Marine Le Pen à la conquête de l'électorat rural

Marine Le Pen s'est rendue jeudi au Salon de l'agriculture pour tenter d'accentuer la progression enregistrée ces dernières années par le Front national dans l'électorat rural, avec en ligne de mire la présidentielle de 2017. /Photo prise le 21 février 2015/REUTERS/Pascal Rossignol

PARIS (Reuters) - Marine Le Pen s'est rendue jeudi au Salon de l'agriculture pour tenter d'accentuer la progression enregistrée ces dernières années par le Front national dans l'électorat rural, avec en ligne de mire la présidentielle de 2017. La présidente du Front national a succédé porte de Versailles au président de l'UMP Nicolas Sarkozy, qui n'a pas voulu parler d'elle, et au Premier ministre Manuel Valls, qui a mis en garde les agriculteurs contre la tentation du vote FN. Très à l'aise dans les allées de "la plus grande ferme de France", Marine Le Pen a insisté sur le sentiment d'abandon du monde rural, de plus en plus sensible à son discours protectionniste et à la dénonciation de l'Europe. "Cela fait 15 ans que l'on explique aux agriculteurs qu'ils doivent beaucoup à l'Union européenne. C'est un mensonge", a-t-elle déclaré aux journalistes. Manuel Valls avait insisté sur le caractère vital des subventions européennes que perdraient les agriculteurs français si l'UE devenait un lieu de simple coopération intergouvernementale, comme le souhaite Marine Le Pen. La dirigeante du FN a également dénoncé la réforme territoriale mise en oeuvre par le gouvernement, qui va accentuer, selon elle, la désertification des campagnes et "contribuer à faire sortir des radars la ruralité". L'électorat rural, historiquement réfractaire au FN, reste majoritairement de droite mais Marine Le Pen y marque des points, souligne l'Ifop dans une étude "Votes paysans" de 2014 qui analyse le vote rural à la présidentielle de 2012. "LE FN VA CARTONNER" Aujourd'hui, les agriculteurs votent Front national au même niveau que le reste de la population, voire davantage, puisqu'au premier tour, la présidente du FN avait obtenu 19,5% des voix des électeurs ruraux, contre 18% au niveau national. "Dans la grande dichotomie entre gagnants et perdants de la mondialisation sur laquelle joue le FN, l'électorat paysan se vit comme faisant partie des seconds", explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l'IFOP. L'étude montre aussi que le FN progresse moins chez les agriculteurs eux-mêmes que parmi les milieux populaires ruraux. "C'est dans les communes rurales ne comptant aucun agriculteur que Marine Le Pen a fait ses meilleurs scores", écrit l'Ifop. Parfois accueillie comme une star porte de Versailles, la dirigeante a visité de nombreux stands et s'est prêtée aux demandes de selfies, notamment d'élèves d'un lycée agricole. Elle n'a pas ménagé ses critiques envers les politiques agricoles et les "choix catastrophiques" faits à ses yeux tant par la droite que par la gauche. "Il s'agit de juger sur les actes et le moins que l'on puisse dire est que les actes de l'UMP et du PS n'ont pas été des actes d'amour à l'égard de l'agriculture et de la ruralité, bien au contraire", a-t-elle dit. Dans les allées du salon, des agriculteurs n'ont pas caché leur intention de voter FN aux prochains scrutins, certains pour la première fois. "Il va y avoir un gros message, pas seulement agricole, parce que les gens qui travaillent ne sont pas valorisés par rapport à ceux qui ne le sont pas", a dit Philippe Pulles, éleveur du Cantal. "On ne veut pas forcément sortir de l’Europe mais dire au gouvernement actuel qu’on n’adhère pas aux politiques qu’ils mènent", a-t-il ajouté, affirmant que son revenu n'a cessé de chuter depuis qu'il s'est installé, il y a 12 ans. Un agriculteur de la Beauce, qui n'a pas souhaité être nommé, a assuré que le FN allait "cartonner" dans les campagnes. "Les autres fois ça n’a pas changé grand-chose, mais cette fois-ci je crois que ce sera massif. Les politiques doivent entendre le message." (Gérard Bon, avec Sybille de la Hamaide et Nicolas Vinocur, édité par Yves Clarisse)