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Le gouvernement s'efforce d'enrayer une guerre du porc

Manuel Valls a demandé mardi aux industriels et à la grande distribution de respecter leurs engagements en matière de prix d'achat aux éleveurs, au lendemain du refus de grands groupes d'acheter du porc français sur le marché de référence breton. /Photo d'archives/REUTERS/Stéphane Mahé

PARIS (Reuters) - Le gouvernement s'est mobilisé mardi pour tenter d'enrayer une nouvelle guerre du prix du porc, au lendemain du boycottage du marché de référence français, en Bretagne, par deux des principaux industriels du secteur. Le groupe coopératif Cooperl et Bigard/Socopa ont refusé lundi d'acheter les porcs bretons mis en vente sur le marché de Plérin, dans les Côtes d'Armor, qui fixe deux fois par semaine les prix de référence pour la France. Ils jugent intenable, face à la concurrence étrangère, le cours de 1,40 euro le kilo fixé en juin par un accord entre industriels, grande distribution et syndicats agricoles. "Je n'envisage pas, après les efforts qui ont été faits pour atteindre le niveau de 1,40 euro, qu'on n'ait pas de cotation au marché de Plérin", a déclaré mardi en milieu de journée à la presse le ministre de l'Agriculture. Stéphane Le Foll a dit prendre l'engagement de "tout faire" pour qu'il y ait de nouveau une cotation jeudi à Plérin et exhorté tous les acteurs à faire preuve de responsabilité. Il a insisté sur le fait que le cours de 1,40 euro n'était pas "politique" mais visait à aider les producteurs à passer un cap difficile, lié notamment à l'embargo russe en représailles aux sanctions européennes dans la crise ukrainienne. Il a annoncé une table ronde fin août sur les nouvelles formes de commercialisation du porc puis, en septembre, une réunion sur les "nouvelles formes de négociations commerciales entre producteurs, transformateurs et distributeurs". Le Premier ministre, en visite chez des agriculteurs du Gard, a demandé de son côté aux industriels et à la grande distribution de respecter leurs engagements en matière de prix. "Il faut garantir ce niveau de prix", a dit Manuel Valls. La guerre des cours menace de s'amplifier entre éleveurs, industriels et grande distribution malgré des accords conclus en juin et en juillet, ce qui pourrait annoncer une fin d'été et un automne orageux dans les campagnes. "CHANTAGE" Le syndicat des industriels de la viande (SNIV-SNCP) estime que la production, "soutenue par les pouvoirs publics (...), obtient les prix les plus élevés d'Europe, sans trop se soucier du devenir des abattoirs". Il accuse également, dans un communiqué, la distribution de ne pas avoir renoncé à sa "politique de guerre des prix (...) et des marges" et juge le contexte "explosif". De leur côté, les éleveurs de porcs et de bovins et les producteurs laitiers, qui ont multiplié depuis le printemps les actions de protestation, jugent les prix qu'on leur offre trop bas pour assurer la survie de leurs exploitations. "A moins de 1,40 euro, on perd de l'argent. Ça fait des années que les producteurs de porcs tirent la sonnette d'alarme. Nous perdons en moyenne un élevage par jour", a dit sur iTELE le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Xavier Beulin. Le président de la Fédération nationale porcine, Paul Auffray, a dénoncé une "provocation", une "forme de chantage" et une "prise d'otage des éleveurs par les industriels". "En fin de semaine, si la situation ne se règle pas d'une façon ou d'une autre, nous aurons entre 20.000 et 30.000 cochons invendus qui vont rester dans les porcheries", a dit sur iTELE Daniel Picard, président du Marché du porc breton. Pour François Valy, président de la section porcine de la FRSEA de Bretagne, le risque, si la cotation ne reprend pas à Plérin, est qu'il y ait "autant de prix qu'il y a d'abattoirs". Le plan d'urgence annoncé le 22 juillet par le gouvernement en faveur des éleveurs n'a pas suffi, pas plus que le relèvement du prix du lait, à éteindre le mouvement de mécontentement des éleveurs, qui menace de reprendre à la fin de l'été. La FNSEA prévoit déjà une mobilisation nationale à partir du 1er septembre, suivie d'une mobilisation au niveau européen à Bruxelles le 7 septembre, lors d'un conseil des ministres de l'Agriculture de l'Union demandé et obtenu par la France. Pour Xavier Beulin, la crise de la viande de porc doit trouver sa solution au niveau européen. Selon l'entourage de Stéphane Le Foll, la France demandera notamment au Conseil européen l'allongement de la période de stockage privé de porc financé par l'Union européenne. (Valérie Parent et Emmanuel Jarry, avec Jean-François Rosnoblet à Marseille, édité par Yann Le Guernigou)