Margrethe Vestager dénonce le déséquilibre de la prochaine Commission

La vice-présidente sortante de la Commission européenne, Margrethe Vestager, dénonce l’attitude des gouvernements de l'UE qui ont sapé les efforts d'Ursula von der Leyen à construire un Collège des commissaires paritaire entre hommes et femmes.

Les capitales ont fait fi de la demande explicite de la présidente de la Commission auprès des gouvernements de proposer un candidat et une candidate afin de lui donner une marge de manœuvre pour trouver le bon équilibre.

"Malheureusement, cela démasque le manque d'efforts en matière d'égalité des chances et d'équilibre entre les genres", estime Margrethe Vestager, dont la voix est particulièrement forte après une décennie en tant que commissaire européenne, lors d'une interview accordée lundi à Euronews.

Elle s'est exprimée quelques heures après que la dernière nomination de commissaire a été annoncée par la Belgique, qui a proposé la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib.

"Ursula von der Leyen a demandé une chose tout à fait légitime : donnez-moi deux candidats, un homme et une femme, et je composerai ma Commission de manière à ce qu'il y ait un équilibre entre les genres et que les personnes aient les compétences nécessaires", ajoute la responsable danoise. "Je pense qu'il est vraiment dommage que les États membres ne suivent pas cette voie".

Sur les 25 Etats membres qui avaient été invités à présenter des candidats, seul un pays - la Bulgarie - a répondu à la demande d’Ursula von der Leyen en désignant deux candidats.

Huit pays ont présenté des candidates, ce qui signifie que seuls dix (37 %) des noms retenus pour former le prochain exécutif sont des femmes. Deux postes sont déjà attribués, il s'agit d’Ursula von der Leyen, qui représente l'Allemagne en tant que présidente, et de l'Estonienne Kaja Kallas, désignée par les dirigeants européens en juin pour devenir la prochaine Haute représentante de l'UE pour la politique étrangère.

Ursula Von der Leyen devrait remettre les portefeuilles politiques aux candidats au cours des prochaines semaines. Ils passeront chacun une audition devant le Parlement européen, cette étape sera suivie d’un vote de confirmation avant d'être installés dans leurs fonctions respectives.

Ursula von der Leyen aurait entrepris des efforts de dernière minute pour convaincre certains États membres de remplacer leurs candidats masculins par des femmes, offrant ainsi un portefeuille politique plus attrayant à ceux qui se plieraient à cette demande. La Roumanie est devenue le premier pays à changer de candidat lundi, en présentant l'eurodéputée Roxana Mînzatu aux dépens de Victor Negrescu.

"Nous faisions des progrès"

Margrethe Vestager s'est forgé une réputation d'antitrust à Bruxelles, infligeant de lourdes amendes aux plus grandes entreprises du monde qui abusent de leur position dominante sur le marché européen.

Elle est également devenue une épine dans le pied des grandes entreprises technologiques, en contribuant à l'élaboration d'un règlement sans précédent sur le numérique - la loi sur les services numériques - et de la première réglementation au monde visant à mettre en place des garde-fous concernant l'intelligence artificielle.

Ses faits d’armes lui ont valu de figurer sur la liste des 100 personnes les plus influentes du monde établie par le magazine TIME en 2023.

Elle précise à Euronews qu'elle regrettait l'absence d'un nombre suffisant de femmes désignées dans les efforts de l'exécutif de l'UE de montrer qu'une Commission équilibrée en termes de genre est capable d'accomplir un travail sans précédent.

"C'est un simple acte d'équité que les deux sexes participent au leadership", souligne Margrethe Vestager.

"Vous avez besoin de tous les talents possibles, et vous avez également besoin que différentes expériences de vie soient reflétées au sein de la Commission", ajoute-t-elle. "Et vous devez montrer aux garçons et aux filles que c'est à cela que ressemble le leadership : des hommes et des femmes qui dirigent ensemble".

Margrethe Vestager laisse la porte ouverte à un retour à la vie publique après la fin de son mandat.

Elle espère que ses "ambitions" pour l'Europe pourraient encore "trouver un débouché" après son départ de la Commission, les règles éthiques de l'institution imposent des restrictions strictes après le mandat de Commissaire.

"Je pense que la géopolitique de ce monde devrait encourager l'Europe à s'engager davantage dans le monde qui nous entoure", explique-t-elle, "il y a donc beaucoup de choses avec lesquelles j'aimerais travailler".