Maltraitance des enfants et des tout-petits, ces signes qui doivent alerter selon un psychiatre
VIOLENCE - Début septembre, la diffusion d’une vidéo, sur laquelle une institutrice frappe une fillette de trois ans dans le dos, a profondément choqué l’opinion publique. Ce jeudi 18 septembre, c’est la sortie de Les Ogres (éd. Flammarion), l’enquête que consacre le journaliste Victor Castanet au système des crèches privées, qui jette à nouveau une lumière crue sur les maltraitances dont peuvent être victimes les tout-petits.
Coups, privation de nourriture, humiliations, délaissement… Même si les violences que subissent les enfants sont parfois manifestes, les signes de maltraitance sont parfois difficiles à détecter, en particulier chez les enfants n’ayant pas acquis le langage. Explications avec le Dr Gilbert Vila, psychiatre de l’enfant et de l’adolescent au Centre de Victimologie pour Mineurs de l’hôpital Trousseau, à Paris.
Le HuffPost. Quels sont les signes qui peuvent alerter les parents ou les professionnels de santé ?
Dr Gilbert Vila. Chez les petits de moins d’un an, les signes de maltraitance sont non spécifiques. La survenue brutale de troubles de l’alimentation, du sommeil, un changement dans le comportement et des lenteurs de développement permettent souvent de mettre les professionnels sur la voie d’une possible maltraitance. Mais ces signes, notamment les troubles du comportement, peuvent être très hétéroclites.
Le pédiatre ou le médecin généraliste vont, après un examen de base, pouvoir orienter les parents en fonction de l’état de préoccupation et de leurs inquiétudes vis-à-vis du mode de garde.
À quels comportements chez les jeunes enfants faut-il être vigilant ?
Les petits enfants en état de stress traumatique peuvent se mettre socialement en retrait, ou au contraire être dans un état d’excitation persistant. Certains peuvent beaucoup pleurer, beaucoup crier, être difficiles à calmer tandis que d’autres vont paraître soudainement éteints, montrer des difficultés soudaines ou progressives à entrer en contact avec leurs pairs ou avec les adultes. Ce sont des signes très inquiétants mais qui ne mettent pas toujours les parents sur la voie d’une possible maltraitance. D’où l’importance de se rendre chez le pédiatre au moindre changement évocateur : un enfant ou un bébé qui perd soudainement l’appétit, qui n’interagit pas, cela doit alerter très rapidement.
Il faut aussi citer une perte du plaisir de jouer ou ce que l’on appelle un développement du jeu post-traumatique, en reproduisant sur leurs jouets ou leurs pairs les violences qu’ils subissent. Outre la peur, l’agressivité est le deuxième pôle de symptômes du traumatisme. Chez les petits, cela se traduit par de l’opposition, de la provocation, de la colère, de l’agressivité envers leurs pairs ou les adultes.
Les signes sont-ils différents chez les plus grands ?
Chez les enfants plus grands, à partir de deux trois ans, les signes se rapprochent de plus en plus de ceux des adultes. Par exemple des troubles du sommeil (cauchemars répétés, terreurs nocturnes, difficultés d’endormissement, réveils fréquents), une hypervigilance, une réaction de sursaut exagérée, des troubles de l’attention, des peurs multiples et parfois atypiques… Un enfant qui a été lavé dans de l’eau trop chaude peut développer une peur de l’eau, une peur du bain. Les enfants maltraités peuvent aussi présenter des régressions : alors qu’ils avaient acquis la propreté, ils ont besoin à nouveau de porter des couches, remarchent à quatre pattes, parlent bébé…
Les signes de maltraitance envers les jeunes enfants sont-ils difficiles à repérer ?
Ce qui doit, dans tous les cas, alerter les parents ou les professionnels, c’est une rupture nette dans le comportement de l’enfant, car en lien avec un événement spécifique. Quand on place son enfant en crèche, chez une assistante maternelle ou qu’il rentre à l’école, on s’attend à ce qu’il y ait une période d’adaptation, ce qui est parfaitement normal. Mais si les difficultés persistent dans le temps et surtout qu’elles s’accompagnent d’une détresse psychologique de l’enfant, il faut se poser des questions.
Est-ce que les enfants, quand ils ont acquis le langage, parlent toujours des maltraitances qui subissent ?
Si ce sont de très jeunes enfants, ils en parlent avec leurs mots, mais ils ne sont pas toujours entendus, pris au sérieux ou compris par les adultes. Et puis il y a aussi des enfants qui ne parlent pas parce qu’ils ont peur ou parce qu’on les a menacés s’ils le font. En tant qu’adulte, il faut en tirer les conclusions nécessaires, en prévenant les parents s’ils ne sont pas les auteurs des violences, en interpellant les autorités qui pourront émettre un signalement. Il faut avoir conscience que ce n’est pas parce qu’on s’inquiète qu’on accuse, il s’agit d’une mesure de protection de l’enfant. Si on hésite à déranger les adultes, ça signifie qu’on ne s’occupe plus des enfants.
Vers qui les parents peuvent-ils se tourner en cas de suspicion de maltraitance envers leur enfant ?
La priorité est d’en parler au pédiatre ou au médecin généraliste, qui sera à même de détecter le moindre symptôme et d’évoquer des pistes d’inquiétudes sur l’environnement. Depuis plusieurs années, on constate une nette progression dans la prise en charge des enfants victimes de violences, même si beaucoup reste à faire, notamment pour détecter dès les premiers signaux.
On peut citer la création il y a quelques années des unités d’accueil pédiatriques enfant en danger (UAPED), qui disposent d’une équipe pluridisciplinaire très spécialisée pour accueillir les enfants dans un lieu sécurisant. Les parents, comme les professionnels, peuvent y solliciter un examen médico-légal. Les centres régionaux du psychotraumatisme peuvent aussi être contactés tout comme, bien sûr, la brigade des mineurs.
Le problème est que les gens sont mal informés, savoir à qui s’adresser pour faire reconnaître les violences constatées relève parfois du parcours du combattant.
Si vous êtes un enfant en danger, ou si vous êtes une personne témoin ou soupçonnant qu’un enfant est en danger, vous pouvez contacter L’Enfance en danger au 119 (appel gratuit et confidentiel, disponible 24 heures/24 et 7 jours/7) ou visiter le site allo119.gouv.fr.
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