec ses clients.

"Les relations que nous entretenons avec eux sont régies par un ensemble d'obligations réglementaires auxquelles nous nous conformons", a déclaré cette porte-parole.

Marine Le Pen a précisé avoir saisi Emmanuel Macron des problèmes bancaires du parti, mardi, lors de son entrevue à l'Elysée avec le chef de l'Etat.

"Il est normal que le Front national puisse avoir un compte bancaire et puisse avoir un bon fonctionnement de son mouvement", a jugé mercredi le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, qui a dit ne pas connaître les raisons à l'origine de la décision de la SocGen.

Le FN va déposer plainte dans les jours à venir pour discrimination contre la Société générale et Marine Le Pen le fera à titre personnel contre HSBC.

Durant la campagne présidentielle, la formation lepéniste s'était déjà plainte de l'attitude des banques qui, selon ses dirigeants, ont opposé des fins de non-recevoir répétées à ses demandes d'emprunt.

Les frais alors engagés se sont élevés à près de 12,5 millions d'euros, une somme qui doit être largement remboursée par l'Etat.

La formation d'extrême droite a par ailleurs obtenu en 2014 un prêt de 9,3 millions d'euros auprès d'une banque tchéco-russe, ce que Marine Le Pen avait alors justifié par le refus des établissements français de lui consentir la moindre avance.

Selon Wallerand de Saint Just, cet emprunt doit être remboursé en une fois, en 2019.

(Avec Sophie Louet, Mathieu Prottard, Yann Le Guernigou et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)