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Marche à Moscou en mémoire de l'opposant Boris Nemtsov assassiné

Marche à Moscou en mémoire de Boris Nemtsov, adversaire virulent de Vladimir Poutine, dont l'assassinat a ravivé les inquiétudes concernant le sort de ceux qui critiquent le pouvoir. /Photo prise le 1er mars 2015/REUTERS/Sergei Karpukhin

par Timothy Heritage et Katya Golubkova MOSCOU (Reuters) - Des dizaines de milliers de Russes ont défilé dimanche à Moscou en brandissant des pancartes "Je n'ai pas peur" et aux cris de "la Russie sans Poutine" en mémoire de Boris Nemtsov, adversaire virulent du président russe dont l'assassinat a ravivé les inquiétudes concernant le sort de ceux qui critiquent le pouvoir. Venus pour certains en famille, les manifestants ont défilé sous la pluie le long de la rivière Moskova, passant tout près des murs du Kremlin et du pont sur lequel l'opposant a été abattu vendredi soir de quatre balles dans le dos par un tireur encore non identifié. Vladimir Poutine a qualifié ce meurtre de "provocation" et promis de traquer les coupables. Les enquêteurs ont avancé plusieurs hypothèses, dont celle d'islamistes, Boris Nemtsov étant de confession juive, ou celle d'un assassinat politique perpétré par l'opposition elle-même pour ternir l'image du Kremlin. Mais pour les opposants, la responsabilité de Vladimir Poutine ne fait aucun doute. "Si nous pouvons mettre fin à la campagne de haine dirigée contre l'opposition, alors nous aurons une chance de pouvoir changer la Russie. Si nous n'y parvenons pas, nous allons au devant d'un conflit civil de grande ampleur", a déclaré à Reuters Guénnadi Goudkov, un des chefs de file de l'opposition. "Les autorités sont corrompues et ne tolèrent pas de voir émerger une quelconque menace pour leur pouvoir. Boris (Nemtsov) les dérangeait", a-t-il ajouté. Selon la police, 16.000 personnes ont participé à la marche de dimanche, les organisateurs parlant de leur côté de dizaines de milliers de manifestants. La participation semblait toutefois inférieure aux 50.000 personnes espérées par l'opposition. Samedi, des milliers de Russes avaient déjà déposé des bouquets de fleurs et allumé des bougies sur le pont où Boris Nemtsov a été assassiné. "POUTINE, DÉMISSION!" Agé de 55 ans, l'ancien vice-Premier ministre de Boris Eltsine à la fin des années 1990 avait été l'une des figures de la contestation anti-Poutine de l'hiver 2011-2012 et il avait fait de la dénonciation de l'implication de Moscou dans le conflit ukrainien son nouveau cheval de bataille. "Il faisait du tort aux autorités mais les autorités sont elles-mêmes criminelles. Elles ont foulé aux pieds tous les droits internationaux, annexé la Crimée, entamé une guerre avec l'Ukraine", a déclaré Iouri Voinov, un ingénieur à la retraite qui participait à la marche. Certains manifestants portaient des banderoles assurant que "les héros ne meurent jamais", un slogan souvent entendu en Ukraine pour saluer la mémoire de la centaine de personnes tuées sur "Maïdan" pendant le soulèvement contre le président prorusse Viktor Ianoukovitch début 2014. "Qu'un officier du KGB se proclame président à vie est une catastrophe géopolitique. Poutine, démission!", pouvait-on lire sur une pancarte brandie par une femme. Les opposants accusent le Kremlin d'attiser le nationalisme, la haine et un sentiment anti-occidental pour que la population soutienne sa politique en Ukraine et ne le tienne pas coupable de la crise économique. Mais signe que la propagande gouvernementale fonctionne, certains Moscovites se montrent convaincus par la thèse du complot évoqué par les autorités à propos de l'assassinat de Boris Nemtsov. "Ce meurtre ne sert pas les intérêts des autorités. Tout le monde avait oublié depuis longtemps jusqu'à l'existence de cet homme, Nemtsov. C'est clairement une provocation", a déclaré un habitant de la capitale russe qui n'a souhaité donner que son prénom, Denis. Boris Nemtsov, qui entendait participer la manifestation de dimanche pour remobiliser l'opposition, est le dissident le plus en vue assassiné depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il y a 15 ans. "C'est un coup dur pour la Russie. Si les opinions politiques sont sanctionnées de cette manière alors ce pays n'a plus d'avenir", a commenté Sergueï Mitrokhine, un responsable de l'opposition. (Benoît Van Overstraeten et Tangi Salaün pour le service français)