Iran: Les gardiens de la Révolution déployés dans trois provinces

par Bozorgmehr Sharafedin

LONDRES (Reuters) - Les gardiens de la Révolution, troupe d'élite des forces armées iraniennes, ont été déployés mercredi dans trois provinces pour tenter de mettre fin aux manifestations antigouvernementales qui ont fait au moins 21 morts en six jours.

Les "pasdaran" ont été envoyés dans les provinces d'Ispahan, de Lorestan et d'Hamadan, a précisé leur commandant en chef, le général Mohammad Ali Jafari.

Des milliers de partisans du gouvernement ont par ailleurs manifesté dans plusieurs villes du pays pour marquer leur attachement au régime et dénoncer les "ennemis" et "mercenaires" étrangers accusés de fomenter les troubles.

Pour le général Jafari, cette mobilisation marque la fin du mouvement de contestation. Le plus grand rassemblement n'a, selon lui, pas dépassé les 1.500 personnes et "le nombre des fauteurs de troubles n'excède pas les 15.000 à l'échelle nationale".

La télévision iranienne a diffusé des images des rassemblements pro-gouvernementaux à Kermanshah, à Ilam et à Gorgan, dans le nord du pays, où des manifestants ont défilé en brandissant des drapeaux iraniens et des portraits du guide de la Révolution islamique, l'ayatollah Ali Khamenei.

Dans la ville sainte de Qom, la foule a défilé en criant "Mort aux mercenaires américains !". Il y a également eu des rassemblements à Ispahan, la troisième ville du pays, à Abadan et à Khorramshahr, dans le sud-ouest du pays.

Le mouvement de protestation contre le gouvernement, le plus important depuis les grandes manifestations de 2009 contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence, s'est poursuivi mardi soir.

Un appel à un nouveau soulèvement signé par une centaine de militantes iraniennes, dont la lauréate du prix Nobel de la paix Shirin Ebadi, a été mis en ligne mercredi. Les signataires appellent le pouvoir à respecter le droit de réunion et d'expression des Iraniens, garanti par la Constitution.

UN EUROPÉEN ARRÊTÉ

Des photos et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux montrent des forces anti-émeutes déployées en nombre dans plusieurs villes.

Ali Khamenei a accusé les ennemis de l'Iran d'être à l'origine de ces troubles. Un Européen, dont la nationalité n'a pas été précisée, a été arrêté lors d'une manifestation antigouvernementale dans la région de Borujerd, dans l'ouest de l'Iran.

Le mouvement de contestation, motivé à l'origine par la hausse des prix et la corruption, a pris une tournure politique, de nombreux jeunes Iraniens se joignant aux cortèges pour appeler au départ de Khamenei.

Plus de 450 contestataires ont été arrêtés à Téhéran ces derniers jours et des centaines d'autres ont été placés en détention dans d'autres villes. Selon un responsable judiciaire, certains détenus sont passibles de la peine de mort.

"Les émeutiers séditieux doivent être exécutés", ont scandé les manifestants favorables au régime mercredi. D'autres affirmaient que les Etats-Unis, Israël et le Royaume-Uni étaient derrière cette vague de mécontentement.

TRUMP DÉNONCE UN "GOUVERNEMENT CORROMPU"

Afin d'empêcher la contagion, les autorités iraniennes ont imposé un contrôle de la messagerie Telegram et du réseau social Instagram.

Sur Twitter, Donald Trump a déclaré mercredi que les Etats-Unis soutiendraient "le moment venu" ceux qui manifestent en Iran. "Respect pour le peuple d'Iran qui essaie de faire reculer son gouvernement corrompu. Vous verrez un grand soutien de la part des Etats-Unis le moment venu!", écrit le président américain.

Selon un membre de son administration ayant requis l'anonymat, Washington cherche à obtenir des "informations exploitables" qui permettraient de sanctionner les individus et les instances impliquées dans la répression des manifestations. Elle s'efforce en outre de mobiliser la communauté internationale, a-t-il poursuivi, niant toute implication des Etats-Unis dans ces rassemblements selon lui spontanés.

A Paris, Emmanuel Macron a quant à lui estimé que "le discours officiel" porté par les Etats-Unis, Israël et l’Arabie saoudite, risquait de "conduire à la guerre en Iran".

"Si nous rompons toute discussion, le risque est d’aller jusqu’à (...) des éléments de conflictualité extrême", a poursuivi le président français.

Siegmar Gabriel, chef de la diplomatie allemande, a pour sa part regretté les "tentatives d'exploitation de ce conflit interne sur le plan international", tandis que le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, plaidait le respect des droits de rassemblement et d'expression du peuple iranien.

Evoquant l'attitude de son homologue iranien Hassan Rohani face aux manifestations, le président turc Recep Tayyip Erdogan l'a jugée "adaptée".

(Avec Stephanie Nebehay à Genève et Doina Chiacu à Washington; Pierre Sérisier, Guy Kerivel, Julie Carriat et Jean-Philippe Lefief pour le service français)