Mariano Rajoy engage la lutte contre la corruption en Espagne

Au lendemain de la démission de sa ministre de la Santé impliquée dans une affaire de corruption, le président du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy, a exhorté jeudi ses compatriotes à ne pas jeter l'opprobre sur la classe politique dans son ensemble. /Photo prise le 27 novembre 2014/REUTERS/Andrea Comas

par Sonya Dowsett MADRID (Reuters) - Au lendemain de la démission de sa ministre de la Santé impliquée dans une affaire de corruption, le président du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a exhorté jeudi ses compatriotes à ne pas jeter l'opprobre sur la classe politique dans son ensemble. "Je peux comprendre l'irritation et la défiance de nos citoyens, mais la suspicion ne devrait pas frapper tout le monde. La plupart de nos représentants politiques sont des personnes décentes, l'Espagne n'est pas corrompue", a-t-il dit devant le Parlement. Rajoy présentait aux députés deux projets de loi anticorruption censés démontrer que son gouvernement prend le sujet à coeur. D'après les instituts de sondage, la corruption est, après le chômage, le deuxième sujet majeur de préoccupation des électeurs espagnols. A un an des élections législatives, les affaires qui frappent le Parti populaire (PP) de Rajoy mais aussi l'opposition socialiste contribuent en partie à l'émergence du parti de gauche Podemos, qui a créé la sensation aux européennes de mai dernier en décrochant 8% des suffrages deux mois seulement après sa création et s'est envolé dans les sondages, sa cote de popularité dépassant désormais celles des deux partis traditionnels d'Espagne. La démission d'Ana Mato mercredi soir ne contribuera pas à améliorer l'image du Parti populaire. La ministre de la Santé a échappé à une inculpation mais est soupçonnée d'avoir bénéficié d'un système de commissions occultes reversées à des dirigeants politiques dans le cadre de la passation de marchés publics. Le juge Pablo Ruz, de l'Audience nationale, veut l'entendre pour déterminer notamment si elle connaissait la provenance de cadeaux reçus par sa famille à l'époque où elle était mariée avec Jesus Sepulveda. Parmi ces cadeaux suspects figurent des séjours offerts dans des hôtels, des locations de voitures et des produits de luxe. Son ex-mari, ancien maire PP de Pozuelo de Alarcon, dans la banlieue de Madrid, est l'un des 43 inculpés dans le cadre de l'affaire Gürtel, qui a mis au jour un vaste réseau de versement de commissions occultes. "VOUS N'ÊTES NI HABILITÉ, NI QUALIFIÉ" Les deux projets couvrent pour l'un le financement des partis politiques et pour l'autre la transparence et la prévention des conflits d'intérêt liés à des fonctions publiques. Adoptés par les députés, ils vont à présent être transmis au Sénat, où le Parti populaire est également majoritaire. La réforme prévoit notamment que les entreprises ne pourront plus faire de dons aux partis politiques et les banques n'auront plus le droit d'annuler leurs dettes ou de négocier avec eux des prêts à des taux inférieurs aux conditions de marché. Ces deux textes étaient prêts depuis des mois mais le gouvernement souhaitait initialement un vote non partisan pour rallier le soutien le plus large possible. Les partis d'opposition ont refusé de s'associer à l'initiative, estimant que le Parti populaire, largement impliqué dans l'affaire Gürtel, n'a pas la légitimité suffisante pour prétendre lutter contre la corruption. Trois anciens trésoriers et d'autres cadres du PP risquent d'être traduits en justice. "Vous n'êtes ni habilité ni qualifié pour mener (la lutte contre la corruption)", a lancé à Rajoy le chef de l'opposition socialiste, Pedro Sanchez. "Le PP, a-t-il ajouté lors du débat parlementaire, a été irrémédiablement terni", a poursuivi le secrétaire général du PSOE. (Henri-Pierre André pour le service français)